Alors que le Covid-19 s'est propagé dans le monde [en] tout au long de l'année 2020, l'Asie du Sud, une région densément peuplée [en], a été plus particulièrement touchée. L'Inde, le Bangladesh, le Pakistan et le Népal ont même surpassé [en] la Chine en termes de nombre de cas [en] de coronavirus.
Le bouleversement économique et social [en] causé par la pandémie a frisé le catastrophique, stoppant net la croissance et précipitant des millions de personnes dans la pauvreté au moyen de confinements prolongés et de mesures gouvernementales inadaptées. Dans cet article, Global Voices s'est intéressé aux ravages et incertitudes causées par le Covid-19 en Asie du Sud, sachant que les vaccins ne sont encore disponibles dans aucun des pays de la région.
Au début de l'année 2020, lorsque la nouvelle de la découverte d'un virus de type SRAS s'est répandue, la Chine a annoncé la fermeture de la ville de Wuhan et les vols ont été suspendus. Alors que le Bangladesh [en] et l'Inde [en] ont rapidement organisé le rapatriement de leurs ressortissants, le Pakistan, lui, a mis davantage de temps. Certains étudiants pakistanais, coincés dans la province de Hubei, dans le centre de la Chine, ont même été forcés d'interpeller leur gouvernement sur les réseaux sociaux pour être ramenés chez eux.
Pour nombre de travailleurs népalais migrants, à la fois dans le pays et à l'étranger, le confinement imposé à compter du 24 mars s'est avéré plus meurtrier que le Covid-19 lui-même. Certains d'entre eux, plus particulièrement ceux restés bloqués au Moyen-Orient et en Malaisie ont été obligés de manifester, exigeant du Népal qu'il les rapatrie.
En Inde, le confinement [en] a laissé plusieurs centaines de milliers de travailleurs précaires [en], sans salaire, les empêchant ainsi de subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille. Sans autre choix, les transports publics étant à l'arrêt, ils ont été nombreux à parcourir de colossales distances à pied pour retourner dans leur ville ou leur village.
Le 12 mai, le Premier ministre indien Narendra Modi a finalement annoncé un programme de soutien et de reprise nommé Atma Nirbhar Bharat Abhiyaan (Inde autonome) [en] pour aider ces migrants. Cependant, selon plusieurs observateurs, les populations les plus pauvres ont en fait été laissées pour compte et beaucoup d'entre eux ont dû lutter pour survivre sans soutien suffisant des organisations gouvernementales et non-gouvernementales.
Des travailleurs en première ligne
En première ligne durant la crise, ceux qui travaillent dans les domaines de la santé et du social ont joué un rôle important dans la lutte contre le Covid-19 dans la plupart des pays d'Asie du Sud. Ils ont couru des risques considérables d'infection.
Au Bangladesh, par exemple, les professionnels de santé de ce pays densément peuplé ont été confrontés à un nombre de difficultés sans précédent, ainsi qu'à certaines critiques. Beaucoup d'hôpitaux, de cliniques et de centres de dépistage ont manqué des ressources nécessaires, la mise en œuvre des mesures de quarantaine [en] n'étant pas respectée et le temps étant insuffisant pour former correctement le personnel. La précarité des systèmes de santé publique et la protection insuffisante [en] des professionnels du secteur médical ont grandement compliqué la lutte contre le virus.
Mêmes difficultés au Pakistan où, le 6 avril 2020, les professionnels de santé sont allés jusqu'à manifester à Quetta, dans la province du Balouchistan, pour exiger des équipements de protection individuelle (EPI) ainsi que la mise en place d'une quarantaine adaptée et de mesures de sécurité, ce qui a conduit à l'arrestation de près de 150 personnes.
En Inde, plusieurs d'entre eux ont même été agressés par la population locale qui craignait qu'ils contractent le Covid-19 au contact de patients testés positifs, répandant par la suite le coronavirus dans leur communauté.
Économies éprouvées
La plupart des économies sud-asiatiques ont été très durement touchées par les mesures de distanciation sociale et de confinement visant à contenir la pandémie.
L'un des premiers signes de ce “tsunami” économique a été la fermeture d'un grand nombre de magasins, dont des librairies, à Dacca, la capitale du Bangladesh.
Des pays comme les Maldives, entièrement dépendants du tourisme, ont ressenti de plein fouet ce choc économique.
En Inde, le taux de chômage a atteint les 24% en mai [en], et les travailleurs journaliers, des plantations de thé par exemple, ont dû faire face à la pauvreté et à la faim à cause du manque de travail et d'aide du gouvernement.
Réponses des gouvernements
Nombre d'États d'Asie du Sud ont répondu [en] à la crise du mieux qu'il leur était possible, en imposant confinement et mesures de distanciation sociale, et en distribuant des colis de provisions aux populations vulnérables pour leur assurer l'accès à la nourriture. Plusieurs ont aussi mis en place un paiement différé pour les fournisseurs d'eau et d'énergie, les loyers, les impôts et les remboursements de dettes, apportant une certaine forme de répit aux gens ordinaires.
Le Bhoutan a été l'un des premiers pays à fermer temporairement ses frontières, dès la première semaine du mois de mars. Les mesures prises rapidement après cela ont fait de ce pays l'un ceux qui ont le mieux réussi à lutter contre le Covid-19 avec près de 600 cas et aucun décès au moment de la rédaction de cet article.
Le Népal aussi a pris très tôt des mesures en reportant plusieurs festivals internationaux de cinéma et tournois de cricket. Elles ont cependant été jugées insuffisantes. Un activiste a d'ailleurs marché plusieurs milliers de kilomètres, organisé une campagne nationale (#EnoughIsEnough) et entamé une grève de la faim pour protester contre la faible réponse du gouvernement.
De son côté, le 2 avril 2020, l'Inde a lancé l'application mobile Aarogya Setu [en] qui alerte les utilisateurs lorsqu'ils sont à moins de 2m d'une personne infectée par le coronavirus, ce qui a provoqué une vague d'inquiétude en lien avec la cybersécurité. Plusieurs activistes ont également été indignés par la possibilité que le gouvernement utilise des “caméras à identification numérique intégrée” pour surveiller les personnes possiblement contaminées, ce qui soulève des questions sur la vie privée.
Le Pakistan a affirmé contrôler l'épidémie [en] alors que les chiffres étaient en hausse. En juin 2020, l'Organisation mondiale de la santé a toutefois fait parvenir une lettre au Pakistan lui rappelant que le nombre de cas augmentait à un rythme alarmant et lui suggérant de mettre en place un nouveau confinement. Le pays est désormais derrière l'Inde et le Bangladesh en terme de nombre de cas et de décès [en].
Le gouvernement srilankais, lui, a maintenu les élections législatives en août dernier, après les avoir reportées plusieurs fois.
Quant aux autorités du Bangladesh, elles ont arrêté plusieurs personnes pour des contenus publiés sur les réseaux sociaux et des caricatures critiquant la réponse gouvernementale à la pandémie.
Passage au monde virtuel
Les bouleversements sociaux causés par le coronavirus ont affecté de nombreux artistes, réalisateurs et professionnels du sport de par le fait qu'ils devaient rester confinés chez eux durant de longues périodes. Beaucoup se sont alors tournés vers internet et ses événements virtuels et en streaming.
Le travail de 19 artistes népalais a été présenté lors d'une exposition virtuelle en mai dernier et plusieurs caricaturistes ont usé de leurs talents pour dépeindre les défis auxquels les Népalais ont dû faire face durant la période du confinement.
L'usage domestique d'internet au Bangladesh a fait un bond [en] avec le recours à Youtube et Facebook pour regarder des vidéos en bengali. Plusieurs chaînes YouTube et artistes ont émergé grâce à cette audience accrue. Parmi eux, une série de films intitulée “Journal d'isolement de Tong” raconte le quotidien de différents personnages depuis le début de l'épidémie.
Un concours photo, lancé cette année, demande à la minorité Rohingya qui a trouvé refuge dans des camps au Bangladesh de documenter leur vie pendant le coronavirus.
L'étudiante cachemiri en médecine Tabish Aijaz est devenue populaire sur les réseaux sociaux en partageant des peintures qu'elle avait créées sur des feuilles d'arbre pour vaincre le stress et l'ennui liés au Covid-19 durant le confinement.
Plusieurs établissements scolaires d'Asie du Sud ont mis des cours en ligne pour enseigner virtuellement à leurs élèves confinés chez eux. Cependant, les étudiants vivant dans des zones reculées ou issus de milieux modestes, comme ces étudiants pakistanais [en], n'avaient pas d'accès internet et ont donc eu les plus grandes difficultés à rester au niveau dans leurs études. En Inde, une start-up à but non lucratif de la ville de Cuttack dans l'État d'Odisha, a eu recours aux technologies d'avant internet tels que les appels téléphoniques, les SMS et la radio pour joindre ces étudiants.
Environnement
La pandémie a été à la fois un fléau et une bénédiction pour l'environnement. Au départ, le confinement a eu un impact positif sur la faune et la flore dans les célèbres parc nationaux du Sri Lanka qui s'étaient longtemps plaints du trop grand nombre de visiteurs. Pourtant, ces réserves dépourvues de touristes et de travailleurs ont représenté une aubaine pour les braconniers, souvent des résidents locaux affectés par le confinement.
Pour autant, les restrictions liées au Covid-19 ont permis de réduire la pollution dans de nombreuses villes. Certains vidéastes d'Asie du Sud ont mis des vidéos en ligne sur YouTube pour montrer à quel point l'activité urbaine était à l'arrêt. Au Népal, cela a créé un environnement favorable pour les oiseaux et le Mont Everest est devenu visible depuis la capitale Katmandou.
Le blog Everest Today a twitté :
Remember that viral picture of Mt Everest during lockdown? Once again, today, crystal clear sky makes Everest visible from Kathmandu. More: https://t.co/Bku12KOA8S pic.twitter.com/EjsOWZrL4n
— Everest Today (@EverestToday) 30 octobre 2020
Vous vous rappelez de cette photo virale du Mont Everest pendant le confinement ? Une fois de plus, aujourd'hui, un ciel limpide rend l'Everest visible depuis Katmandou.
Nous sommes impatients d'écrire plus d'histoires sur l'Asie du Sud et, espérons-le, sur un monde post-coronavirus en 2021.