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Un nouveau venu sur la scène politique hongonkaise suscite l'inquiétude du camp favorable au pouvoir en place

Catégories: Asie de l'Est, Chine, Hong Kong (Chine), Élections, Médias citoyens, Politique
Le logo du nouveau parti Bauhinia représente une fleur de lotus blanche. [1]

Le logo du Parti Bauhinia. Image de Stand News [2], utilisée avec autorisation.

[Sauf mention contraire, tous les articles renvoient à des liens en anglais, ndt.]

Le projet de création d'un nouveau parti politique en faveur du pouvoir en place à Hong Kong a été diffusé à Beijing depuis le mois de novembre et son apparition a suscité de nombreuses spéculations dans une ville en proie à des troubles politiques.

Le nouveau groupe politique, le Parti Bauhinia, a été mis en place [3] par une association d'hommes d'affaires originaires de la Chine continentale. La nouvelle de sa création a circulé de Beijing à Hong Kong lorsque l'un des cofondateurs, Li Shan, a présenté la vision du parti lors d'un événement à l'université de Tsinghua le mois dernier.

Selon Li Shan, les trois cofondateurs, Chen Jian Wen, Charles Wong et Li Shan, ont décidé de créer ce nouveau parti en mars en réponse aux remous politiques dans la ville de Hong Kong. Ils considèrent l'opposition hongkongaise comme résultant d'un gouvernement faible et pensent qu'ils pourraient potentiellement obtenir [4] suffisamment de sièges pour opposer un véto au budget du gouvernement au Conseil législatif (Legco). Pour écarter l'opposition, le nouveau parti prône l'avènement d'un nouveau système politique composé d'une chambre haute (au-dessus du Conseil législatif), dont les membres seraient nommés par des décideurs politiques.

Quant à la politique sociale, le nouveau parti soutient une réhabilitation des terres à grande échelle et la privatisation des logements sociaux pour résoudre les difficultés économiques du peuple.

En novembre 2019, après des mois de manifestations, le camp démocratique avait réussi à remporter une majorité des sièges [5] lors des élections de conseil de district. Si le Conseil législatif n'avait pas été reporté par Beijing, les démocrates auraient pu devenir majoritaires tant au Legco qu'au comité électoral du chef de l'exécutif. Beijing a été très surpris par les résultats des élections et a commencé à perdre confiance dans les partisans locaux du pouvoir établi.

Actuellement, tous les partis politiques pro-Beijing et en faveur du pouvoir établi à Hong Kong ont de fortes relations locales avec les secteurs commerciaux, professionnels et non-gouvernementaux. Les dirigeants du Parti Bauhinia, cependant, sont des hommes de l'élite nés en Chine continentale qui ont immigré à Hong Kong dans les années 1980 lorsque la Chine se préparait à s'unifier à l'ancienne colonie du Royaume-Uni. Ces personnes arrivées sur le tard sont généralement désignées par les médias locaux comme les « nouveaux et nouvelles Hongkongais·e·s ».

Le Parti Bauhinia comporte 20 membres, mais il a l'ambition de recruter 250 000 membres [6] pour ses campagnes en vue des élections à venir, selon le South China Morning Post (SCMP). Une telle base militante sera beaucoup plus significative que celle du plus gros parti politique pro-Beijing, l'Alliance démocratique pour l'amélioration et le progrès de Hong Kong, qui compte environ 43 000 membres.

Charles Wong, un autre cofondateur du nouveau parti, a déclaré [7] au SCMP lors d'une interview exclusive que la mission du parti consistait à unifier Hong Kong, et il a tenu la cheffe de l'exécutif Carrie Lam [8] [fr] pour responsable de l'agitation de 2019. Il a également blâmé le camp pro-Beijing pour sa gouvernance « médiocre » de la ville.

De nombreux·ses Hongkongais·e·s perçoivent l'ambition du nouvel arrivant sur la scène politique locale comme un signe de la politique belliciste de Beijing qui envisage reprendre le contrôle de Hong Kong en « conservant l'île mais pas les habitants » [9] [zh] — une théorie du complot qui a commencé à se propager sur les médias en ligne du continent et de Hong Kong après les élections de conseil de district de novembre 2019. Cette théorie a attiré de plus en plus d'adeptes suite à la promulgation de la loi sur la sécurité nationale, alors qu'un grand nombre de militant·e·s étaient arrêté·e·s et emprisonné·e·s, que le camp pro-Beijing a amorcé une purge du secteur de l'éducation [10] [fr] et que des fonctionnaires du gouvernement [11] [fr] ont été contraints de prêter allégeance. En conséquence, un grand nombre de Hongkongais·e·s ont pris la décision de migrer [12] [fr].

Le nouveau parti en faveur du pouvoir établi est considéré, par conséquent, comme un signe supplémentaire de l'existence d'une politique de mainmise totale de Beijing. Cette fois, cependant, ce ne sont pas l'opposition et les dissident·e·s qui sont visé·e·s mais les élites dirigeantes en place, comme le suggère Simon Shen, un scientifique et chroniqueur politique, qui a utilisé la métaphore d'une « transfusion sanguine » pour décrire le remaniement des instances de direction de la cité, qui consiste à remplacer les ancien·ne·s loyalistes par des nouveaux et nouvelles :

[#Patreon Dernière Minute] Hong Kong est en train de recevoir une transfusion sanguine à toute vitesse. La dernière mesure concerne l'établissement d'un nouveau parti politique composé de « nouvelles et nouveaux Hongkongais·e·s ». Les personnes clés ont obtenu leurs diplômes dans les universités de Pékin et de Tsinghua. Elles ont déjà obtenu la pleine citoyenneté de Hong Kong. Leurs membres seraient issus de la population qui s'est installée à Hong Kong grâce au programme de migration d'élites ou à un visa d'étudiant. Ils travailleraient pour des grandes entreprises de Chine continentale et préconiseraient des politiques qui servent l'intérêt de la Diaspora chinoise du continent.

Joseph Wong, l'ancien secrétaire chargé de la fonction publique de Hong Kong pensait [16] [zh] également que ce nouvel acteur politique remettrait en cause les dirigeants des partis locaux favorables au pouvoir établi :

講個人質素,這批海歸派,無論是學歷、普通話和英語的表達能力、內地政治的認識和人脈關係、國際視野,以至事業成就,今天大多數的建制派代表成員,都是望塵莫及。香港回歸23年來,透過每天來港的150名單程證人士和各式各樣的專才計劃,以至在香港各大學畢業後留下來的內地生,數十萬計有內地背景的新香港人已落地生根。只要風向改變,他們完全可以成為紫荊黨的支持者或改變之前的投票習慣。從中央全面管治香港的角度思考,除去民主派後,讓一股愛國新力量參與各級選舉,藉此制衡本土建制勢力…

Les caractéristiques personnelles du groupe de la Diaspora chinoise du continent, notamment leur formation, leurs compétences linguistiques, leur capital social, leurs horizons internationaux et leurs carrières professionnelles, sont de loin plus remarquables que celles des représentant·e·s du camp actuel pour le pouvoir établi. Dans les 23 dernières années suivant le transfert de Hong Kong à la Chine, sous le régime du visa à sens unique [accordé à un maximum de 150 personnes par jour] et de l'admission de migrants de qualité, des dizaines de milliers de nouvelles et nouveaux Hongkongais·e·s originaires de Chine continentale se sont installé·e·s à Hong Kong. Dès lors que la situation politique a évolué, ils et elles ont pu devenir des partisans du Parti Bauhinia et changer leurs habitudes de vote. En ce qui concerne Beijing, après l'éradication des démocrates, l'émergence d'une nouvelle force patriotique dans les élections locales pourrait apporter un contrepoids aux forces locales soutenant le pouvoir établi…

Le journaliste chevronné Ching Cheong fait une analyse plus élaborée du nouveau parti. Il a écrit [17] [zh] dans le Citizen News que, depuis le déclenchement des manifestations contre les extraditions vers le continent, le Parti communiste chinois (PCC) avait commencé à appliquer son expérience acquise pendant la guerre civile chinoise contre le Kuomingtang :

筆者認為,它就是一個在中共香港工委領導下、帶有政黨性質的公開的親中共的「群眾組織」,其目的就是為中共的全面接管香港的政權機構(行政、立法、司法、區議會)和非政權機構(大量的法定團體、馬會、大學的校委會等等)作好準備。在中共的歷史上,每當要「解放」大城市時,必然會事先在該市建立大量親中共的「群眾組織」,以便配合中共解放軍的進軍步伐。

Selon moi, il s'agit d'une « organisation du peuple » menée par la branche du PCC de Hong Kong. Le but est de se préparer à la prise de contrôle des organisations gouvernementales de Hong Kong, incluant l'administration, le Conseil législatif, le conseil de district et judiciaire, ainsi que des institutions non-gouvernementales, telles que des organes statutaires, le Jockey Club et des comités qui régissent les universités, etc. Dans l'histoire du PCC, à chaque fois qu'ils avaient planifié de « libérer » une ville, ils établissaient un nombre important d'« organisations du peuple » pour préparer le terrain en vue de la prise de contrôle de l'Armée populaire de libération.

Le camp favorable au pouvoir établi est inquiet :

Il est intéressant de noter que certaines personnes du camp pour le pouvoir établi sont venues à l'office de liaison de Beijing pour solliciter des éclaircissements. Et Charles Wong, l'un des cofondateurs du Parti Bauhinia, a eu connaissance de leur inquiétude par l'office de liaison et apaise maintenant leur crainte d'une purge.

D'autre part, aux yeux du camp pro-démocrate de Hong Kong, le Parti Bauhinia est considéré comme un jalon de plus pour Beijing :

Avez-vous déjà pensé à ce que représentait l'emblème du #PartiBauhinia ? #PartiBauhinia #只驚黨 #Sceau du #PCC #HongKong