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L'architecture brutaliste de l'ex-Yougoslavie resplendit dans un fanfilm dérivé de Star Wars

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Serbie, Arts et Culture, Film, Good News, Idées, Médias citoyens

Un serpent se faufile à l'intérieur d'un crâne qui semble calciné. [1]

Breaking Point : A Star Wars Story. Scène tournée dans les catacombes sous le parc de Tašmajdan [2] [fr] à Belgrade. Photo de Tamara Antonović. [3] Utilisation autorisée.

L’article d'origine [4] a été publié en anglais le 15 mai 2020.

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Apportant sa propre touche d'originalité à Star Wars, un fanfilm [5] dérivé de la célèbre franchise a fait sa première en ligne fin 2019.

Breaking Point : A Star Wars Story [6] est un court métrage de 25 minutes réalisé par une équipe d'environ 50 bénévoles, parmi lesquels des réalisateurs professionnels, des étudiants en cinéma et des membres de la communauté serbe des fans de Star Wars.

Ce fanfilm a été écrit et réalisé par le cinéaste primé Stevan Filipović.

Le film a été tourné dans les alentours de la capitale serbe, Belgrade.

Le monument futuriste dédié aux soldats du détachement partisan de Kosmaj [7] morts au combat lors de la Seconde Guerre mondiale, qui se trouve au sommet du mont Kosmaj, ainsi que le Monument au Soldat inconnu [8] [fr] de la Première Guerre mondiale, au sommet du mont Avala, ont tous deux été transformés avec succès en symboles Jedi.

L’histoire apocryphe se déroule avant l’épisode de Star Wars Le Réveil de la Force [9] [fr] et raconte la chute de l’ordre Jedi perpétrée par Kylo Ren [10] [fr].

Global Voices a contacté M. Filipović pour parler du film.

Global Voices (GV) : Votre film a reçu des commentaires très positifs dans les médias [11] [bs] et a été applaudi par la communauté locale des fans de Star Wars. Les fanfictions atteignent rarement un tel niveau de production. Comment avez-vous fait ?

Stevan Filipović (SF): I think one can easily underestimate how much Star Wars means to people around the globe. It's a crucial part of our identities, much more than some local cultural phenomena, at least for a lot of people of my generation. I think we could never do something like this — get a completely professional film crew, and such amazing actors, for a non-profit fan film — if we all didn't share a lot of love and respect for this fictional universe George Lucas has created.

[12]

Left to right: Darko Ivić, Stevan Filipović and Slaven Došlo on the set of Breaking Point: A Star Wars Story. Photo by Tamara Antonović. Used with permission.

But, the other key was the story. I didn't set out to make a fan film, I wanted to make this really personal story, that happens to be set in the Star Wars universe. I think people reacted to that, saw the raw emotions and the potential of it, very early on. Darko Ivić, who plays Nol in the film, was there with me from the very start when I started dreaming about this film. 

And then Slaven Došlo went to Disneyland, and brought me a gift — Yoda's lightsaber, and I knew I wanted him to portray the younger brother, Kess. He has this mix of naïveté and pain that I thought was integral to the character.

Jana was selected through casting, but the moment she walked in, we thought — that's Mala.

The rest of the crew was something of a filmmaker's dream. We had great support from Hypnopolis, the company that has produced all of my films. Basically, everybody who volunteered to help was listed as a co-producer, since we didn't have a budget.

In the end, with almost no resources, with shared love for Star Wars, and connections from my previous three feature films, we got quite literally the top Serbian film crews in all fields: from stunts to world-class visual effects, professional color grading, award-winning sound designer, through amazing creatures and prosthetic make-up effects, insane music (available on our YouTube channel [13]), and — of course — great help from the students of the Academy of Arts, where I teach.

Stevan Filipović (SF) : Je pense qu'il est facile de sous-estimer l'importance qu'a Star Wars pour les gens du monde entier. C'est une partie cruciale de nos identités, bien plus que certains phénomènes culturels locaux, du moins pour de nombreuses personnes de ma génération. Je pense que nous n'aurions jamais pu faire quelque chose comme ça – obtenir une équipe totalement professionnelle, et des acteurs aussi fantastiques, pour un fanfilm à but non lucratif – si nous n'avions pas tous partagé beaucoup d'amour et de respect pour cet univers fictif créé par George Lucas.

Darko Ivić, Stevan Filipović et Slaven Došlo se tiennent debout, les bras croisés, dans l'encadrement d'une immense porte. Ils sont en costume, dans des tons ochre. [12]

De gauche à droite Darko Ivić, Stevan Filipović et Slaven Došlo sur le plateau de Breaking Point : A Star Wars Story. Photo de Tamara Antonović. Utilisation autorisée.

Mais l'autre point clef, c'est l'histoire. Je n'ai pas commencé avec l'idée de faire un fanfilm, je voulais écrire cette histoire très personnelle, qui se situe dans l'univers de Star Wars. Je pense que les gens ont réagi à cela, ils ont saisi dès le début les émotions pures et son potentiel. Dorko Ivić, qui joue le rôle de Nol dans le film, a été avec moi dès le début quand j'ai commencé à rêver de ce film.

Et ensuite Slaven Došlo est allé à Disneyland, et m'a rapporté en cadeau le sabre laser de Yoda, là j'ai compris que je voulais qu'il joue le rôle du jeune frère, Kess. Il a ce mélange de naïveté et de douleur que je pensais être une partie fondamentale du personnage.

Jana a été sélectionnée par le casting, mais à partir du moment où elle s’est présentée, nous avons pensé – c’est Mala.

Le reste de l’équipe était une sorte de rêve pour un cinéaste. Nous avons eu un excellent soutien de Hypnopolis, la société qui a produit tous mes films. Comme nous n’avions pas de budget, pratiquement tous ceux qui ce sont présentés pour aider ont été nommés co-producteurs.

À la fin, presque sans aucune ressource, avec notre amour partagé pour Star Wars, et les connexions forgées grâce à mes trois précédents films, nous avons littéralement obtenu la meilleur équipe serbe dans tous les domaines : des cascadeurs aux effets visuels d'une qualité exceptionnelle, en passant par l’étalonnage professionnel des couleurs, un concepteur sonore primé, des créatures étonnantes et des effets de maquillage prothétique, une musique dingue (disponible sur notre chaîne YouYube [13]) et une grande aide des étudiants de l'Académie des Arts, où j'enseigne.

Un personnage au visage maquillé de noir et de blanc, portant des cornes, tient une tête coupée dont dépassent des fils.

Une scène de Breaking Point : A Star Wars Story. Photo de Tamara Antonović. Utilisation autorisée.

GV : Des artistes des Balkans comme Zoran Cardula de Macédoine du Nord [14],  ont exploré par le passé les similitudes visuelles entre l’iconographie de Star Wars et l’architecture brutaliste de l'ex-Yougoslavie [15]. Avec votre film, cette connexion prend une dimension complètement nouvelle et se développe à travers un mode d'expression inédit. Comment avez-vous fait votre choix pour ces monuments particuliers ?

SF: There is something very deeply ‘Star-Wars-esque’ in the stories and legends of former Yugoslavia, or, rather – vice versa. The epic exodus and rebirth of WWI, and then — chaos, civil war, Tito's rebel partisans from all nations who overcame their differences to fight a great evil (the Nazis), their victory, peace, the creation of this New Republic, which leads to another rise in nationalism and the fall of the Republic… It's hard to separate our actual history from a synopsis of the entire Skywalker saga!

[16]

Jedi Temple in Breaking Point: A Star Wars Story, photo by Tamara Antonović. Used with permission.

So, these relics from our past were perfect to create the atmosphere of Luke Skywalker's Jedi Academy — built after the wars, on the ruins of the bygone era — they represent the history which Nol and Dust never had a chance to learn from, yet which shaped their destinies. So, Ivan Meštrović's [17] masterpiece, the Mount Avala Monument to the Unknown Hero became a Jedi shrine, and the Mount Kosmaj WWII monument became ancient Jedi ruins.

From a filmmaker's perspective, the Brutalist ex-Yugoslavia architecture was very modern, created in an age where we were looking to the stars, to the future, for inspiration. That makes it stand out today. Both of these locations had mystery and majesty, and I really feel they add something unique to the film. We were very fortunate to get permissions to film there.

SF : Il y a quelque chose de profondément « Starwarsesque » dans les histoires et légendes de l’ex-Yougoslavie, enfin c'est plutôt l'inverse. La saga de l'exode puis la renaissance qui a suivi la Première Guerre mondiale et ensuite, le chaos, la guerre civile, les partisans rebelles de Tito de toutes les nations qui ont surmonté leurs différences pour combattre le grand fléau (le nazisme), leur victoire, la paix, la création d’une Nouvelle République qui a mené à une nouvelle montée du nationalisme et à la chute de la République… Il est difficile de distinguer notre véritable histoire du synopsis de toute la saga des Skywalker !

Le temple Jedi surplombe une scène où un personnage portant un foulard bleu observe un homme gisant à terre. [16]

Un temple Jedi dans Breaking Point : A Star Wars Story, photo de Tamara Antonović. Utilisation autorisée.

Donc, ces vestiges de notre passé étaient parfaits pour créer l'atmosphère de l'Académie Jedi de Luke Skywalker – construite après les guerres, sur les décombres d'une époque révolue – ils représentent l'histoire que Nol et Dust n'ont jamais eu la chance d’apprendre, mais qui a néanmoins façonné leur destin. Ainsi, le chef d’œuvre d’Ivan Meštrović [18] [fr], le monument au héros inconnu du mont Avala, est devenu un sanctuaire Jedi et le monument de la Seconde Guerre mondiale du mont Kosmaj est devenu une ancienne ruine Jedi.

Du point de vue d’un réalisateur, l’architecture brutaliste de l’ex-Yougoslavie est très moderne, créée pendant une époque où nous regardions vers les étoiles et vers le futur pour obtenir de l'inspiration. Ceci la met en valeur aujourd’hui. Ces deux lieux sont mystérieux et majestueux, et j'ai vraiment l'impression qu'ils ajoutent quelque chose d'unique au film. Nous avons eu beaucoup de chance d'obtenir l’autorisation de tourner ici.

GV : Les personnages principaux de Breaking Point sont des gens ordinaires. Dans les films officiels de Star Wars, ce sont les « membres génétiquement supérieurs de deux familles royales » (pour paraphraser David Brin [19]) et leur entourage qui occupent le devant de la scène. Rogue One (2016) est peut-être une exception. Considérez-vous votre court métrage comme faisant partie des précurseurs d'une vague de « démocratisation » de cet univers, avec des histoires qui explorent plus profondément les aspects sociaux à travers l’expérience des personnages de toutes les extractions sociales ?

SF: Yes, well, there's that famous quote from Clerks [20], about all the workers who built the Death Star and their untold stories. But, seriously, I think Star Wars mythology is now so rich and detailed that it can be compared to many of the existing, historical, myths around the globe, at least in scope and sheer level of detail. The place of the pop-culture in our modern societies is yet to be analyzed by historians and social anthropologists, but, I think it's safe to say that these modern pop-cultural myths occupy a very important place in our lives. In that respect, I feel Star Wars is now more than just another franchise, it's an integral part of global cultural heritage.

So, it was interesting to me to try to find a local angle, to try to add to this mythology from our own point of view. We could never make something like The Crown here, but that doesn't mean we don't have amazing stories of our own to tell, and we sure as hell can make films like Dirty Dozen [20] or Rogue One [21]. And class is an important part of that. So we made the entire backstory of Breaking Point about class, in a way. It was interesting for me to imagine — could a poor kid, with no education, and no family, who grew up in the mean streets of Serbia in the 90s become a Jedi Knight, this zen warrior-monk? Or do the wounds that we all have, from the wars, the politics, crime, make us emotionally unstable, unfit? How can we escape that?

Jana Milosavljević as Mala in Breaking Point: A Star Wars Story [22]

Jana Milosavljević as Mala in Breaking Point: A Star Wars Story. Photo by Tamara Antonović. Used with permission.

The protagonists of our film had really tough childhoods. They were separated, the older one became a drug dealer to survive. The younger one was sold to slavery to the same Dickensian crime boss who once owned Han Solo [23] – Lady Proxima. Mala, the Twi'lek girl, was a sex worker from her early teens.

They were then rescued by Luke Skywalker, and now they are training to be Jedi, but they have these gaping wounds in their hearts, all of them. These wounds are the weaknesses that the Dark Side exploits through Ben Solo, the future Kylo Ren.

But, it's not Ben Solo who turns them against each other — it's their own fears and weaknesses and old wounds that make the brothers go for each other's throats. In short, they represent the history of the conflicts that led to the breakup of former Yugoslavia.

Brothers, killing each other, over past wounds and revived nationalism. That rise of toxic nationalism in the former Yugoslav countries has a striking resemblance to the revival of the Empire that Ben Solo was rooting for, and that is a major political point in the sequel trilogy. I'm sorry they didn't elaborate on this backstory as seriously as George Lucas did when he was creating Star Wars films. Especially in the contemporary world, where we see the reemergence of politics that we all thought defeated so many years ago, and that have caused so much pain and suffering.

SF : Oui, eh bien, il y a cette fameuse citation de Clerks [20] sur tous les travailleurs qui ont construit l’Étoile noire et leurs histoires jamais racontées. Mais, sérieusement, je pense que la mythologie de Star Wars est maintenant si riche et détaillée qu’elle peut être comparée à de nombreux mythes historiques qui existent dans le monde, au moins en ce qui concerne leur portée et leur niveau de détail. Le rôle de la culture pop dans notre société n'a pas encore été analysé par les historiens et les anthropologues sociaux mais je crois que l’on peut sans doute affirmer que ces mythes modernes de la culture pop occupent une place très importante dans nos vies. De ce point de vue, j’ai la sensation que Star Wars est aujourd’hui plus qu’une simple franchise, il s’agit d’une partie intégrante de l’héritage culturel mondial.

C'est pourquoi j’ai trouvé intéressant d’essayer de donner une optique locale à cette mythologie pour y ajouter notre perspective particulière. Nous n'aurions jamais pu faire quelque chose comme The Crown ici, mais cela ne veut pas dire que nous n'avons pas nous aussi des fantastiques histoires à raconter et nous pouvons sans aucun doute tourner des films comme Les Douzes Salopards  [24][fr] ou Rogue One  [25][fr]. Et la classe sociale est un élément important de ces considérations. C’est ainsi que dans un certain sens, nous avons consacré tout le contexte de Breaking Point à la classe sociale. Pour moi, c'était intéressant d’imaginer comment un enfant pauvre, sans éducation ni famille, qui a grandi dans les rues de la Serbie des années 90, pourrait devenir un chevalier Jedi, ce moine-guerrier zen. Ou bien les blessures que nous avons tous – vestiges de la guerre, de la politique, des crimes – nous rendent-elles instables et inaptes sur le plan émotionnel ? Comment pouvons-nous échapper à cela ?

Mala tend les bras vers le public, au milieu d'un nuage de poussière. Elle porte une coiffe bleu et or et des armes autour de la taille. [22]

Jana Milosavljević dans le rôle de Mala dans Breaking Point : A Star Wars Story. Photo de Tamara Antonović. Utilisation autorisée.

Les personnages principaux de notre film ont eu une enfance difficile. Il ont été séparés, le frère aîné, pour survivre, est devenu un dealer. Le plus jeune a été vendu comme esclave à cette même baronne du crime dickensienne, Lady Prozima, qui, il fut un temps, possédait Han Solo [26] [fr]. Mala, la Twi'lek, était une travailleuse du sexe depuis le début de son adolescence.

Ils ont ensuite été sauvés par Luke Skywalker, et suivent maintenant l’entraînement pour devenir Jedi, mais chacun d'entre eux a des blessures profondes dans son cœur. Ces blessures sont les faiblesses dont le côté obscur profite par le biais de Ben Solo alias Kylo Ren.

Mais ce n’est pas uniquement Ben Solo qui les dresse les uns contre les autres – ce sont leurs propres peurs, faiblesses et anciennes blessures qui poussent les frères à se battre entre eux sans pitié. En bref, ils représentent l’histoire des conflits qui ont mené à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie.

Des frères qui s'entretuent à cause des blessures passées et d’un nationalisme renaissant. Cette ascension d’un nationalisme toxique dans les pays de l’ex-Yougoslavie a une ressemblance frappante avec la renaissance de l’empire appuyée par Ben Solo et qui représente un point politique majeur dans la trilogie qui suit la série originale. C’est dommage qu’ils n'aient pas élaboré ce contexte aussi sérieusement que George Lucas ne l’avait fait lorsqu’il créait les films de Star Wars. En particulier dans le monde contemporain, où nous voyons réapparaître des politiques que nous pensions tous avoir vaincues il y a de cela tant d’années et qui ont causé autant de douleur et souffrance.

Un jedi s'éloigne avec son sabre laser, laissant derrière lui les cadavres de deux personnages gisant au sol. Au loin, une lumière éblouissante.

Scène finale de Breaking Point : A Star Wars Story. Photo de Tamara Antonović. Utilisation autorisée.

GV : Les critiques de Breaking Point sont axées sur la durée du film. Ils en voulaient plus. Avez-vous planifié une suite ?

SF: The ending was supposed to be mysterious, poetic, kind of elusive, like a dream. Kess dies, finding his faith again, because of the only pure thing in his life — his love for Mala. So, it's a completed story for us, and we don't plan to make a sequel. But making a prequel would be really interesting — Nol, Kess and Mala living on Corellia, before Luke Skywalker rescued them. On the other hand, perhaps it would be too dark for Star Wars. I don't know… We'll see. Difficult to see, the future, as Yoda once said.

SF : La fin était censée laisser du mystère, de la poésie, une sorte de sensation évasive comme dans un rêve. Kess meurt, retrouvant sa foi, grâce à la seule chose pure dans sa vie – son amour pour Mala. Il s’agit d’une histoire complète pour nous et nous n'avons donc pas planifié de suite. Mais tourner un prequel (antépisode) serait vraiment intéressant – la vie de Nol, Kess et Mala à Corellia avant que Luke Skywalker les sauve. D’un autre côté, cela pourrait être un peu trop sombre pour Star Wars. Je ne sais pas… Nous verrons. Comme l'a dit une fois Yoda : « Difficile à voir. Toujours en mouvement est l'avenir ».

GV : La science-fiction et la fantasy faisaient partie intégrante de la culture dominante de l'ex-Yougoslavie, mais à l'heure actuelle, très peu d'auteurs de la région travaillent dans ces genres. En tant que réalisateur, vous avez fait exception à ce sujet, avec le film fantasy à succès Shaitan's Warrior [27]en 2006. Dans Next to Me [28] (2015), vous avez abordé l'intersection des nouvelles technologies avec la société. Voyez-vous un potentiel pour d'autres productions de science-fiction en Serbie ou dans la région des Balkans au sens large ?

SF: I don't care much about “genre” or “sci-fi” or other labels. I think the obsession with “genre vs. arthouse” is a very weird European phenomenon (much like the formulaic obsession with genres is a weird American phenomenon), and it kinda makes us lose focus on what really matters — telling good stories, writing from the heart, creating compelling characters that matter to the audiences.

I think we have here the potential to dream about anything we want, but we often choose not to dream, and rather to create films made to fit European financing strategies and schemes. This results in movies that feel more like a product than your average Hollywood fare, minus the virtue of being watchable. And this is the reason people are more inspired by quality TV and games than movies these days. So, in short, yes — I think we can do pretty much whatever we want, but we need to fight for a different financing system to enable it and different standards to realise the potential of thinking “outside the box”.

SF : Je ne prête pas beaucoup d’intérêt au « genre », à la « science-fiction » ou à d'autres étiquettes. Je crois que l'obsession des « films de genre contre films d'art et essai » est un phénomène européen très étrange (tout comme l'obsession des formules de genre est un phénomène américain étrange) et cela nous distrait de ce qui compte vraiment, c'est à dire, raconter de bonnes histoires écrites avec le cœur, créer des personnages intrigants auxquels le public s'attache.

Je pense que nous avons ici le potentiel de rêver de tous ce que nous voulons, mais souvent nous choisissons de ne pas rêver et, à la place, de créer des films qui s’adaptent aux modèles et aux stratégies de financement européens. Le résultat : des films qui ressemblent plus à un produit hollywoodien moyen, sans le mérite d'être regardable. Et c'est la raison pour laquelle, de nos jours, les gens s'inspirent davantage de la télévision et des jeux vidéo de qualité que des films. Donc, en bref, oui – je pense que nous pouvons faire à peu près tout ce que nous voulons, mais nous devons nous battre pour un système de financement différent qui rende cela possible et pour des normes différentes permettant de faire émerger la possibilité de « sortir des sentiers battus ».