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Japon : le « kanji de l'année » infecté par le Covid-19

Catégories: Asie de l'Est, Japon, Langues, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique, COVID-19

Le kanji de l'année est inscrit dans un cadre qui est posé sur une table à l'extérieur au temple Kiyomizu, situé à Kyoto.

Selon une enquête réalisée à travers le pays, le caractère chinois « mitsu » (密) est le kanji qui symbolise le mieux l'année 2020 au Japon. Tous les ans, le kanji retenu est dévoilé au public au temple historique Kiyomizu situé à Kyoto. Capture d'écran [1] [jp] de la chaîne YouTube officielle de Fuji News Network.

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais, ndlt].

Au terme de douze mois marqués par la pandémie de Covid-19, le Japon a élu « kanji de l'année » l'idéogramme [2] (mitsu). Les kanjis sont des caractères chinois utilisés dans la langue japonaise.

Le caractère 密 signifie littéralement « secret ». Il peut néanmoins être traduit ici par « proximité, surpeuplé ou confiné » faisant ainsi référence aux « trois mitsus » (三密) qui synthétisent les recommandations sanitaires émises par les autorités japonaises pour lutter contre le Covid-19.

Un poster représentant les consignes sanitaires des autorités japonaises pour lutter contre le Covid-19. [3]

En 2020, les consignes sanitaires, appelées également les « 3 C » (三密), ont été le pilier de la réponse des autorités japonaises à la pandémie de Covid-19. Image issue du site Internet du gouvernement japonais [4], sous licence CC-BY 4.0 [5].

Les « trois mitsus » peuvent être traduits en anglais par les « three Cs » qui signifient « lieux bondés », « lieux fermés » et « contacts rapprochés » [ces trois expressions commencent par un C en anglais : crowded places, closed spaces et close-contact settings, ndlt]. Ils résument les trois situations que la population est invitée à éviter afin d'endiguer la propagation du coronavirus.

Chaque année, la Société japonaise de maîtrise des kanjis [6] [jp] ((財団法人日本漢字能力検定協会) désigne un kanji sur la base des résultats d'un sondage réalisé à travers le Japon. En 2020, plus de 208 000 participants ont voté en choisissant un kanji parmi une liste de caractères. Celui signifiant mitsu est arrivé en tête avec 28 401 votes.

Le traducteur Richard Medhurst précise qu'en japonais, le caractère 密 se retrouve dans de nombreux mots composés qui font référence à la « discrétion » :

密 devient donc le kanji de l'année. Outre sa présence dans l'expression les 3 mitsu, ce caractère est d'une manière générale assez modulable. Voici une sélection de mots faisant référence à la « discrétion ».
密輸(みつゆ)[prononcé mitsuyu] = contrebande
密猟(みつりょう)[prononcé mitsuryu] = braconnage
密航者(みっこうしゃ)[prononcé mikkosha] = passager clandestin
密教(みっきょう)[prononcé mikkyo] = bouddhisme ésotérique [8]

Parmi les autres kanjis en compétition figuraient [9] [pdf] [jp] [10] [jp] (ka, signifiant calamité), [11] (yamai, maladie) et [12] [jp] (shin, nouveau ; ce caractère est un clin d'œil à l'expression « nouveau coronavirus »).

Tout le monde ne s'est pas focalisé sur les aspects négatifs de l'année écoulée pour sélectionner le kanji le plus emblématique de 2020. Des écoliers japonais ont ainsi été invités lors d'une autre enquête [13] à désigner des caractères qui en soulignaient les moments heureux, tels que le temps passé avec des ami·e·s ou le retour à l'école après l'assouplissement des mesures de confinement à la fin du printemps.

Le caractère 笑 (shō/warau), qui signifie « rire » ou « sourire », a été désigné kanji de l'année 2020 par des écoliers du primaire.

Par rapport à d'autres pays [16], le Japon fait généralement figure de bon élève dans sa maîtrise du Covid-19 en 2020, notamment grâce à la réponse de sa population. Une augmentation des nouvelles contaminations a néanmoins été observée à la fin de l'automne et au début de l'hiver. Le nombre de cas est resté à des niveaux élevés dans certaines régions du Japon. Cette situation a incité des membres du corps médical à promulguer un « état d'urgence [17] » non officiel en décembre lorsque les hôpitaux se sont retrouvés sous tension.

Mi-décembre, les autorités japonaises ont annoncé leur intention de suspendre [18] un programme d'aide au secteur du tourisme, populaire au sein de la population. Cette mesure qui finance les déplacements et les hébergements dans le pays sera gelée entre le 28 décembre et le 11 janvier [19]. Chaque année, des millions de Japonais vivant dans les principaux centres urbains du pays retournent dans les communes rurales ou les régions dont ils sont originaires pendant cette période.

Le Premier ministre, Suga Yoshihide, a également demandé à la population d'éviter les contacts rapprochés. En d'autres termes, il a souhaité rappeler la règle des « 3 C ». Le chef de l'État japonais qui a succédé à Abe Shinzo au poste de Premier ministre, voit sa cote de popularité dégringoler [20] depuis son arrivée au pouvoir en septembre dernier. Il a essuyé de vives critiques [21] en décembre lorsque le pays a appris qu'il avait dîné avec d'autres politiciens dans un restaurant-grill.

L'organisation de ce repas va à l'encontre des recommandations émises par les autorités qui déconseillent les rassemblements en petits groupes. Suga Yoshihide a été contraint de s'expliquer à ce sujet [22] pour répondre aux critiques.

Gearoid Reidy, un correspondant au Japon pour l'agence de presse américaine Bloomberg, a partagé les termes qui selon lui résument le mieux les derniers mois de l'année 2020 du Premier ministre japonais.

Le Premier ministre est actuellement sur le grill après ce dîner à moitié cuit : le chef de l'État sera-t-il un feu de paille ou finira-t-il cuit comme une oie ? Est-ce que le thermostat va continuer à monter ou est-ce que les choses vont mijoter avant de refroidir ?

Consultez la rubrique spéciale de Global Voices sur l’impact mondial du COVID-19 [25] [fr].