Une décision de justice marquante ouvre la voie à la transparence environnementale à Trinité-et-Tobago

Des activistes posent pour une photo de groupe avec des panneaux portant le slogan: "nous somme les supporters d'Escazu".

Des représentants de la société civile à Trinité-et-Tobago font pression pour que leur pays signe l'accord Escazú Agreement qui garantit l'accès à l'information et la participation citoyenne sur les questions environnementales. Photo gracieusement fournie par Omar Mohammed, utilisée avec permission.

Cet article est initialement paru sur Cari-Bois News, une communauté de scientifiques et d'activistes qui dénoncent les impacts environnementaux de l’industrie extractive à Trinité-et-Tobago. Global Voices en publie ici une version remaniée dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Les citoyens de Trinité-et-Tobago ont désormais librement accès aux informations essentielles concernant les impacts sociaux et environnementaux des projets de développement concernant leurs communautés.

Cela a été rendu possible grâce à une victoire majeure du groupe de veille Fishermen and Friends of the Sea [fr] (FFOS) pour la transparence environnementale. Le groupe en question a poursuivi l’Autorité de gestion de l'environnement en justice pour avoir un accès complet aux conclusions des études sur les impacts environnementaux et cela s’est avéré être un succès.

Le site internet de l’Autorité de gestion de l'environnement donne la définition suivante d’une étude sur les impacts environnementaux : « une étude qui identifie les effets probables qu’un projet spécifique pourrait avoir sur l’environnement et la société ». Expliquant au tribunal pourquoi l’Autorité de gestion de l'environnement considère que les informations générées par ces études ne devraient pas être entièrement accessibles au public, cet organisme a affirmé que les restrictions de propriété intellectuelle imposées par une tierce partie ne leur permettraient que de partager 10% des résultats de chaque étude aux personnes souhaitant en obtenir un exemplaire.

Le magistrat Devan Rampersad, juge à la Cour suprême, a rejeté ce postulat et a tranché en faveur du groupe de veille FFOS, qualifiant les allégations de l’Autorité de gestion de l'environnement de « déraisonnables, irrationnelles et inappropriées ».

Le tribunal a statué que l’administration en question ne pouvait pas interdire au public l’accès aux exemplaires complets des études sur les impacts environnementaux. En effet, elle est tenue de faciliter l’accès à l’information pour une consultation et une participation du public efficace afin de respecter ses obligations légales, comme le précise la loi relative à la gestion de l’environnement [pdf]. Le juge Rampersad a statué que les politiques et procédures de l’Autorité de gestion de l'environnement étaient en contradiction avec les bonnes pratiques internationales.

Ce jugement crée un précédent et permettra à la société civile de jouer un rôle dans les processus de prise de décision, en militant pour le développement durable et en représentant les intérêts des communautés clôturées [Quartier adjacent à une entreprise et affecté par les activités de cette dernière tant par les odeurs, le bruit que par les émissions chimiques, ndlt] affectées par les activités industrielles.

Au cours des délibérations de la Cour suprême, 16 organisations de la société civile des quatre coins de Trinité-et-Tobago ont rédigé une lettre collective à la Cour dans laquelle elles appuient les arguments du groupe FFOS. Selon ce dernier, le respect de l’accès libre du public aux études sur les impacts environnementaux est une question d'intérêt national.

Un membre de la communauté Cari-Bois News a rencontré certaines organisations qui ont participé à la rédaction de la lettre pour avoir leurs impressions sur leur victoire. Ryan Allard, secrétaire général de l’ONG Environment Tobago a déclaré que cette victoire avait réjoui les membres de son organisation. Selon ces derniers, « les données et informations sur l’environnement sont essentielles au développement durable à Trinité-et-Tobago ».

Roma Price, directrice de l’ONG Toco Foundation est elle aussi ravie. Elle explique avoir le sentiment que « le changement se profile à l’horizon ». Eron Melville, président du Valencia Village Council [une ONG qui œuvre au bien-être des habitants de la ville de Valence et à la protection de l’environnement, ndlt] a décrit le jugement comme un rappel que les activistes ne se battent pas tout le temps en vain. Il ajoute « cette victoire va nous donner la confiance dont nous avons besoin pour continuer à lutter contre les grandes entreprises quand elles viendront dans nos communautés ».

Cependant, quand Cari-Bois News a contacté Gary Aboud, secrétaire général du groupe FFOS par téléphone, ce dernier semblait se réjouir tout en arborant un ton légèrement maussade à propos de cette victoire qu'il estime mitigée : « c’est triste et décourageant de devoir être forcés de défendre un droit si basique tel que l’accès aux informations publiques pour le bien commun. »

Sa déception résulte du fait que la décision du tribunal est un retour à la normale plutôt qu’un nouveau pas en avant pour la transparence environnementale. Avant 2018, les études sur les impacts environnementaux avaient toujours été accessibles au public sur demande. L’Autorité de gestion de l'environnement a décidé de changer cette politique en se basant sur les restrictions de propriété intellectuelle et en rendant accessible seulement 10% de ces études. Cela a conduit à un affrontement avec le groupe de surveillance FFOS, qui a refusé de reculer et qui a qualifié cette restriction de « nouvelle tentative du gouvernement pour faire taire la société civile ».

Gary Aboud était néanmoins optimiste sur le fait que le dynamisme engendré par cette victoire pourrait stimuler d’autres initiatives de la société civile en faveur d'une plus grande transparence environnementale. « Cette victoire est une opportunité d’encourager le gouvernement, au nom de l’accès aux informations publiques et à la participation du public dans le processus de prise de décisions sur les questions environnementales, à signer et à ratifier l’accord Escazú dont nous étions un négociateur et rédacteur principal. »

Escazú est un accord régional qui englobe les Caraïbes et l’Amérique latine. Il s'agit aussi du premier traité sur les droits humains qui vise directement à garantir l’accès à l’information, la participation citoyenne et la justice sur les questions environnementales. L’État de Trinité-et-Tobago n’a pas encore adhéré au traité.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.