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Trois alpinistes portés disparus au cours d'une tentative d'ascension du K2 au Pakistan

Catégories: Asie du Sud, Pakistan, Catastrophe naturelle/attentat, Environnement, Gouvernance, Médias citoyens, Relations internationales, Voyages
Les sommets enneigés du K2 se dressent à l'horizon, derrière un paysage à la végétation peu fournie. [1]

Le K2, à 8 611 mètres au-dessus du niveau de la mer, est le deuxième plus haut sommet au monde. Image via Flickr et Google Images par Waqas Anees [1]. Domaine public [2].

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Cette année a une saveur particulière pour les adeptes d'alpinisme : le K2 a été gravi pour la première fois en hiver [3], 38 ans après l'évaluation par une équipe polonaise de la faisabilité d'une ascension hivernale du K2, le deuxième plus haut sommet au monde. Le bonheur n'aura cependant été que de courte durée, puisque le contact avec trois alpinistes expérimentés originaires du Pakistan, du Chili et d'Islande a été perdu près du Bottleneck [4] [fr], tout proche du sommet, dans la nuit de vendredi 5 février 2021.

Les recherches des trois alpinistes, Muhammad Ali Sadpara [5] [fr], John Snorri [6] et Jp Mohr Prieto [7], ont été interrompues temporairement [8] en raison de mauvaises conditions météorologiques, et l'on craint qu'ils ne soient morts [9]. Les familles, en revanche, espèrent toujours un miracle [10].

Toute ascension hivernale du K2 est considérée comme dangereuse, du fait de la météo imprévisible. En août 2008, 11 alpinistes avaient péri [11] [fr] dans une avalanche de glace.

Le 6 février, dans l'après-midi, deux hélicoptères pakistanais ont démarré une opération de recherche et de sauvetage aérien, qui n'avait toujours pas abouti [12] le 9 février, soit quatre jours après que le contact avec les alpinistes a été perdu.

Alan Arnette, alpiniste et guide américain, a tweeté :

L'expédition Seven Summits Trek s'apprête à quitter le camp de base du K2, mettant ainsi fin à l'espoir de voir de nouvelles ascensions hivernales. Le bilan 2020/2021 sera donc de 10 ascensions hivernales, 2 morts et 3 disparus.

Culminant à 8 611 mètres au-dessus du niveau de la mer, le K2, surnommé « montagne Sauvage » [15] [fr], est le deuxième plus haut sommet au monde derrière l'Everest, et fait partie de la chaîne de montagne du Karakoram [16] [fr], à la frontière entre le Pakistan et la Chine. Il fait partie des 14 sommets de plus de 8 000 mètres [17][fr], dont cinq se trouvent au Pakistan (le K2, Nanga Parbat, Broad Peak, Gasherbrum I et II), et les autres au Népal et en Chine.

La première ascension hivernale de l'Everest [3] a eu lieu en 1980. À ce jour, selon le secrétaire du Club alpin du Pakistan, Karrar Haidri, seulement huit expéditions [18] ont tenté une ascension hivernale du redoutable K2, et l'une d'entre elles a enfin été couronnée de succès cette saison.

Le 16 janvier 2021, dix Népalais ont atteint le sommet du K2 [19]. Un second groupe d'alpinistes, dont les Pakistanais Muhammad Ali Sadpara et son fils Sajid Ali Sadpara, l'Islandais John Snorri, et le Chilien Jp Mohr Prieto, ont tenté de gravir le sommet du K2. Pendant l'ascension, près du Bottleneck, à quelques pas du sommet, la bouteille d'oxygène de Sajid Ali a subi un dysfonctionnement. Il est donc retourné [20] au camp de base pendant que les autres ont continué leur ascension vers le sommet. Ils ont ensuite perdu contact avec le camp de base le vendredi en fin de journée. Leur disparition a été signalée le samedi 6 février, alors que leur équipe d'appui ne recevait plus de nouvelles de leur part.

De nombreux experts, dont des alpinistes locaux et des membres de l'expédition d'hiver Seven Submit Treks (SST) [21], se sont joint à l'armée de l'air pakistanaise pour l'opération de sauvetage. Le gouvernement pakistanais a assuré que le pays n'épargnerait aucun effort [22] pour retrouver les alpinistes disparus.

Chhang Dawa Sherpa est un alpiniste népalais ayant gravi 14 hauts sommets, dont le K2. Il mène également l'expédition hivernale SST et a tweeté :

Cela fait déjà plus de 30 heures que nous (au camp de base) sommes sans nouvelles de John Snorri??, Ali Sadpara ??, et Juan Pablo Mohr ??. Aucun de leurs trackers GPS ne semble fonctionner. ? #expéditionK2 #k2hiver #k2hiver2021 #karakorum #sherpa #népal #pakistan

Sajid, le fils de Sadpara, est retourné au camp de base avec regret. Selon lui, le trio aurait atteint le sommet [32] et aurait eu un problème lors de la descente. Il est ensuite monté à bord de l'un des hélicoptères afin d'assister l'opération de sauvetage. Mais en l'absence de bonne nouvelle, il est rentré chez lui à Skardu [33][fr], une ville de la région de Gilit-Baltistan [34] [fr], au Pakistan.

Karim Dad Chughtai, de Gilgit-Baltisan, a tweeté :

L'arrivée de Sajid Sadpara, le fils de Muhammad Ali Sadpara, à l'aéroport de Skardu. Il est redescendu du Bottleneck (K2) le 5 février, en raison d'un manque d'oxygène, alors que son père poursuivait son ascension vers le sommet du K2. Ali Sadpara est porté disparu et les opérations de recherche se poursuivent.

Le cousin et le neveu d'Ali Sadpara, tous deux alpinistes expérimentés, se sont également rendus au camp de base afin d'assister les opérations de recherche.

Everest Today, un blog montagne, a tweeté :

Elia Saikaly : « Imtiaz et Akbar, les cousin et neveu d'Ali Sadpara, sont arrivés au camp de base il y a un peu moins de 24h. Ces deux alpinistes extrêmement talentueux ont déjà gravi le K2, et viennent chercher Sajid Sadpara au camp de base » . (1/6)

Un peu plus tôt, des médias traditionnels avaient annoncé par erreur que l'équipe avait gravi le sommet du K2 avec succès, mais se sont vite rétractés, et l'information de la perte de contact de l'équipe avec le camp de base s'est bien vite propagée sur les réseaux sociaux, notamment par le biais du hashtag #k2winterexpedition2021 [41] (en français : expédition hivernale au K2 2021). Certains Pakistanais ont changé leur photo de profil en solidarité avec les alpinistes et ont commencé à partager des récits sur Ali Sadpara.

Amal Khan, journaliste, raconte au sujet de la famille de Sadpara :

J'ai appris aujourd'hui que pendant que nous étions en train de prier, souffrir et nous poser des questions, la femme de Sadpara, Fatima, ne savait pas exactement qu'Ali était porté disparu. Elle demandait : « pourquoi ne m'a-t-il pas appelée ? » On lui a plus ou moins dit hier que l'équipe était « coincée » en montagne, et depuis elle ne fait que pleurer.

Sundas, un étudiant, garde espoir :

La magnifique famille et les beaux enfants de John Snorri. Pourvu qu'ils retrouvent leur père vivant aujourd'hui, ainsi que Sadpara Sahib et Mohr. Amen #Alisadapara , #K2WinterSummit2021

Le journaliste Tanveer Ahmed a tweeté :

Aujourd'hui, Juan Pablo Moher [sic] fête son 34e anniversaire avec J Snorri et Sadpara sur les hauteurs du K1, la #MontagneSauvage, à une altitude depuis laquelle peu de personnes peuvent se vanter d'avoir fêté leur anniversaire. Où que tu sois, notre amour et nos pensées t'acommpagnent. Joyeux anniversaire. #JPMohr #K2WinterSummit2021

Certains ont partagé des récits sur les conditions de travail des sherpas qui assistent les alpinistes étrangers lors de telles expéditions, pointant notamment du doigt le fait qu'ils sont exploités et sous-payés.

Kamran, cycliste et photographe, a tweeté :

Un porteur Balti m'a dit : « même les mules qui portent les bagages au camp de base sont mieux assurées que nous. » Fazal Ali, qui a réussi l'ascension du K2 trois fois, et fait partie de l'opération de sauvetage d'Ali Sadpara. #k2winterexpedition2021 Fil de discussion.

Urooj Tarar, une journaliste de Lahore, a tweeté :

Ali Sadpara, aucun·e d'entre nous n'a le droit de pleurer sa mort ou d'être « fier·e de lui », comme certain·e·s disent. Quand il était porteur pour des expéditions étrangères pour parfois moins de 3 dollars, portant des tenues de seconde main et des équipements délabrés, aucun·e d'entre nous ne s'est indigné·e pour lui et tant d'autres dans son cas. Attendez…on ne savait même pas qu'ils…

Leurs chances de survie sont quasi nulles, mais certain·e·s, comme la journalise et écrivaine Amal Khan, ont toujours de l'espoir :

Aujourd'hui, j'ai exprimé à tort mes condoléances en parlant d'Ali Sadpara avec un ami. Il m'a gentiment repris : « Tu sais, Ali est connu pour faire des igloos avec son pic à glace. Il est capable d'en construire n'importe où, sur n'importe quelle montagne. » Voilà un espoir authentique et rationnel. Gardons espoir