Le président mozambicain pardonne les deux hommes qui l'avaient insulté dans une vidéo virale

Les deux hommes impliqués dans l'affaire des insultes au président se tiennent sur le côté, portant des masques de protection faciale, tandis que Filipe Nyusi, en costume cravate, leur parle depuis son fauteuil, au fond.

Rencontre entre le président de la République et les jeunes pardonnés – capture d'écran de TVM réalisée par l'auteur le 16 février 2021.

[Tous les liens renvoient vers des pages en portugais, ndlt.]

Le 16 février, le président du Mozambique, Filipe Nyusi, a reçu en audience privée deux individus qui apparaissaient dans une vidéo contenant des propos insultants à son égard. Cette rencontre faisait suite aux vives réactions suscitées localement par cette affaire.

Dans la vidéo, les deux hommes se trouvaient coincés dans un embouteillage à Maputo, quelques minutes avant l'heure du couvre-feu instauré dans la capitale mozambicaine le 4 février. Entre deux insultes, ils se plaignent des mesures restrictives liées à la pandémie de COVID-19 et protestent contre le couvre-feu, compte tenu de l'état du trafic. En dernière analyse, ils tiennent le président pour responsable.

Le reportage est arrêté sur une image floue, tirée d'une vidéo amateur prise dans les embouteillages.

Un reportage de la chaîne STV parle de “diffamation” à l'encontre du président de la République. Capture d'écran de la chaîne STV réalisée par l'auteur le 12 février 2021.

La vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux et a fini par être diffusée sur la chaîne de télévision STV. Ayant eu connaissance de cette affaire, le Service national d'investigation criminelle (SERNIC) a ouvert une enquête sur les deux hommes pour délit d'injure, qui a abouti à l'arrestation de l'un d'eux, un certain Betelson J., le 12 février.

Trois jours plus tard, selon le site d'informations Notícias, Betelson a été libéré à la suite d'un plaidoyer du juge requis par l'Ordre des avocats du Mozambique (OAM), qui a fait valoir que le délit d'injure impliquait que les insultes soient adressées directement à la victime, en l'occurrence le président de la République. L'OAM a également souligné que la détention préventive s'appliquait aux cas de flagrant délit.

Le lendemain, à la surprise générale, le président a invité les deux hommes à une audience à son cabinet. Comme le rapporte le journaliste Omardine Omar :

O Presidente da República, Filipe Nyusi, recebeu hoje os dois jovens que há dias proferiram palavras ofensivas contra o Chefe do Estado, através de um vídeo posto a circular nas redes sociais. Refira-se que o Presidente Nyusi decidiu convidar os dois jovens para um diálogo, onde na ocasião manifestou o seu perdão perante a atitude pública dos referidos jovens.

Após serem recebidos pelo estadista, estes afirmaram-se arrependidos e que agradecem o gesto do Chefe do Estado, explicando que a medida emanada no Decreto do Conselho de Ministros visa proteger a população das áreas abrangidas pelo recolher obrigatório, visto que a Região do Grande Maputo apresenta um quadro preocupante de contaminações por COVID-19.

Le président de la République, Filipe Nyusi, a reçu aujourd'hui deux jeunes qui quelques jours auparavant avaient proféré des insultes à l'encontre du chef de l'État par le biais d'une vidéo diffusée sur les médias sociaux. Soulignons que le président Nyusi a décidé d'inviter les deux jeunes en question à un dialogue, au cours duquel il leur a accordé son pardon pour ces déclarations publiques.

Après avoir été reçus par le chef de l'État, ceux-ci ont déclaré regretter leurs actions et se sont dits touchés par le geste du président. Ils ont expliqué que la mise en place du couvre-feu, une mesure émanant d'un décret du Conseil des ministres, était destinée à protéger la population des zones concernées, étant donné que la région du Grand Maputo présente un nombre inquiétant de contaminations par le COVID-19.

Cet incident a été abondamment commenté sur les réseaux sociaux au Mozambique, et ce depuis le début. Les réactions quant à la gestion de la situation par les autorités ont été diverses, certaines personnes critiquant le gouvernement, tandis que d'autres ont salué les actions menées.

L'universitaire Boa Monjane a par exemple remis en cause la détention des deux hommes :

É ofensa ou crime contra a segurança do Estado chamar um presidente corrupto de ladrão?
Só num regime dictatorial.

Est-ce un délit ou un crime engageant la sécurité de l'État que de traiter un président corrompu de voyou ?
Seulement dans un régime dictatorial.

L'économiste Roberto Tibana estime pour sa part que le comportement des deux hommes en question aurait dû être pénalisé par une sanction criminelle :

As pessoas que se indignam com a detenção do jovem que insultou o Chefe de Estado, ou não viram o vídeo todo (a Stv sanitizou-o demais!), ou são hipócritas, ou são populistas demains para a saúde da sociedade!

É totalmente inadmissível o que foi dito e postado por aqueles jovens, seja em termos de princípios morais, seja por lei. O Chefe de Estado, o Presidente Nyusi, merece o nosso respeito como pessoa e como personificação da soberania do Estado Moçambicano.

Uma coisa é criticar, outra coisa é insultar. Não pode haver desculpas para obscenidades atiradas daquela maneira contra o Chefe de Estado. Que a moral e a lei prevaleçam. Que haja pudor!

Les gens qui s'indignent de la détention du jeune qui a insulté le chef de l'État n'ont soit pas vu l'intégralité de la vidéo (STV l'a trop expurgée !), soit sont des hypocrites ou des populistes [dont les vues sont] trop extrêmes pour le bien de la société !

Ce que ces jeunes ont dit et publié en ligne est inadmissible, que ce soit du point de vue des principes moraux ou au regard de la loi. Le chef de l'État, le président Nyusi, mérite notre respect en tant que personne et en tant que représentant de la souveraineté de l'État mozambicain.

Critiquer est une chose, insulter en est une autre. Il ne peut y avoir aucune justification à ces obscénités assénées de cette façon au chef de l'État. Que la morale et la loi l'emportent. Un peu de retenue !

La décision ayant mené à la libération de Betelson a été saluée par Bitone Viage, qui a également saisi l'occasion de demander l'intervention de la Justice dans d'autres affaires :

Parabéns aos advogados da Causa, Dr Ericino de Salema e Dr Benny Matchole Khossa, excelente e oportuna intervenção.

O país precisa tanto de figuras dessa natureza, sobretudo num contexto em que assistimos diariamente violações dos nossos direitos, e a justiça tem se comportado como uma serpente que simplesmente pica aos pés descalços.

Não consigo entender com tantos casos que mexem diretamente com a vida econômica do país, as nossas instituições de justiça não conseguem resolver os mesmo, contudo quando se trata de um inocente esfarrapado, um indivíduo não ofensivo ao Estado, as nossas instituições são funcionais e com uma celeridade de abrandar os céus.

Que tal termos o mesmo nível de celeridade com o processo das dívidas ocultas, um processo que até hoje os seus impactos são notáveis?

Félicitations aux avocats de la Cause, le Dr Ericino de Salema et le Dr Benny Matchole Khossa, c'était une excellente intervention, venue à point nommé.

Le pays a tant besoin de personnalités de ce type, en particulier dans un contexte où nous assistons chaque jour à des violations de nos droits et où la Justice n'a de cesse de s'attaquer aux petites gens.

Cela dépasse l'entendement que tant d'affaires judiciaires portant directement sur la vie économique du pays ne trouvent pas de résolution mais que quand il s'agit d'une innocente incartade, de la part d'un individu qui ne pose pas de danger pour l'État, nos institutions soient non seulement fonctionnelles, mais travaillent à la vitesse de l'éclair.

A quand une telle rapidité dans le traitement des affaires de comptes occultes, dont les conséquences sont toujours palpables aujourd'hui ?

À la suite du geste du président, Bitone Viage est revenu à la charge en désavouant l'attitude de la police mozambicaine et en exigeant un meilleur service :

Oficialmente perdoados pelo Presidente da República.

Bem- haja o gesto, o SERNIC deveria emitir um comunicado a fazer o mesmo, se querem mostrar trabalho existe muitos casos por aí que carecem de investigação. Que os meios do Estado sejam usados para coisas sérias.

Officiellement pardonnés par le président de la République.

Bon, s'il s'agit de faire un geste, le SERNIC devrait publier un communiqué dans ce sens, et s'ils veulent montrer qu'ils font leur travail, autant s'occuper des nombreuses affaires en attente d'une enquête. Que les ressources de l'État soient utilisées pour des choses sérieuses.

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