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Le gouvernement algérien libère des dizaines de prisonniers politiques à l'approche du deuxième anniversaire du Hirak

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Algérie, Censure, Droits humains, Liberté d'expression, Manifestations, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique
Rachid Nekka est derrière un gros micro de Berber TV. Il se presse les yeux avec la main pour retenir ses larmes.

Capture d'écran de l'interview de Rachid Nekka sur Berber TV [1] après sa libération. Il semble retenir ses larmes alors qu'il évoque sa maladie.

Le 19 février, les autorités algériennes ont libéré au moins 33 prisonniers politiques qui avaient été détenus pour leur rôle dans le mouvement du Hirak. Cette vague d'amnisties précédait le second anniversaire du soulèvement, à l'occasion duquel plusieurs milliers de manifestants sont descendus dans la rue.

Selon un article de l'Associated Press [2] [en] publié lundi, les manifestants ont répondu à un appel les incitant à descendre dans la rue pour exprimer leur mécontentement face à l'absence de réaction aux revendications politiques, économiques et sociales mises sur la table lors du soulèvement de 2019, surnommé le Hirak. Des rassemblements ont eu lieu dans la capitale, Alger, ainsi que dans d'autres régions du pays.

L'amnistie présidentielle annoncée le 18 février a été accompagnée de la dissolution du Parlement et d'un plan de remaniement ministériel, mais cela n'a pas suffi à apaiser les foules.

Parmi les personnes libérées figure le militant Rachid Nekkaz [3] [en], qui était détenu depuis décembre 2019 sans jamais comparaître devant un tribunal, et dont la santé avait fortement décliné ces dernières semaines. Rachid Nekkaz souffre d'un cancer de la prostate et d'une maladie hépatique.

Lors d'un entretien accordé à Berber TV [1]après sa libération, M. Nekkaz a déclaré avoir perdu 14 kg en raison de sa maladie et avoir passé des nuits sans sommeil à cause de ses fréquents allers-retours aux toilettes. Retenant ses larmes, il a évoqué la mémoire de son père, décédé de la même maladie en 2011.

Le journaliste renommé Khalid Drareni [4], 40 ans, était également parmi les prisonniers pardonnés. Il a passé presque un an derrière les barreaux à cause de ses reportages sur le mouvement du Hirak.

Une foule de sympathisants attendait Khalid Drareni à son domicile pour fêter sa libération.

Dans une déclaration auprès de l'AFP, l'avocat de M. Drareni, Abdelghani Badi, a expliqué que sa libération était « provisionnelle ». L'agence de presse a également cité l'avocat et défenseur des droits humains Mostefa Bouchachi, qui a déclaré que M. Drareni attendait une décision de la Cour suprême concernant son procès en appel, décision qui doit être rendue le 25 février. Il a été condamné à trois ans de prison en août, avant de bénéficier d'une remise de peine en septembre. La révision du verdict, qui porte sa peine à un an de prison, est toujours considérée comme injuste par ses soutiens.

Dalila Touat, une autre grande militante du Hirak, qui était en grève de la faim en prison depuis le 3 janvier, a également été libérée [12].

Les manifestations du Hirak, qui ont éclaté en février 2019, ont mis fin à plusieurs décennies de pouvoir autoritaire aux mains du président Abdelaziz Bouteflika. Le mouvement s'est poursuivi jusqu'en mars 2020, avant d'être interrompu par la pandémie de COVID-19. Tandis que le virus frappait ce pays riche en ressources pétrolières, le mécontentement se diffusait également au sein de la population, lasse de la lenteur des changements politiques, économiques et sociaux entrepris.

Le pardon présidentiel annoncé jeudi dernier [13] [ar] est considéré comme une tentative d'apaisement des masses, alors que la campagne pour la reprise des manifestations prévue dans les jours à venir gagne de l'ampleur. La libération d'autres prisonniers est attendue : le président Abdelmajdid Tebboune a en effet confié à l'AFP qu'environ 55 à 60 membres du mouvement Hirak bénéficieraient de l'amnistie.

Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), plus de 70 personnes ont été arrêtées [14] ces deux dernières années en raison de leurs liens avec les manifestations du Hirak.

Déclaration du ministère algérien de la Justice :
– Les 21 détenus qui ont reçu un jugement final ont tous été libérés.
– Des détenus dont le verdict final n'a pas encore été prononcé ont été libérés.
– Cela porte le nombre total des personnes libérées à 33.
– Des procédures sont en cours pour le reste des détenus.

En plus du pardon, le président Tebboune a ordonné un remaniement ministériel et la dissolution du Parlement, dans le but d'apaiser la population.

Le remaniement partiel du gouvernement en Algérie semble avoir été repoussé à demain. Cela signifie sommairement que :
1/ Les négociations sont en cours
avec des personnalités neutres et moins provocatrices
2/ Le système peine à convaincre les technocrates de s'associer à un cabinet en pleine gestion de crise.

Selon la BBC [18], les manifestations avaient déjà commencé le 16 février. Des milliers de personnes se sont rassemblées à Kherrata, à l'est de la capitale, faisant résonner dans les rues le slogan « Algérie, libre et démocratique », face à une présence policière accrue.

Les médias sociaux étaient émaillés de publications encourageant la population à se joindre aux manifestations, et de conseils de précaution pour éviter la propagation du COVID-19.