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Des arnaqueurs aux cryptomonnaies inondent les utilisateurs de Facebook de pubs pour des faux articles du site Forbes.com

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Europe de l'ouest, Belgique, Bulgarie, Macédoine, République Tchèque, Russie, Suède, Cyber-activisme, Economie et entreprises, Idées, Médias citoyens, Advox
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Une page Facebook à propos des cookies qui font la publicité de cryptomonnaies. Vous trouvez ça étrange ? Photo de Meta.mk, utilisée avec autorisation.

[L’article d'origine [2] a été publié en anglais le 29 mai 2020. Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais, ndlt.]

Cet article est fondé sur une enquête réalisée par le partenaire éditorial de Global Voices, Meta.mk News Agency [3], un projet  de la fondation Metamorphosis.

La fondation Metamorphosis, basée à Skopje, en Macédoine, a mis en garde [3] contre les arnaqueurs qui continuent d'utiliser de faux articles de Forbes et de la désinformation anti-UE comme appât, ciblant les utilisateurs Facebook en Europe.

Metamorphosis est une organisation de la société civile de Macédoine du Nord œuvrant en faveur des droits numériques et de l'éducation aux médias.

Grâce à la veille effectuée sur les réseaux sociaux par cet organisme, il a été révélé que les arnaqueurs continuaient d'utiliser des publicités Facebook dissimulées derrière des liens renvoyant vers des articles du site renommé Forbes.com. Cette méthode contribuant à la désinformation concerne non seulement la Chine, mais aussi des membres de l'Union européenne comme la Suède.

Sample of the Facebook ads promoting a fake Forbes.com article, actually leading to website run by scammers. Photo by Meta.mk. [4]

Un échantillon de publicités Facebook promouvant un faux article du site Forbes.com, qui renvoient sur un site détenu par des arnaqueurs. Photo de Meta.mk.

Le 19 mai dernier, le ministre de l'Intérieur de Macédoine du Nord a mis les citoyens en garde [5] contre les arnaqueurs. Ces derniers utilisent les réseaux sociaux et des e-mails pour envoyer des liens sous forme d'articles du site Forbes.com pour inciter à acheter une prétendue nouvelle cryptomonnaie chinoise.

Les citoyens qui cliquent sur les liens et donnent leurs informations personnelles aux arnaqueurs reçoivent ensuite des appels tentant de les persuader d'investir en payant 250 dollars.

D'autres techniques de manipulation sont alors déployées pour faire augmenter la somme dépensée par les utilisateurs.

L'unité de la police macédonienne contre la cybercriminalité a déclaré que les liens malveillants renvoyaient sur un site hébergé en Ukraine, vraisemblablement modéré par un citoyen russe. Cela s'apparente au système One Coin Ponzi [6], désormais démantelé. Ce système était dirigé par un fraudeur bulgare répondant au nom de Ruja Ignatova et a causé plus de 4 milliards de dollars de dommages dans le monde entier.

Les activistes ont alerté le public sur le fait que ces publicités semblent atteindre des utilisateurs bien au-delà des frontières de la Macédoine du Nord, comme l'indiquent les données rendues publiques par Facebook sur la portée géographique des publicités promouvant ces liens frauduleux.

Les données personnelles des victimes interceptées par les arnaqueurs

Metamorphosis a identifié plusieurs publicités similaires sur les réseaux sociaux. Les utilisateurs qui cliquent sur ces publicités sont redirigés vers des adresses de ce type : https://fishing2510.myshopify.com/blogs/news/dollar-faces-the-threat-of-being-displaced-by-chinadigital-currency?fbclid=IwAR3x_uvBatgzsr_wLZtDF1z5A1L7cb5F-T_-kefu36mP7n2I4dPk4jzf8N4 au lieu d'être redirigés vers des pages du site Forbes.com.

Bardhyl Jashari, directeur général de Metamorphosis, explique :

Преку манипулативни огласи, измамници продолжуваат да допираат до корисниците на социјалните мрежи низ целиот свет. Користејќи ги податоците кои „Фејсбук“ ги прави јавно достапни како почетна точка на истражувањата, тимот на „Метаморфозис“ откри дека истите огласи им се покажуваат на корисници во скоро сите европски земји, како и во земји од Блискиот Исток и други региони. Измамниците користат Фејсбук-страници навидум на теми од културата, дури и за колачиња, како платформа за пуштање огласи кои ги водат корисниците до веб-страници или блогови што изгледаат исто како оние за кои предупреди МВР

Les publicités mensongères continuent de cibler les utilisateurs des réseaux sociaux dans le monde entier. En utilisant les données publiques fournies par Facebook sur les publicités ciblant à l'origine les utilisateurs de Macédoine du Nord, l'équipe de Metamorphosis a révélé que les mêmes publicités sont utilisées dans presque tous les pays européens, ainsi que dans des pays du Moyen-Orient. Les arnaqueurs se servent de pages sur la culture, ou même sur les cookies, pour lancer des publicités qui renvoient les utilisateurs vers des pages web et des blogs presque identiques à ceux contre lesquels la police macédonienne a mis en garde la population.

Depuis sa création en 2004, Metamorphosis, un membre du Réseau européen des droits numériques (en anglais, European Digital Rights – EDRI [7]), s'efforce de promouvoir les droits humains sur Internet, y compris la sécurité des enfants en ligne.

M. Jashari a aussi souligné :

Многу загрижувачка карактиристика на овие групи на организиран криминал е што исто така користат страници кои тематски се наменети за деца и тинејџери за да ги камуфлираат своите злонамерни содржини. На пример страница претставена како заедница за популарната игра „МајнКрафт“ (со име напишано малку поинаку „Минекравт“) објавува огласи што продолжуваат да шират дезинформации за Шведска, насочени кон корисници во десетици земји – од Русија, Австрија и Белгија, до Сингапур, Катар и Обединетите Арапски Емирати.

Ces réseaux de crime organisé utilisent aussi des pages ciblant les enfants et les adolescents afin de dissimuler leur contenu malveillant. Cette pratique est très inquiétante. Par exemple, une page intitulée Minecravt, qui se présente comme un espace rassemblant les fans du jeu MineCraft, diffusait des publicités avec des fausses informations sur la Suède. Les publicités visaient les utilisateurs résidant en Russie, en Autriche, en Belgique, mais aussi à Singapour, au Qatar et aux Émirats arabes unis, ainsi que dans des dizaines d'autres pays.

Facebook transparency tools reveal that a MineCraft themed page is used as platform for ads by scammers. [8]

Les outils de transparence de Facebook révèlent que des arnaqueurs utilisent une page sur le thème de MineCraft comme plateforme pour des publicités.

Les utilisateurs qui cliquent sur ces publicités sont redirigés vers une page les incitant à fournir leurs données personnelles. Dans le cas de la Suède, un bon de réduction [9] était utilisé comme leurre.

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Contenu d'une page créée par des arnaqueurs supposés, et mis en avant par des publicités Facebook.

Bien que MineCraft ait énormément de fans adultes, c'est un jeu particulièrement prisé chez les enfants âgés de neuf à onze ans. Cette pratique fait en sorte de conditionner le futur public, particulièrement susceptible d'être victime de désinformation et d'arnaques.

Les arnaqueurs exploitent les effets de la désinformation politique

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Publicité Facebook de novembre 2019 mettant en avant une page d'arnaques et renforçant la désinformation sur la Suède et l'UE.

En novembre 2019, Metamorphosis signalait [11] [mk] que les arnaqueurs profitaient des discours de désinformation déjà existants sur la Suède par le biais de leur projet Critical Thinking for Mediawise Citizens (abrégé en CriThink, Projet de pensée critique pour des citoyens éduqués aux médias).

Les posts Facebook sponsorisés attirent des personnes qui ont été sensibilisées à un discours médiatique manipulateur [12] portant sur les révoltes dans le pays et dans l'Union européenne. Ces informations ont été publiées à l'origine [13] par les médias pro-Kremlin et sont diffusées par des réseaux populistes de propagande d'extrême droite présents en Macédoine du Nord.

De la même manière, ces articles mettaient en avant de fausses informations selon lesquelles la Suède aurait mis sur le marché une cryptomonnaie en concurrence avec l'euro.

Pour lancer ces publicités ciblées géographiquement, les arnaqueurs ont utilisé une multitude de pages sur des sujets d'intérêt général, y compris des pages présentées comme des fan clubs non officiels de célébrités occidentales telles que les acteurs Liam Neeson et Anthony Michael Hall.

CriThink, une initiative soutenue par la délégation de l'Union européenne en Macédoine du Nord, a éduqué les utilisateurs de réseaux sociaux locaux sur la manière d'utiliser les fonctionnalités de transparence des pages Facebook dont se servent les arnaqueurs. Cette démarche avait pour but de les aider à reconnaître et à signaler les pages suspectes grâce aux mécanismes mis à disposition par la plateforme.

Afin de favoriser la participation citoyenne pour sensibiliser à l'éducation aux médias, des articles de CriThink sur les réseaux sociaux fournissent des guides sur l'usage des fonctionnalités de signalement pour aider les administrateurs à repérer les contenus dangereux, allant des propos haineux aux arnaques.

[14]

Notification de Facebook suite à la suppression des publicités de pages d'arnaques ciblant des utilisateurs en Macédoine du Nord.

Quelques semaines plus tard, en décembre 2019, Facebook a informé certains de ses utilisateurs ayant participé à l'action en ligne que les publicités signalées comme des arnaques avaient été supprimées.

Contexte : l'utilisation de la notoriété de Forbes en Macédoine du Nord

Étant donné que magazine Forbes jouit d'une bonne réputation en tant que source d'informations commerciales fiables, il a aussi fait l'objet de diverses manipulations médiatiques en Macédoine du Nord.

Le gouvernement qui a dirigé le pays de 2006 à 2017 utilisait l'argent des contribuables pour publier des publicités ou des contenus sponsorisés dans le magazine Forbes et dans d'autres médias occidentaux.

Ces articles traitaient en grande partie des avantages proposés par le pays aux investisseurs étrangers.

Toutefois, les articles servaient aussi à des fins de propagande nationale. Le média proche du parti populiste au pouvoir a présenté le contenu sponsorisé comme des articles écrits par des experts en économie ou des employés de Forbes saluant [15] [mk] les politiques économiques du gouvernement de l'époque.

Cette fraude médiatique s'est répétée régulièrement et a été exposée [16] [mk] plusieurs fois en 2014 par le site Media Fact-Checking Service, créé par Metamorphosis avec le soutien de l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID).