- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Salvador : la cote de popularité du président Bukele ne faiblit pas malgré les accusations d'autoritarisme

Catégories: Salvador, Médias citoyens, Politique

Le président Nayib Bukele s'adressant aux forces armées salvadoriennes. Photo de @PresidenciaSV [1]

Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Le 6 février 2021, CID Gallup a publié son premier sondage de l'année sur le président salvadorien Nayib Bukele et sa gestion de la pandémie COVID-19. D’après ce sondage [2] [es], 91 % des Salvadoriens sont satisfaits de la manière dont le président Bukele gère la crise sanitaire.

L'enquête de CID Gallup du 6 février n'est pas la seule à montrer à quel point Nayib Bukele est populaire au Salvador. Depuis janvier 2020, 13 études ont été menées sur le thème de l'approbation du travail du président ou encore de sa gestion de la pandémie COVID-19 ; toutes ont donné à Bukele un taux d'approbation supérieur à 75 pour cent [3].

Pourtant, les actions de Bukele sont critiquées par les organisations de défense des droits humains [4] [fr] et l’Organisation des États américains [5] (OEA). Il lui est reproché d’être de plus en plus autoritaire, un constat qui s'appuie par exemple sur le fait qu'il ait porté atteinte aux institutions [6] démocratiques du pays et qu'il ait attaqué verbalement la presse. [7] Par exemple, le 9 février 2020, Bukele avait fait irruption [8] [fr] dans le Parlement salvadorien accompagné d'hommes en armes, un acte qui avait été considéré par certains commentateurs comme une tentative de coup d'État [9] militaire. De son côté, le président avait cherché à justifier l'intrusion, qui, selon lui, visait à faire pression sur les législateurs afin qu'ils approuvent les fonds pour son plan de sécurité [10]

Au Salvador, le président Bukele a demandé une session législative extraordinaire consacrée au vote d’un prêt de 109 millions de dollars. Le Congrès a refusé et maintenant l'armée salvadorienne a pris le contrôle de l'assemblée législative #ElSalvador

Après l’attentat [14] du 31 janvier qui avait causé la mort de deux partisans de l'opposition, M. Bukele avait laissé entendre que ces violences politiques étaient une opération sous fausse bannière [15]. Dans les jours qui ont suivi, deux membres du Congrès américain, Albio Sires et Norma J. Torres, ont envoyé une lettre  [16]à M. Bukele, dans laquelle ils exprimaient leur inquiétude et l’exhortaient à « être porteur de messages de paix et à éviter d'alimenter les divisions et les violences ».

Pourquoi le président Bukele a-t-il une cote de popularité aussi élevée ?

Des études psychologiques ont montré  [17]que « l'insécurité contribue à l’émergence des autocrates et à la régression démocratique », comme le rapporte The Guardian  [18]:

“When people experience threat – whether actual or imagined – they begin to “tighten”. In physical terms, they tense their muscles, ready to defend themselves. In political terms, they begin to crave security and order in a community that seems to be collapsing. Authoritarian leaders satiate this need by promising quick, simple solutions – and, above all, a return to the tighter social order of yesteryear.”

Lorsque les gens sont menacés – de manière réelle ou imaginaire – ils commencent à « se resserrer ». Sur le plan physique, ils tendent leurs muscles, prêts à se défendre. Sur le plan politique, ils commencent à avoir envie de sécurité et d'ordre dans une communauté qui semble s'effondrer. Les dirigeants autoritaires répondent à ce besoin en promettant des solutions rapides et simples – et, surtout, un retour à l'ordre social plus strict d'autrefois.

Au Salvador, qui a été l'un des pays les plus violents [19] au monde, l'insécurité est courante [20] [pdf]. D'autres études ont montré [21] [pdf] que les personnes confrontées à l'insécurité économique ont tendance à préférer des dirigeants autoritaires ; cette hypothèse pourrait s'appliquer au Salvador, où un tiers [22] de la population est pauvre.

Les experts soulignent également le fait que Bukele utilise les réseaux sociaux à son avantage et contrôle [23] ainsi la population. En plus, il bénéficie de fonds publics pour vendre ses idées, faire sa promotion ainsi que la promotion de ses projets : en 2019, il a demandé  [24][es] 22 millions de dollars pour la publicité.

Selon les sondages, la popularité du président Bukele est due à sa gestion stricte de la pandémie COVID-19, à la baisse du taux d'homicides et à la faiblesse des partis d’opposition.

Bien que jugé [25] autoritaire par certains, Bukele a pris très tôt des mesures décisives qui ont contribué à retarder l'entrée du virus dans le pays. Par exemple, avant même que le Salvador n’enregistre son premier cas de COVID-19, Bukele a ordonné [26][fr] la fermeture des frontières, la fermeture de l'aéroport international et l’arrêt des transports en commun. Il a également ordonné la mise en quarantaine [27][es] de plusieurs personnes. Selon un sondage publié par un journal [28] local [28]en mai 2020, bien que ces premières mesures aient affecté l'économie du pays, 95,7 % des Salvadoriens ont salué les décisions prises par le président Bukele en vue de bloquer la progression du COVID-19.

Par ailleurs, le taux d'homicides au Salvador sous l'administration Bukele est le plus bas  [29]depuis la fin de la guerre civile qui a déchiré le pays dans les années 1980. En 2020, le taux d'homicides dans le pays a baissé de 44,9 pour cent [30] [es] par rapport à 2019. Cela se ressent également dans les sondages [31] [es].

L'année 2020 se termine avec tous les indicateurs d'insécurité à la baisse ; les 12 crimes qui affectent le plus les Salvadoriens continuent d'être considérablement réduits. Grâce au travail de @PNCSV et de #PlanControlTerritorial le pays ne figure plus sur la liste des pays violents dans le monde.

Enfin, la faiblesse des partis d’opposition politique contribue à la popularité du président Bukele. Les deux autres grands partis politiques ayant gouverné le pays ces 30 dernières années, le FMLN et l'ARENA, sont perçus [36] [es] comme corrompus par la plupart des Salvadoriens.

Par exemple, trois précédents présidents salvadoriens issus de ces deux partis politiques sont accusés de corruption. Paco Flores [37] [es] est décédé alors qu'il était assigné à résidence dans l'attente de son procès, tandis que Tony Saca [38] [es] est en prison et purge une peine de 10 ans pour détournement de deniers publics. Mauricio Funes  [39][es] est en asile politique au Nicaragua, évitant ainsi l'extradition vers le Salvador ; il fait l’objet de multiples accusations de blanchiment d'argent au Salvador et au Guatemala.

À la télévision nationale [40] [es], Marvin Aguilar, un analyste politique de renom, a attribué la popularité de Bukele à la chute de ses prédécesseurs :

Nayib Bukele es el artefacto que construye el pueblo para desquitarse, para castigar a la derecha y la izquierda que nos gobernaron 30 años. El Problema no es Nayib Bukele o el Bukelismo o Nuevas Ideas. El Problema es que seguis teniendo en la derecha y en la izquierda a los mismos líderes representantes que fracasaron en 30 años y que es a ellos a quien el pueblo culpa de los males que tenemos ahorita.

Nayib Bukele est l'artefact que le peuple a construit pour se venger, pour punir la droite et la gauche qui ont gouverné pendant 30 ans. Le problème [de l'opposition] n'est pas Nayib Bukele, le Boukélisme ou Nouvelles idées [le parti politique de Nayib Bukele]. Le problème est qu'à droite comme à gauche, ce sont toujours les mêmes dirigeants qui ont échoué pendant 30 ans. C'est eux que le peuple salvadorien condamne pour les mauvaises choses que nous avons maintenant.

Selon un sondage publié le 12 février par l'Institut universitaire d'opinion publique (IUDOP [41] [es ; pdf]) de l'Université centraméricaine Jose Simeon Cañas, Nouvelles idées [42][fr],  le parti politique créé par Bukele, remportera les prochaines élections législatives. Cela lui permettra de mieux contrôler  [43]le Parlement. Il s'agit là d'une bonne nouvelle pour ceux qui soutiennent Bukele et d'une mauvaise nouvelle pour ceux qui le considèrent comme autoritaire.