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Le 2 février, les chefs d'État de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) se sont réunis [fr] pour une vidéoconférence, au cours de laquelle ils ont convenu [fr] de « soutenir en priorité la candidature du Nigeria » au poste de commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l'Union africaine.
Cela a conduit au retrait de la Gambie de la liste des candidats à la vice-présidence de l'Union africaine (UA), en faveur de la candidature du Nigeria.
Nigeria is grateful to Heads of State and Government of the African Union for the overwhelming and historic endorsement of Amb. Bankole Adeoye, who was this weekend elected as the AU’s Commissioner for Political Affairs, Peace and Security, with all 55 votes possible.
— Muhammadu Buhari (@MBuhari) February 7, 2021
Le Nigeria remercie les chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine pour l'appui massif et historique apporté à l'ambassadeur Bankole Adeoye, qui a été élu ce week-end au poste de commissaire de l'UA pour les affaires politiques, la paix et la sécurité, par l'ensemble des 55 votes possibles.
La nation la plus peuplée d'Afrique est le principal bailleur de fonds de la CEDEAO. Le prestige du Nigeria en Gambie et en Afrique de l'Ouest est donc compréhensible. Mais cela soulève également la question suivante : quand le Nigeria va-t-il s'engager et assumer un véritable leadership sur le continent africain ?
L'intervention menée par le Nigeria en Gambie est un exemple de la manière dont l'autorité du Nigeria peut être obtenue.
La Gambie se trouve sur la côte atlantique, mais est entourée de trois côtés par le Sénégal. Pays dont la majeure partie du territoire avait été donnée au Sénégal français en guise de compromis entre les intérêts coloniaux britanniques et français, la Gambie est presque une enclave du Sénégal et le plus petit pays d'Afrique continentale.
Lorsque le président gambien de l'époque, Yahya Jammeh, avait rejeté les résultats du scrutin en décembre 2016, son homologue nigérian, Muhammadu Buhari, avait agi de manière décisive en convoquant une session extraordinaire de la CEDEAO dans la capitale du Nigeria, Abuja, au cours de laquelle le bloc régional avait adopté une résolution visant à utiliser la force militaire contre M. Jammeh.
Le président sénégalais Macky Sall et M. Buhari étaient tous deux partisans d'une résolution appelant à une intervention militaire si tous les efforts de dialogue échouaient. M. Buhari avait été le premier à se rendre dans la capitale gambienne, Banjul, à la tête de la délégation de la CEDEAO en quête d'une résolution pacifique.
M. Sall n'avait pas osé faire le déplacement, car les relations entre Banjul et Dakar étaient alors au plus bas. Il y avait eu plusieurs fermetures de frontières et les négociations sur les questions d'intérêt commun au niveau étatique étaient au plus mal. La fermeture d'un point de traversée crucial du fleuve Gambie pour les Sénégalais qui faisaient la navette entre la Gambie et le Sénégal était devenue une question clé, de même que la « suspicion d'ingérence de M. Jammeh dans le processus de paix en Casamance ». (Une rébellion séparatiste en Casamance, dans le sud du Sénégal, qui a débuté en 1982, et a fait un millier de victimes).
Le président élu de la Gambie, Adama Barrow, avait rapidement été mis dans l'avion de M. Buhari et avait quitté Banjul pour sa sécurité. Le chef d'État sénégalais, M. Sall, avait joué la carte du « Mboka » (mot wolof [une langue commune aux deux pays] signifiant « frères ») pour accueillir M. Barrow à Dakar, qui est plus proche de Banjul qu'Abuja (Nigeria) chez M. Buhari ou Monrovia (Liberia) auprès de la présidente de la CEDEAO de l'époque, Ellen Johnson Sirleaf [fr].
Les pays ont commencé à engager des troupes [fr], avec en tête le Sénégal, en tant que voisin le plus proche, ainsi que le Nigeria et le Ghana. Dans le cadre de l'opération Restore Democracy [fr] (nom de code de la mission militaire de la CEDEAO en Gambie 2017-ECOMIG), le Nigeria a déployé 800 soldats et, en collaboration avec le Ghana et le Sénégal, a travaillé avec environ 125 membres de la marine gambienne. Une partie des forces armées gambiennes, qui avait fait preuve de loyauté envers le président élu M. Barrow, avait apporté son soutien à l'intervention de l'ECOMIG.
Quelque 2 500 membres de l'ECOMIG sont restés en Gambie après l'exil de M. Jammeh et la prise de pouvoir d'Adama Barrow, afin d'assurer la sécurité du nouveau président, de sa famille et du gouvernement.
Le Nigeria peut-il contrer la domination française sur l'Afrique de l'Ouest francophone ?
La France maintient plus de 5 000 soldats « luttant contre l'extrémisme islamique » dans la région du Sahel – actuellement le plus grand déploiement militaire français à l’étranger. Pourquoi serait-il si important pour la France de maintenir sa plus importante présence militaire pour des combats en Afrique alors que des géants comme le Nigeria, l'Égypte, l'Afrique du Sud, le Maroc peuvent combiner leurs efforts et constituer une force continentale pour protéger leurs intérêts ?
En outre, la France continue à dicter les politiques monétaires de ses anciennes colonies africaines.
Lire également: 8 West African countries rename currency in historic break from France—but colonial-era debts persist
En mars 2001, l'Institut monétaire ouest-africain (IMAO) a été chargé [fr] par la CEDEAO d'établir une banque centrale régionale et l'ECO, sa monnaie unique. Cependant, le 21 décembre 2019, certains pays d'Afrique francophone, avec le soutien de la France, ont annoncé le changement de nom de leur monnaie, le franc CFA, en ECO. La France a donc arraché de manière préventive les fruits de plus de deux décennies de travail de la CEDEAO en vue de forger une monnaie commune.
Comme la France ne veut pas déconnecter son cordon ombilical colonial de ses anciennes colonies d'Afrique de l'Ouest et accepter les projets de la CEDEAO comme l'ECO, le Nigeria doit mener les efforts pour lancer cette monnaie et créer une union monétaire parallèle à la zone du franc CFA.
L'Afrique a besoin d'un leadership audacieux
Le Nigeria devrait prendre la tête de toutes les questions africaines sur les défis de paix et de sécurité auxquels le continent est confronté. Sinon, des décisions cruciales pour le continent en matière de politique, de défense, de paix et de justice internationales, ainsi que de solidarité multilatérale entre les États, continueront à être prises par des acteurs étrangers.
En 2018, le président ghanéen Nana Akufo-Addo [fr] avait lancé des appels similaires au Nigeria pour qu'il prenne la tête du processus d'industrialisation et de la croissance de l'Afrique. M. Akufo-Addo avait évoqué le fait que son pays et la Côte d'Ivoire produisent annuellement environ 60 % des fèves de cacao du monde et qu'ils gagnent pourtant moins de 6 % de la valeur mondiale de l'industrie cacaoyère.
Selon M. Akufo-Addo, l'Afrique a la capacité de renforcer sa position sur le marché international, grâce à une harmonisation des politiques ainsi qu'à une coordination et une collaboration efficaces entre les secteurs public et privé pour mettre en place des cadres industriels efficaces et éprouvés, et ainsi utiliser pleinement les riches ressources naturelles de l'Afrique.
Le Nigeria doit prendre son courage à deux mains et commencer à agir stratégiquement comme il l'a fait avec l'élection de la nigériane Ngozi Okonjo-Iwella, la première femme africaine à diriger l'Organisation mondiale du commerce (OMC) :
It is done! Thank you @WTO members for finalizing my election today and making history. In the 73 years of GATT and WTO, honored to be First Woman and First African to lead. But now the real work begins. Ready to tackle the challenges of WTO. Forget Business as usual! pic.twitter.com/apnAalHWf5
— Ngozi Okonjo-Iweala (@NOIweala) February 15, 2021
C'est fait ! Merci aux membres de l'OMC d'avoir finalisé mon élection aujourd'hui et d'avoir participé à un moment historique. Au cours des 73 années d'existence du GATT et de l'OMC, j'ai eu l'honneur d'être la première femme et la première Africaine à les diriger. Mais maintenant, le vrai travail commence. Prête à relever les défis de l'OMC. Oubliez le statu quo !
Le monde a vu M. Buhari signer l'accord de libre-échange continental africain à Niamey, au Niger, lors du lancement du sommet de l'Union africaine en 2019, tandis que les dirigeants du continent et les partenaires multilatéraux du développement l'encourageaient :
#News #Nigeria: President Buhari signs Africa Free Trade Agreement. Buhari signed the Agreement Establishing the African Continental Free Trade Area (AfCFTA) today at the opening of 12th Extraordinary Session of Assembly of African Union Heads of State and Govt in Niamey, Niger.
— Nosa Irabor (@nosairabor) July 7, 2019
#Informations #Nigeria : Le président Buhari signe l'accord de libre-échange continental de l’Afrique. M. Buhari a signé l'accord établissant la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) aujourd'hui à l'ouverture de la 12e session extraordinaire de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine à Niamey, au Niger.
La prospérité économique du continent africain, et de l'Afrique de l'Ouest en particulier, exige un leadership audacieux. Qui est mieux placé pour l'assurer que le Nigeria ?