Les « futurismes autochtones » explorés par un artiste descendant des Premières Nations

Œuvre de Tsista Kennedy, reproduite avec son autorisation.

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages web en anglais]

Le style de l’école des Woodlands [fr] est caractérisé par ses formes très colorées et ses lignes noires, c'est « un art autochtone qui mélange les légendes et mythes traditionnels avec les médias contemporains », comme le décrit un atelier d'artistes de Colombie-Britannique. C'est le style qu'a adopté Tsista Kennedy, artiste anishinabé et onyota’aka originaire de Londres (Ontario, Canada), un style très distinctif car il intègre tradition et modernité. On peut retrouver l'œuvre de monsieur Kennedy dans des centres médicaux (peintures murales), dans des galeries, et il a également créé le logo de l’Indigenous Friends Association, une entreprise sociale qui soutient les communautés autochtones  par le biais des technologies.

Ce type d'art est attribué à l'artiste Norval Morrisseau [fr], issu des Premières Nations et originaire de l'Ontario du Nord, qui l'a développé au milieu du XXe siècle. Cependant, de nombreux artistes ajoutent leur propre griffe et interprétation au style. Monsieur Kennedy précise l'importance de l'art dans sa vie : « Mon art est le reflet de ma vision en tant que jeune autochtone et père, qui navigue entre des cadres et des modes de vie coloniaux et traditionnels. » Cette histoire, il la raconte dans un audio qu'il a publié sur YouTube, « grandir en tant que garçon autochtone aux cheveux longs. »

Dans un entretien par mail avec Rising Voices, Tsista Kennedy nous explique sa démarche artistique.

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Rising Voices (RV) : Comment réussissez-vous à incorporer des éléments de médias et technologies numériques dans votre travail ? Quel message souhaitez-vous transmettre à travers cette association ?


Tsista Kennedy (TK): My approaches for incorporating elements of digital media and technology into my artwork did not exist until I’d been hired by the Indigenous Friends Association. Prior to joining the amazing team behind IFA as an illustrator, my artwork was quite limited to utilizing in-the-moment sources of inspiration and involved little to no concepts of “indigenous futurisms.”

As I grew to understand the mission and vision of the Indigenous Friends Association and was able to apply them both to my own perspective as an artist, my illustrations for them grew to be a more natural feeling and genuine. ‘Inspire and support the imagination of Indigenous communities to create and maintain their digital technology to further their autonomy.’ When I was able to apply this mission to my own life, and the future I want for my children, grandchildren, and so on, it felt as though a switch had gone off in my thoughts.

No longer did I limit myself to this binary creative process of creating artwork. It wasn’t simply portraying events of the past, or events in the moment; I was given a key that had unlocked the door to exploring futuristic indigenous concepts within my own mind, and more imaginative concepts as a whole. Because of this newly found gateway to let in ideas from a futuristic concept, incorporating digital media and technological elements simply came as easy as applying my past concepts of traditionalisms and modernisms. The ease of doing this was simply a matter of becoming familiar with the concept.

Tsista Kennedy (TK) : Je n'avais pas de méthode définie pour mêler les technologies numériques à mon art jusqu'à ce que je sois recruté par la Indigenous Friends Association (IFA). Avant de rejoindre leur incroyable équipe en tant qu'illustrateur, mes créations étaient limitées aux sources d'inspirations qui se présentaient à moi à l'instant T, et je n'appliquais presque pas le concept de « futurisme indigène ».

Alors que je comprenais peu à peu la mission et la vision de l'IFA, et que je réussissais à les appliquer à ma propre vision d'artiste, les illustrations que je réalisais pour eux me venaient de façon plus naturelle, plus authentique. « Inspirer et soutenir l'imagination des communautés autochtones afin qu'elles créent et entretiennent leur propre technologie numérique, pour permettre de développer leur autonomie ». Le jour où j'ai été capable d'appliquer cette mission à ma propre vie, et à la vie que je souhaite pour mes enfants et petits-enfants, j'ai ressenti un vrai déclic.

À partir de ce moment, je ne me suis plus limité à ce processus de création binaire pour la création d'une œuvre. Il ne s'agissait plus de dépeindre des événements du passé ou se déroulant à l'instant T : j'avais trouvé la clé qui ouvrait mon esprit à l'exploration des concepts indigènes futuristes, et d'une manière plus générale, des concepts créatifs. Avoir trouvé un moyen de laisser entrer les idées de concept futuriste m'a permis d'incorporer des éléments des médias et technologies numériques aussi facilement que d'appliquer mes anciens concepts de tradition et modernité. Pour être à l'aise dans cette nouvelle tâche, il fallait simplement que je me familiarise avec ce concept.

Aaniin ! Nous avons presque fini de développer notre application, et nous voulions partager avec vous certaines des illustrations que l'on y retrouvera. Voici notre page d'erreur ! Avec un peu de chance, vous ne la verrez pas souvent, mais j'espère qu'elle vous fera rire si ça arrive… illustration de @tsista.kennedy

RV : Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaiteraient explorer la façon dont l'imagerie et l'art indigènes traditionnels peuvent s'associer avec les technologies numériques et internet ?

 

TK: When I was struggling to mesh traditional indigenous imagery with digital and technological concepts, my supervisor within the IFA had given me some powerful words to help me. ‘It can be as simple as realizing that there are indigenous people in the future,’ is what she’d told me. When our ancestors were met with the threat of genocide from the colonizers, they thought of indigenous people in the future; safeguarding our ceremonies, traditional knowledge, languages, and sacred items. We are those indigenous people in the future, and because of them we can have all of those things with us today.

My advice to anyone else who may struggle initially in exploring this concept of ‘indigenous futurisms,’ or more specifically combining indigenous imagery with digital technologies, would be to ask yourself this question:

“What are you doing today that will change the lives of your great grandchildren for the better?”

Growing up as a native in the city, I didn’t have my culture around me all the time as spiritual nourishment. When I was exposed to my culture, there was no gradient between my life navigating colonial education and sitting in a lodge during ceremonies. I was either in a public school preoccupied with classwork, or in a ceremonial setting receiving teachings and living in the moment. I feel as though these circumstances conditioned me to never think about combining digital technologies with our culture or communal advancement/healing without the help of the IFA.

TK : À un moment donné, j'avais beaucoup de mal à relier l'imagerie indigène traditionnelle et les concepts numériques et technologiques, et ma responsable à l'IFA m'a apporté une aide précieuse avec ces quelques mots très forts : « Cela peut être aussi simple que de se rendre compte qu'il y a des personnes autochtones dans le futur ». Quand nos ancêtres ont été confrontés à la menace d'un génocide face au colonisateur, ils ont pensé aux futures générations d'autochtones : préserver nos cérémonies, nos connaissances traditionnelles, nos langues et nos objets sacrés. Nous sommes ces générations futures, et, grâce à nos ancêtres, aujourd'hui nous avons toujours toutes ces choses avec nous.

À toutes les personnes qui rencontrent des difficultés quand elles commencent à explorer le concept de « futurisme autochtone », ou plus précisément à combiner l'imagerie indigène et les technologies numériques, mon conseil serait de vous poser cette question :

« Que faites-vous aujourd'hui afin d'améliorer la vie de vos arrières petit-enfants ? »

J'ai grandi en tant qu'autochtone à la ville, et je n'avais pas tout le temps ma culture auprès de moi pour nourrir mon esprit. Quand j'étais exposé à ma culture, il n'y avait pas de lien entre ma vie passée à recevoir une éducation coloniale ou être assis dans une hutte pendant des cérémonies. J'étais soit à l'école, à m'inquiéter pour mes devoirs, soit j'assistais à une cérémonie, et recevais des enseignements en vivant l'instant présent. Je crois que ces circonstances m'ont conditionné, en m'empêchant de marier les technologies numériques avec notre culture ou l'évolution/la réconciliation des communautés, jusqu'à ce que je trouve l'IFA.

Face à votre engouement, le « Woodland Baby Yoda » a été réédité ! J'ai retouché celui que j'avais fait l'année dernière, et la nouvelle version est canon, j'adore. Cette nouvelle édition pourra être commandée entre le 25 décembre et le 1er janvier.

Si vous êtes un fan, ou si vous en connaissez un, faites (vous) plaisir et offrez (vous) un cadeau de Noël en retard ! Plus d'informations à venir.

 

RV : Comment ont été reçues certaines de vos œuvres mêlant imagerie et technologie, ou d'autres mettant en valeur la culture populaire comme avec Baby Yoda/Mandalorian ?

 

TK: My artwork showcasing popular culture through a woodland-style aesthetic typically receives quite a bit of appreciation from other indigenous people. My woodland Baby Yoda in a cradleboard with the Mandalorian gained a huge amount of popularity, seemingly overnight. My woodland style ‘Bepsi‘ artwork that I created earlier this year sparked the same type of reaction.

One observation that has always remained constant throughout the past two years of my artistic career is that we as indigenous people love to see the world around us indigenized; it nourishes us with a sense of hope and belonging. It reminds us as indigenous people that we are still here, and we always will be.

My gift of creating artwork serves as a visual megaphone to the world, and through it I am able to take familiarized non-indigenous concepts and make them indigenous. I hope that in doing so I am inspiring indigenous youth to do the same through discovering, exploring, and utilizing their own gifts in a creative and thought-provoking way.

 

TK : Mes œuvres qui mettent en valeur la culture populaire en s'appuyant sur l'esthétique de l'école des Woodlands reçoivent en général la reconnaissance des personnes autochtones  Mon Baby Yoda en style Woodland, porté par le Mandalorian dans un porte-bébé traditionnel, a vu sa popularité grimper en flèche en à peine 24h. Dans la même lignée, mon œuvre « Bepsi »  créée plus tôt cette année a déclenché les mêmes réactions.

Une observation que je fais depuis que j'ai commencé ma carrière artistique il y a deux ans, et qui reste stable, est que nous, en tant qu’autochtones, aimons voir le monde qui nous entoure devenir autochtone : cela nous apporte de l'espoir et un sentiment d'appartenance. Ça nous rappelle que nous, autochtones, sommes encore là, et que nous le serons toujours.

Mon don artistique est comme un mégaphone visuel pour le monde, et à travers lui je suis capable de prendre des concepts non autochtones auxquels nous sommes familiarisés, et de les rendre autochtones. Ce faisant, j'espère inspirer la jeunesse autochtone à en faire de même, par le biais de la découverte, de l'exploration, et de l'utilisation de leurs propres dons d'une façon créative, poussant à la réflexion.

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