Le pétrolier vénézuélien dans la mer des Caraïbes est-il toujours une menace pour l’environnement ?

Gary Aboud, secrétaire général de l’organisme environnemental Fishermen and Friends of the Sea pointant vers le FSO Nabarina le 16 octobre 2020. Capture d’écran d’une vidéo du FFOS diffusée sur Youtube par l’utilisateur guns21111.

Article paru initialement sur Cari-Bois News. Une version remaniée est publiée ici avec l'autorisation de l'auteur.

Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais.

En octobre 2020, l’organisme à but non lucratif Fishermen and Friends of the Sea (FFOS) a attiré l’attention du public [fr] en signalant qu’un navire pétrolier sous pavillon vénézuélien semblait pencher d’un côté au large d’un secteur isolé de la côte du pays, dans le Golfe de Paria, situé entre le Venezuela et l’île de Trinité (République de Trinité-et-Tobago). Selon des estimations, ce navire contiendrait 1,3 million de barils de pétrole brut, ce qui constituerait une menace sérieuse pour la faune et les écosystèmes.

Le 20 octobre, le gouvernement de Trinité-et-Tobago avait envoyé une équipe de trois inspecteurs du ministère de l'Énergie et des Industries énergétiques (MEEI) afin d’évaluer l’état du pétrolier. Les inspecteurs avaient alors conclu que le risque de déversement était minime, mais qu’il fallait accélérer [fr] le transfert du brut à bord du navire. Lors d’une conférence de presse, les experts avaient également recommandé une évaluation ultérieure après publication du rapport. Le ministre responsable du MEEI, Franklin Khan avait déclaré qu’« il allait veiller à la stabilité de la situation afin d’en assurer le suivi ».

Près de cinq mois plus tard, aucun fonctionnaire de Trinité-et-Tobago n’a fait de nouvelle vérification, malgré leurs propres recommandations d’effectuer un suivi un mois après leur visite du 20 octobre.  Ceci a incité le FFOS à entamer des actions en justice. Le groupe lanceur d’alertes environnementales s'est exprimé dans un communiqué de presse :

Why is it taking our Government so long to meaningfully communicate with a neighbouring country? Why has there been this silence and secrecy in a matter of such grave public and environmental concern?

Pourquoi notre gouvernement tarde-t-il à établir une communication sérieuse avec un pays voisin ? Pourquoi autant de silence et de mystère sur une question aussi importante pour le public et l’environnement ?

Contacté par le réseau d'information sur l'environnement Cari-Bois News, le responsable de la communication du MEEI, Choy Felix a déclaré que le ministère attendait toujours les autorisations nécessaires de la part des autorités vénézuéliennes, qui sont obtenues par voie diplomatique auprès du ministère des Affaires étrangères et de la CARICOM (Communauté des Caraïbes).

Pourtant, le FFOS estime que la réponse « lente et désordonnée » des deux gouvernements dans cette affaire est « représentative de l’échec » du plan d’urgence bilatéral contre les déversements d’hydrocarbures [pdf] signé en 1989. Cette convention fait état des paramètres d’une réponse commune aux déversements d’hydrocarbures dans le golfe de Paria et, en principe, doit préciser les conditions dans lesquelles l’une ou l’autre partie doit intervenir en fonction du niveau de risque.

Afin de déterminer si le gouvernement de Trinité-et-Tobago avait exploré toutes les solutions possibles dans l’intérêt de sa population, le FFOS a entamé une procédure dans le cadre de la loi d’accès à l’information en vue d’obtenir une copie du plan de contingence. Toutefois, selon la presse, la requête d’informations a été refusée par le ministère des Affaires étrangères et des Caraïbes afin d’éviter une impasse diplomatique entre Trinité-et-Tobago et le Venezuela. De ce fait, le FFOS se rendra devant les tribunaux dans le but de se procurer un exemplaire du plan d'urgence bilatéral contre les déversements d’hydrocarbures :

FFOS have taken the decision to instruct our Attorneys to serve onto the Ministry of Foreign Affairs a pre action protocol letter in the hope that the Ministry will release a redacted version of the document. FFOS do not wish to engage in litigation; however, we have a duty to do what is right to protect our natural capital inventory and so we will persist in fighting for the public interest regardless of the sacrifice or danger.

Le FFOS a décidé de mandater nos avocats pour signifier au ministère des Affaires une lettre de protocole de préaction en souhaitant que le Ministère publie une version expurgée de ce document. Le FFOS ne veut pas s’impliquer dans une procédure judiciaire, cependant nous avons le droit de protéger notre inventaire de capital naturel et nous continuerons à nous battre pour le bien public, quels que soient les sacrifices ou les dangers encourus.

La déclaration publique de l’organisme accuse également le gouvernement d’avoir déformé les faits concernant le déchargement. Un rapport de Bloomberg indique que les opérations de nettoyage n’ont commencé qu’en janvier 2021, et non en octobre 2020, comme le prétendait le ministère.

Dans le cadre d’un projet commun entre l’entreprise publique Petróleos de Venezuela (PVDSA) [es] et la multinationale italienne Eni, le navire FSO Nabarima est en activité depuis dix ans dans la partie vénézuélienne du golfe de Paria, où il stocke du pétrole en provenance du gisement de Corocoro.

Le FFOS avait d’abord envoyé au MEEI une lettre datée du 24 août 2021, faisant état de leurs préoccupations sur l’intégrité du navire et exprimant l’exigence d’une prise de mesures contre la menace d’un désastre écologique. Par la suite, le 16 octobre, des membres du FFOS ont abordé le navire. Une tempête médiatique s’en est suivie, avec des images montrant le vaisseau gîté, contredisant la position du gouvernement vénézuélien selon laquelle le navire était stable.

Maintenant que la poussière est retombée et que cette affaire ne fait plus la une depuis plusieurs mois, un certain nombre de questions concernant l’intégrité du vaisseau et le processus de déchargement sont toujours sans réponse. Le 9 mars, Cari-Bois News a tenté de joindre l'ambassade de la République bolivarienne du Venezuela à Trinité-et-Tobago pour s’informer des dernières nouvelles du processus de déchargement. À la date de la publication du présent article, aucune réponse n’a été reçue.

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