Facebook va inclure le négationnisme dans sa définition du discours haineux

Le portail à l'entrée du camp d'Auschwitz-Birkenau avec l'inscription en fer forgé "Arbeut Macht Frei".

La phrase cynique et tristement célèbre “Arbeit macht frei” (“Le travail rend libre” en allemand) à l'entrée du camp de concentration d'Auschwitz à Oświęcim en Pologne. Ce panneau est aujourd'hui conservé au Musée National Auschwitz-Birkenau. Photo par Meta.mk/Bojan Blazhevski, utilisation autorisée.

L’article d’origine a été publié en anglais le 13 octobre 2020 sur Meta.mk. Une version éditée est republiée ici dans le cadre d’un accord de partage de contenu entre Global Voices et Metamorphis Foundation.

Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais.

Facebook est en train de changer ses règles pour inclure le négationnisme dans sa définition du discours haineux. Cela fait suite aux critiques essuyées par le réseau social pour son inaction concernant ce genre de désinformation.

Monika Bickert, vice-présidente de la politique sur le contenu, a publié un billet de blog le 12 octobre pour annoncer que le réseau social le plus puissant de la planète était en train de mettre à jour sa définition du discours haineux « pour interdire tout contenu niant l’Holocauste ou déformant les faits à ce propos ».

Facebook fonde sa décision sur le niveau accru d’attaques en ligne à l’encontre de nombreux groupes dans le monde, de la part d'individus et d'organisations qui prônent le sectarisme et le racisme. L'entreprise a déjà « banni plus de 250 organisations de suprémacistes blancs » et supprimé de sa plateforme 22,5 millions de publications contenant des discours haineux au cours du deuxième trimestre 2020.

Bickert a aussi précisé que Facebook avait pris en compte un récent sondage de l’ONG Conference on Jewish Material Claims Against Germany (Claims Conference) qui montre que les jeunes aux États-Unis savent très peu de choses sur l’histoire relative à l’Holocauste, et qu’ils détiennent des informations manifestement inexactes véhiculées par la propagande néonazie depuis des années.

Considérant qu’enseigner la vérité sur l’Holocauste est la clé pour éviter différentes formes de racismes, y compris l’antisémitisme, Bickert a annoncé que cette interdiction serait accompagnée d’efforts pour permettre aux utilisateurs de Facebook d’avoir accès à des informations vérifiées en fournissant des liens vers des sources historiques crédibles en dehors de Facebook dans les résultats de recherche.

En septembre, Meta.mk a annoncé que des défenseurs des droits humains avaient demandé à Facebook de considérer le négationnisme comme un discours de haine et de l’inclure dans sa politique de modération des contenus. Par exemple, en juillet 2020, la Claims Conference a débuté une campagne en ligne de vidéos courtes réalisées par des survivants de l’Holocauste adressant un message à Mark Zuckerberg pour lui expliquer pourquoi il était important de modifier ces règles.

#75e jour de la campagne #ImpossibleDeLeNier
et Mark Zuckerberg n'a pas rencontré les survivants.
Laissons-les expliquer pourquoi Facebook doit bannir le négationnisme
Nous savons qu'il est très occupé
Mais le temps des survivants est aussi précieux

Regardez et partagez cette compilation des messages des survivants à Mark Zuckerberg SVP

Le négationnisme est considéré comme un crime dans de nombreux pays du monde, notamment en Allemagne, en France et en Russie. Les lois de nombreux autres pays, comme le Code pénal de la Macédoine du Nord, considèrent que l’utilisation de systèmes d’informations pour nier, minimiser, approuver ou justifier publiquement toute forme de génocide ou de crimes de guerre est un délit grave.

L’Union européenne a aussi promulgué des politiques et règlements contre les discours de haine [fr] qui incluent la coopération avec les réseaux sociaux internationaux.

Cependant, les États-Unis, juridiction dont dépend Facebook, ne disposent pas de lois fédérales qui interdisent les discours de haine.

En 2018, le fondateur de Facebook, Mark Zukenberg, a déclaré que même si le négationnisme était odieux à ses yeux, il ne considérait pas (à cette époque) que la société devait promulguer de nouvelles règles pour l'interdire sous toutes ses formes parce qu’il était « difficile dans beaucoup de ces cas de contester et de comprendre l’intention ».

Deux ans plus tard, il a expliqué son changement de position dans une publication Facebook datée du 12 octobre :

I’ve struggled with the tension between standing for free expression and the harm caused by minimizing or denying the horror of the Holocaust. My own thinking has evolved as I’ve seen data showing an increase in anti-Semitic violence, as have our wider policies on hate speech. Drawing the right lines between what is and isn’t acceptable speech isn’t straightforward, but with the current state of the world, I believe this is the right balance.

J’ai été pris entre deux feux : défendre la liberté d’expression ou éradiquer le mal causé par le fait de minimiser ou de nier les horreurs de l’Holocauste. Mon opinion a évolué car j’ai vu des données montrant l’augmentation des violences antisémites. Nos politiques sur les discours haineux ont aussi évolué. Il n’est pas simple de jauger la limite entre les discours acceptables et ceux qui ne le sont pas, mais vu l’état actuel du monde, je crois que c’est le juste équilibre.

En juillet 2020, la Ligue anti-Diffamation (ADL), une importante organisation internationale juive basée à New York, a débuté une campagne de boycott intitulée #StopHateForProfit (« Arrêtez la haine pour le profit ») soutenue par plus de 1200 entreprises à but non lucratif qui appelaient au boycott des publicités sur Facebook. Le but de la campagne était de forcer Facebook à s’attaquer aux groupes et forums qui publiaient en toute impunité d’énormes quantités de contenus niant l’Holocauste et faisant la promotion du sectarisme, du racisme et de la désinformation.

Jonathan A. Greenblatt, le directeur général d’ADL a déclaré : « Mon organisation est soulagée que Facebook ait finalement pris les mesures que nous demandions depuis presque une décennie : considérer le négationnisme et la déformation de l'Holocauste comme des “discours haineux” et les supprimer de leur plateforme. L’Holocauste, le meurtre systématique d’environ six millions de juifs et de plusieurs millions d’autres individus pendant la Seconde Guerre mondiale est l’un des génocides les mieux documentés et les mieux étudiés de l’histoire. »

Selon Greenblatt, Facebook doit à présent montrer comment ses engagements se concrétisent en publiant notamment un rapport de suivi sur les mesures mises en place.

While we are relieved to learn this news, we also would note that platform decisions of this nature are only as good as the companies’ enforcement. Facebook now needs to reassure the global community that it is taking meaningful and comprehensive steps to ensure that Holocaust deniers are no longer able to take advantage of Facebook’s various platforms to spread antisemitism and hate. We hope that Facebook will follow up with regular progress reports documenting the steps they are taking to ensure that Holocaust denial and distortion permanently is expunged from their platform.

Nous nous réjouissons de la nouvelle, mais nous tenons également à souligner que les décisions de cette nature prises par les plateformes n’ont de sens que si elles sont appliquées. Le réseau social doit maintenant donner des garanties à la communauté internationale qu’il prend des mesures significatives et concrètes pour s’assurer que ceux qui nient l’Holocauste ne profitent plus des différentes plateformes de Facebook pour répandre l’antisémitisme et la haine. On espère que Facebook continuera sur cette lancée en fournissant régulièrement des rapports d'avancement par le biais de documents qui prouvent que des mesures sont prises pour s’assurer que le négationnisme et la déformation sont définitivement bannis de leur plateforme.

Le Congrès juif mondial, une organisation internationale qui représente les communautés et organisations juives dans 100 pays du monde, et les organisations locales de la société civile comme l’Association des Juifs de Bulgarie (« Shalom »),  a aussi exprimé son soutien au changement des politiques de Facebook concernant le négationnisme et la déformation des faits relatifs à l'Holocauste.

L’évolution de Facebook sur la question a reçu l’approbation d’institutions académiques qui œuvrent à la préservation de la mémoire de ces massacres passés pour empêcher les génocides à l'avenir. Le musée de l’Holocauste de l’Illinois a publié cette publication sur Twitter :

Le Musée de l’Holocauste de l’Illinois se réjouit de la décision de Facebook de retirer tout propos visant à remettre en cause l’Holocauste de sa plateforme. Ceci constitue une avancée importante dans notre démarche en cours de transmission de cette page importante de l’Histoire et de plaidoyer pour un monde sans antisémitisme.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.