Aide humanitaire en Syrie : il est temps de proposer des programmes viables à long terme

Un monticule de sacs d'aide humanitaire en train d'être déchargé par deux hommes depuis un camion portant le logo "Islamic Relief".

Aide apportée par l'ONG Islamic Relief aux réfugiés syriens. Image utilisée avec permission.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages web en anglais.]

L'auteur de ce billet est le fondateur d’Islamic Relief, de The Humanitarian Forum (Le Forum humanitaire) et de Muslim Charities Forum (Forum des associations caritatives musulmanes). Il est en outre membre du conseil d'administration du Center for Interfaith Action on Global Poverty (Centre pour l'action interconfessionnelle en matière de pauvreté à travers le monde).

Le 15 mars 2021 marque un triste anniversaire. Il y a dix ans [fr] débutait le soulèvement populaire marquant le début de la guerre civile syrienne, qui embrase aujourd'hui encore le pays. Alors que nous luttons tous contre la crise mortelle que représente la pandémie de COVID-19, qui retient l'attention du monde entier depuis une année, nous ne devons pas oublier la mort et la destruction qui déchirent la Syrie et continuent à hanter le pays.

S'ajoutant à cette crise décennale, la pandémie de COVID-19 [fr] a fortement touché la Syrie, aggravant une situation déjà critique et entravant encore les efforts mis en place pour palier l'accès difficile au logement, à l'éducation et au système de santé.

Les statistiques sont parfois accablantes, mais certaines d'entre elles sont frappantes et doivent être soulignées. Au 31 décembre 2020, plus de 11 millions de personnes, dont 4,8 millions d'enfants, dépendaient encore de l'aide humanitaire et 6,1 millions de personnes étaient toujours déplacées à l'intérieur de leur pays.

En plus de ces chiffres, on compte 2,4 millions d'enfants non scolarisés, dont 40 % de filles, des statistiques qui ne prennent probablement pas en considération les perturbations causées par le COVID-19 dans le secteur de l'éducation. En outre, un tiers des écoles en Syrie ne peuvent plus être utilisées, parce qu'elles ont été détruites, endommagées ou réquisitionnées par l'armée. Même dans les écoles qui assurent encore un enseignement, les salles de classe sont surchargées et se trouvent dans des bâtiments qui ne disposent pas de suffisamment d'installations d'approvisionnement en eau et d'assainissement, ni d'électricité, de chauffage ou de ventilation, des problèmes auxquels la population syrienne doit faire face quotidiennement. L'an 2020 a été particulièrement brutal pour les enfants en Syrie, comme en témoigne le grand nombre de morts et de blessés.

En ce qui concerne le logement en Syrie, trop de déplacés internes vivent encore dans des camps, tels que celui d'Al-Hol, situé dans la partie nord-est du pays occupée par les forces kurdes, qui abrite plus de 70 000 ressortissants syriens et étrangers, dont plus de 90 % de femmes et d'enfants. De nombreux Syriens ont tenté de rentrer chez eux, et se sont retrouvés à devoir vivre dans des conditions de logement déplorables.

Bien qu'un important réseau d'aide humanitaire internationale ait été mis en place en Syrie lors de la guerre civile, cela n'a jamais été suffisant et n'a pas toujours aidé ceux qui en ont le plus besoin.

Un consensus croissant s'est établi quant à la nécessité de repenser la programmation et le financement de l'aide humanitaire dans les cinq années à venir, pas seulement en Syrie, mais partout où les populations se trouvent face à des crises humanitaires chroniques. Récemment, la mise en place d'un nexus humanitaire-développement-paix [fr] en Syrie et dans d'autres nations en crise a été proposée. Comme l'affirme un document de discussion publié par Oxfam en juin 2019, un tel nexus « porte sur le travail à déployer pour s’attaquer de manière cohérente à la vulnérabilité des personnes avant, pendant et après les crises. Il remet en cause le statu quo du système d’aide, surchargé et sans réelle coordination entre les projets de développement et les interventions humanitaires, et donc incapable de répondre efficacement aux besoins des personnes les plus vulnérables. »

En ce qui concerne la Syrie, il existe cinq aspects-clés pour embrasser cette nouvelle façon de penser : prêter une attention accrue aux programmes durables à long terme qui encouragent les bénéficiaires à être autonomes afin d'obtenir un meilleur impact et de mieux investir l'argent récolté ; augmenter le financement de l'éducation formelle et informelle ; mettre en place de nouvelles manières de gérer la sévère pénurie de logement dans le but de réduire et, à terme, de mettre fin au recours excessif aux camps de personnes déplacées ainsi qu'à la nécessité de stratégies de logement arbitraires et à court terme ; renforcer la réponse locale à travers le financement d'acteurs locaux et l'investissement dans des programmes de construction et de développement pertinents ; fournir un meilleur accès à l'aide humanitaire dans toutes les régions du pays, au-delà des lignes de conflit et des frontières.

Certaines organisations non gouvernementales (ONG) ont tenté de construire des solutions à long terme, notamment en proposant des projets de logement en Syrie, comme le font les ONG turques, particulièrement  depuis que la Turquie, qui accueille déjà plus de 3,6 millions de réfugiés syriens, refuse d'en accueillir d'autres. Une augmentation massive de ce type d'aide est nécessaire, une aide qui doit être plus directement rattachée aux personnes qui en ont besoin.

Cependant, le refus des États-Unis et de leurs alliés d'œuvrer à la reconstruction du pays, par peur que celle-ci ne finisse par avantager le gouvernement de Bachar el-Assad [fr], représente un obstacle important. Cette inaction s'étend aux Nations Unies, à qui cela n'a posé aucun problème de reconstruire plus de 25 000 habitations en Irak, détruites durant la guerre contre l'ISIS, et à la Banque mondiale, qui finance d’importants projets d'infrastructures en Irak. Tout comme les États-Unis, aucune de ces organisations n'a accompli d'actions similaires en Syrie. Le président Biden doit réorienter la politique américaine afin d'assurer une aide humanitaire à tous les Syriens dans le besoin, quel que soit l'endroit où ils ont été déplacés ou celui où ils résident.

Les projections pour 2021 en Syrie, établies par l'Aperçu humanitaire mondial de l'ONU, indiquent que 13 millions de personnes sur une population totale de 17 millions [fr] seront toujours dans le besoin. Dans le même temps, les besoins de financement passeront de 3,3 milliards de dollars en 2020 à 4,2 milliards en 2021 [fr]. La seule solution pour que le financement international, qui a diminué drastiquement en 2020 en grande partie à cause des conséquences économiques liées au COVID-19, puisse répondre aux besoins croissants en Syrie est d'aborder le nexus humanitaire-développement-paix en négociant avec les parties concernées, afin de développer des solutions à long terme pour la Syrie.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.