Réduction de peine pour Walid Fitaihi, un médecin renommé emprisonné depuis 2017 en Arabie Saoudite

Le Dr Walid Fitaihi, un homme d'âge mûr à la barbe grisonnante, pose dans un élégant costume blanc.

Photographie de Walid Fitaihi, médecin et animateur TV, provenant de son compte Facebook.

L’article d'origine a été publié en anglais le 9 février 2021. Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais.

L'affaire impliquant Walid Fitaihi, un médecin influent d'origine américano-saoudienne qui est également animateur de télévision, connaît un nouveau rebondissement et une fin plutôt heureuse, après trois années passées entre incarcération, interdiction de sortie de territoire et tortures. Ce dénouement s'explique notamment par l'arrivée au pouvoir de Joe Biden à la Maison Blanche, qui fait perdre à l'Arabie Saoudite un allié précieux.

Au mois de janvier, une cour d'appel saoudienne a statué en faveur d'une réduction de moitié de la peine initiale de 6 ans requise en décembre contre le médecin diplômé d'Harvard, en raison de plusieurs chefs d'inculpation dont « déloyauté envers le souverain par le soutien apporté à une organisation terroriste », « outrage à d'autres pays ainsi qu'à leurs dirigeants » et « obtention d'une nationalité étrangère [en l'occurrence américaine] sans le consentement préalable des autorités saoudiennes ». 

Selon l'agence de presse britannique Reuters, la cour a également suspendu le restant de sa peine, ce qui signifie qu'il ne retournera pas en prison. Une interdiction de quitter le territoire d'une durée de 6 ans, qui avait été assortie au jugement rendu à l'encontre du Dr Fitaihi au mois de décembre, a été réduite à 38 mois.

Le Dr Fitaihi, grand orateur connu pour ses discours de motivation, a été arrêté à la suite de commentaires critiques publiés sur Twitter visant d'autres États arabes, ainsi que leurs dirigeants.

Mr Fitaihi a été interpellé au mois de novembre 2017 au cours d'une vague d'arrestations anti-corruption, initiée par le Prince saoudien Mohamed bin Salman, pendant laquelle des membres de la famille royale ainsi que des hommes d'affaires furent également arrêtés. Cette série d'arrestations a été dénoncée dans le monde entier. Durant 21 mois, en plus des tortures, le Dr Fitaihi a été incarcéré sans aucun motif valable et sans qu'aucun procès n'ait lieu. Dans le même temps, sa femme et leurs 6 enfants ont reçu une interdiction de quitter le territoire.

Un rebondissement dans l'affaire du médecin, ainsi que celles de deux autres ressortissants américains, a suscité un intérêt soudain et permis un classement rapide.

Ce jeudi [4 février 2021], le secrétaire d’État américain aux Affaires étrangères a déclaré que le royaume saoudien avait libéré sous condition deux citoyens américano-saoudiens, détenus dans le cadre de mesures de répression prises à l'encontre de la société civile, et qu'un troisième avait bénéficié d'une réduction de peine. Il s'agit du Dr Walid Fitaihi, condamné pour “désobéissance” envers le gouvernement.

Plusieurs jours après le verdict rendu par la cour d'appel, qui ordonnait une réduction de peine, le cabinet médical du Dr Fitaihi s'est vu décerner une récompense prestigieuse [ar], ce qui a suscité des moqueries ainsi que des réactions de perplexité sur les réseaux sociaux.

Ma’n Asharif, un Saoudien suivi par plus de 6 400 personnes a tweeté :

- Novembre 2017 : Il est arrêté et torturé pendant presque 21 mois

- Août 2019 : Il est libéré sous contrôle judiciaire et le procès est toujours en cours

- 9 décembre 2020 : Il est condamné à 6 ans de prison

- 18 janvier 2021 : Annulation de la décision de justice puis il est récompensé

Vivez longtemps et vous verrez des miracles se produire.

Omar Ben Abd Al Aziz, un autre Saoudien, a tweeté ce trait d'humour :

J'ai l'estomac noué à l'idée d'aller me coucher et au réveil pof … Dr Fitaihi est nommé ministre de la Santé … Cher gouvernement, ménagez-nous, s'il vous plaît !

Au cours des derniers mois, et tout particulièrement ceux qui ont précédé et suivi l'élection présidentielle de Joe Biden aux États-Unis, plusieurs affaires concernant des détenus saoudiens, qui avaient suscité une grande compassion à travers le monde tout en étant négligées sous Trump, ont connu des suites positives.

Loujain Al Hathloul [fr], une activiste pour les droits des femmes doit être libérée au mois de mars, après une condamnation à une peine d'emprisonnement de presque 6 ans. Initialement, le procureur général avait réclamé la peine maximale de 20 ans. Mme Hathloul a déjà purgé une grande partie de sa peine en détention provisoire. [Elle a effectivement été libérée en février, ndlt.]

Plus récemment encore, trois membres de la communauté Shia, mineurs au moment de leurs arrestations ont vu leurs condamnations commuées dans un verdict rendu le 7 février 2021. Ils avaient initialement écopé de la peine de mort.

Beaucoup d'autres détenus, emprisonnés pour avoir fait part de leurs opinions en contradiction avec le pouvoir saoudien, sont toujours derrière les barreaux, y compris des figures religieuses importantes telles que Salman al-Odah [fr], Abd Al Aziz At Tarifi, Awad al Qarni, ou encore Omar Al Muqbil

Le déroulement encourageant des évènements récents semble être étroitement lié au nouveau gouvernement américain en place, qui a promis de revoir ses relations avec les régimes autoritaires de la région. Ce dernier a déjà arrêté sa collaboration avec le royaume pétrolier en mettant un terme au soutien diplomatique qu'il lui apportait ainsi qu'à la vente d'armes, afin de s'opposer à la guerre sanglante livrée au Yémen, qui a provoqué une crise humanitaire.

Plusieurs observateurs sont d'avis que l'accélération dans le traitement et le classement de ces affaires suivies de près par Washington a pour but d'éviter qu'elles ne soient utilisées comme « monnaie d'échange » dans un contexte de tension accrue dans les relations entre les deux alliés de longue date.

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