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Le militant sud-africain des droits humains Sibusiso (S'bu) Innocent Zikode a remporté le prix Per Anger 2021. Le travail de monsieur Zikode se concentre sur le droit à la maison, à la terre et à la survie pour les habitants les plus pauvres des bidonvilles du pays, et il recevra le prix humanitaire du Living History Forum (en français : Forum d'histoire vivante) le 21 avril.
Créé par le gouvernement suédois en 2004 et géré par The Living History Forum, le prix promeut des initiatives soutenant les droits humains et la démocratie à travers le monde. Le prix a été nommé d'après Per Anger [fr], un diplomate suédois qui a sauvé de nombreux Juifs de la persécution et de la mort pendant la Seconde Guerre mondiale à Budapest en Hongrie, alors sous occupation nazie.
Monsieur Zidoke a co-fondé, il y a 16 ans, de l'organisation Abahlali baseMjondolo (expression zoulou qui se traduit à peu près par « les gens des taudis »), un mouvement sud-africain qui s'emploie à résister aux « expulsions illégales et à faire campagne pour le droit au logement pour tous », en particulier pour les habitants des bidonvilles. Le mouvement est né d'une manifestation organisée à partir de l'installation informelle de Kennedy Road dans la ville orientale de Durban [fr] début 2005 et s'est étendu à Pietermaritzburg et au Cap [fr].
L'Afrique du Sud a un problème [fr] insidieux de logement , aggravé par le manque de services de base comme l'électricité et l'approvisionnement en eau dans les bidonvilles qui abritent les « pauvres et les nécessiteux » de ce pays.
Monsieur Zikode a déclaré qu’ « une cabane sans eau, sans électricité et sans installations sanitaires ne peut pas être qualifiée de maison », selon un communiqué de presse du Living History Forum. « Au contraire, cela signifie des circonstances potentiellement mortelles qui sont particulièrement dures envers les femmes, les enfants et les groupes minoritaires », a dit Monsieur Zikode.
Le problème du logement et le manque d'assainissement qui en résulte ont exacerbé la pandémie de COVID-19 au sein des communautés défavorisées et vulnérables d'Afrique du Sud.
Le travail inlassable de Monsieur Zikode lui a valu des éloges du public, mais le mouvement est également considéré comme une menace pour la classe dirigeante sud-africaine.
M. Zikode partage désormais la même distinction que les lauréats précédents, notamment ces dernières années : Elena Urlaeva (2010), Narges Mohammadi (2011), Sapiyat Magamedova (2012), Justine Ijeomah (2013), Rita Mahato (2014), Islena Rey Rodríguez (2015) ), Abdullah al-Khateeb (2016), Gégé Katana Bukuru (2017), Teodora del Carmen Vásquez (2018), Najwa Alimi (2019) et Intisar Al-Amyal (2020).
Lutter pour la dignité des habitants des bidonvilles
La ségrégation urbaine fondée sur la race était l'une des caractéristiques déterminantes de l'apartheid en Afrique du Sud. Cependant, cette régulation des espaces dans les centres urbains s'est poursuivie après la chute de l'apartheid, quoique sous une forme différente.
Les Sud-Africains sont toujours divisés entre ceux qui ont des maisons et les sans-abri, les habitants des bidonvilles.
Cependant, la « série de manifestations populaires contre les gouvernements locaux » en 2004 à travers l'Afrique du Sud a conduit à l'émergence de la base Abahlali Mjondolo (AbM),« un mouvement autonome des habitants », selon Richard Pithouse, chercheur en études politiques et internationales à l'Université de Rhodes, Afrique du Sud. AbM “a émergé de cet effervescence de la base et a depuis présenté une demande impérieuse d'autonomie organisationnelle, d'urbanisme à la base et de droit à la ville”, déclare M. Pithouse.
En mai 2005, les habitants de six groupes de taudis et d'appartements municipaux locaux à Durban avaient organisé une manifestation de plus de 5 000 personnes réclamant l'accès à la terre, à un logement convenable, à des toilettes et à la fin des expulsions forcées.
Nigel C. Gibson, militant et universitaire britannique, déclare que les manifestants « ont présenté un mémorandum comprenant 10 revendications qu'ils avaient rédigé à travers une série de réunions et de discussions communautaires ». Cela a conduit AbM, au début de 2006, à « organiser un boycott des élections gouvernementales locales prévues pour mars de cette année », dit M. Gibson.
Mais le combat d'AbM pour les personnes vulnérables ne s'est pas bien passé pour beaucoup d’habitants.
En septembre 2009, la maison d'origine du mouvement AbM dans le quartiers de Kennedy Road à Durban a été attaquée par des hommes armés, sous les yeux de la police. Les assaillants recherchaient M. Zikode, qu'ils ont menacé de tuer.
Les attaques qui auraient été menées par « des personnes associées à la branche locale de l'ANC » (Congrès national africain, parti au pouvoir en Afrique du Sud), ont fait deux morts, de nombreux blessés et à la destruction de 30 taudis.
Dans la foulée, S'bu Zikode s'est caché et la police a arrêté 13 membres d'AbM.
Le groupe de défense des droits humains, Amnesty International, a qualifié l'attaque de « violence apparemment à motivation politique ».
Néanmoins, la violence dirigée contre l'AbM n'a dissuadé ni ses dirigeants ni le mouvement. Au contraire, ils ont renforcé leur détermination à continuer de lutter pour les droits des habitants vulnérables des bidonvilles sud-africains à mener une vie digne.