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Les Kenyans organisent en ligne depuis trois jours des manifestations contre la décision du Fonds monétaire international (FMI) d'approuver une facilité de prêt de 2,34 milliards de dollars pour le Kenya, exhortant l'agence multilatérale à revoir sa décision.
En utilisant les hashtags #StopLoaningKenya (Arrêtez de prêter au Kenya) et #StopGivingKenyaLoans (Arrêtez de faire des prêts au Kenya), les Kenyans ont rejeté le prêt et ont exprimé leurs frustrations à l’égard du FMI pour avoir approuvé une dette supplémentaire dans ce qu'ils considèrent comme un autre fardeau pour le remboursement de la dette nationale, à un moment où la corruption et l'utilisation abusive des fonds publics se sont intensifiées. Le prêt actuel est destiné à financer une réponse à la pandémie COVID-19.
Kenyans on FB and Twitter rejection of IMF lending Kenya government’s more money is a fascinating sign of things to come in global finance. Government might not care, but IMF is definitely sensitive to bad PR.
— Grant (@GrantBrooke) April 5, 2021
Le rejet par les Kényans sur FB et Twitter des prêts du FMI au gouvernement kenyan est un signe fascinant de l'avenir la finance mondiale. Le gouvernement ne s'en soucie peut-être pas, mais le FMI est définitivement plus sensible à à de mauvaises relations publiques.
Au cours des 12 derniers mois seulement, le Kenya a reçu 6,4 milliards de dollars sous forme de subventions et de prêts pour la réponse au COVID-19, selon une liste compilée par Mary Mukami, comptable de profession et utilisatrice des médias sociaux, à partir d'une couverture médiatique.
704 Billion in just one year for COVID Response? Kenyans demand an explanation from GOK!!!! Lazima #Kijulikane pic.twitter.com/Wam5K4vbtP
— Hustler 031 (@_Hustler031) April 5, 2021
704 milliards en seulement un an pour la réponse COVID? Les Kenyans exigent une explication du GOK !!!! Lazima #Kijulikane pic.twitter.com/Wam5K4vbtP
— Hustler 031 (@_Hustler031) 5 avril 2021
Alors que beaucoup d’utilisateurs des réseaux sociaux dirigeaient leurs frustrations à l’égard du FMI, la plupart étaient en colère contre le président Uhuru Kenyatta et son gouvernement pour avoir continué à accabler les Kenyans de créances douteuses et pousser le pays plus profondément dans l'endettement, malgré une corruption accrue et un manque de transparence. À l'aide de captures d'écran des titres de journaux, de nombreux utilisateurs de Twitter ont donné leurs nombreuses raisons et preuves pour lesquelles le FMI devrait cesser d'accorder des prêts au Kenya.
#StopGivingKenyaLoans #ImpactOfTheLoans
Need we say more pic.twitter.com/7bUXkbtJUs
— Cathyy (@yo_njeri) April 7, 2021
#StopGivingKenyaLoans #ImpactOfTheLoans
Qu'avons-nous à ajouter? pic.twitter.com/7bUXkbtJUs
— Cathyy (@yo_njeri) 7 avril 2021
Un activiste kényan arrêté
Le 7 avril, alors que les manifestations en ligne se poursuivaient, l'activiste kényan Mutemi Kiama, qui tweete en utilisant les pseudos @MutemiWaKiama et @WanjikuRevolt, a été arrêté pour avoir prétendument créé et publié une affiche mettant en garde le FMI contre l'octroi d'un nouveau prêt au président Uhuru Kiama. Il a publié le poster sur son compte Twitter avec un avertissement aux citoyens kenyans mettant en garde les prêteurs au niveau mondial contre toute transaction avec le président et son vice-président.
???#UnlockOurCountry #StopLoaningKenya! pic.twitter.com/LFE0IyG83t
— Mwarimū Mūtemi wa Kīama (@MutemiWaKiama) April 6, 2021
???#Libéreznotrepays #StopLoaningKenya!
pic.twitter.com/LFE0IyG83t
— Mwarimū Mūtemi wa Kīama (@MutemiWaKiama) April 6, 2021
Le lendemain, M. Kiama a été présenté au tribunal pour avoir enfreint diverses dispositions de la loi sur l'utilisation abusive d'un ordinateur et la cybercriminalité, notamment la publication de fausses nouvelles. Cependant, la Haute Cour du Kenya a rejeté le dossier présenté par le parquet et a refusé de lui accorder 14 jours pour recueillir des preuves. Malgré l'absence de toute raison de le retenir, le tribunal a ordonné la libération de M. Kiama moyennant une caution en espèces de 500 USD.
COURT GRANTS activist Mutemi Kiama Sh500,000 cash bail; orders him to report daily to the investigating officer for the next 10 days.https://t.co/76mRXJLqfD pic.twitter.com/1gOT206sTt
— Nation Breaking News (@NationBreaking) April 8, 2021
ORDONNANCE DE LA COUR: L'activiste Mutemi Kiama doit verser une caution de Sh500,000 en espèces; lui ordonne de se présenter quotidiennement à l'enquêteur pendant les 10 jours à venir. https://t.co/76mRXJLqfD pic.twitter.com/1gOT206sTt
— Nation Breaking News (@NationBreaking) 8 avril 2021
Son compatriote activiste, Boniface Mwangi, lui aussi activiste a été appelé à remettre en question la décision de la Haute Cour du Kenya, la décrivant comme une « forte menace » pour tous les utilisateurs kenyans des médias sociaux contre la critique du gouvernement.
The police don't have any evidence that Kiama committed any crime, they're still investigating. How then does a magistrate ask Kiama to post a cash bail of 500,000?That bail is a loud threat to all Kenya social media users, criticise the government at your own risk!Dark days ahead pic.twitter.com/B3kKpxqIr6
— Boniface Mwangi (@bonifacemwangi) April 8, 2021
La police n'a aucune preuve que Kiama ait commis un crime, elle enquête toujours. Comment alors un magistrat peut-il demander à Kiama de déposer une caution en espèces de 500 000? Cette caution est une menace forte pour tous les utilisateurs des médias sociaux kenyans, critiquez le gouvernement à vos risques et périls! De jours sombres s'annoncent pic.twitter.com/B3kKpxqIr6
— Boniface Mwangi (@bonifacemwangi) 8 avril 2021
La Commission kényane des droits humains (KHRC) a également condamné le ciblage injustifié d'activistes appelant à y mettre fin.
The high court has dismissed an application by the prosecution for continued detention of Mutemi Kiama for 14 days over the frivolous charge of posting an anti -IMF loan poster.
He has been released on a cash bail of Ksh 500,000.
Unjustified targeting of activists must end. pic.twitter.com/acvCPX01Rs
— KHRC (@thekhrc) April 8, 2021
La Haute Cour a rejeté une demande du parquet demandant le maintien en détention de Mutemi Kiama pendant 14 jours pour l'accusation frivole d'avoir publié une affiche contre le prêt FMI.
Il a été libéré moyennant une caution en espèces de 500 000 Ksh.
Le ciblage injustifié des militants doit cesser.
pic.twitter.com/acvCPX01Rs— KHRC (@thekhrc) 8 avril 2021
Pétition pour cesser de faire des prêts au Kenya
Alors que les manifestations virtuelles entraient dans leur deuxième jour, une partie des Kenyans a détourné la section des commentaires de la série Facebook Live du FMI qui diffusait des conférences de presse et des webinaires sur les perspectives de l'économie mondiale, et a publié le message “STOP LOANING KENYA” (ARRETEZ DE PRÊTER AU KENYA), pour demander dans une nouvelle pétition au prêteur de retirer la facilité de prêt. Les messages publiés sur la page Facebook du FMI depuis le début des manifestations en ligne ont recueilli en moyenne 2 000 commentaires, tous de la part de Kenyans plaidant auprès du FMI.
Kenyans hijacked an online IMF session ???? pic.twitter.com/sa5F0V2gbQ
— Kuira Brian (@kuirab) April 7, 2021
Des Kenyans ont détourné une session en ligne du FMI ????pic.twitter.com/sa5F0V2gbQ
— Kuira Brian (@kuirab) 7 avril 2021
Le 4 avril, Jefferson Murrey, un citoyen kényan inquiet, a créé une pétition en ligne pour demander au FMI d'annuler le prêt de Kshs de 255 milliards au pays. Dans la section des explications de sa pétition il explique:
The news that the IMF recently approved a Kshs. 255 billion loan to the Kenyan government has left many Kenyans shocked and very disappointed. This is due to the fact that previous loans to the Kenya government have not been prudently utilized and have often ended up in mega corruption scandals. These scams have not deterred the ruling Jubilee government's appetite for more loans, especially from China. Right now, Kenyans are choking under the burden of heavy taxation, with the cost of basic commodities such as fuel skyrocketing, and nothing to show for the previous loans. Our President, Uhuru Kenyatta, is even on record lamenting that Kshs. 2 billion is lost daily to corruption in Kenya. The same President recently approved a luxury car grant bribe to get junior lawmakers to pass controversial changes to the Constitution, punching another hole on an already shoestring budget.
La nouvelle que le FMI a récemment approuvé un prêt de Kshs 255 milliards au gouvernement kenyan a laissé de nombreux Kenyans choqués et très déçus. Cela est dû au fait que les prêts antérieurs accordés au gouvernement kenyan n'ont pas été utilisés avec prudence et ont souvent abouti à de méga scandales de corruption. Ces escroqueries n'ont pas dissuadé l'appétit du gouvernement Jubilee au pouvoir pour davantage de prêts, en particulier en provenance de Chine. À l'heure actuelle, les Kenyans étouffent sous le fardeau d'une lourde fiscalité, avec le coût des produits de base tels que le carburant qui monte en flèche, et il n'y a rien à montrer sur l’utilisation des prêts précédents. Notre président, Uhuru Kenyatta, déplore même officiellement que Kshs. 2 milliards soient perdus quotidiennement à cause de la corruption au Kenya. Le même président a récemment approuvé un pot-de-vin par l'octroi de voitures de luxe pour que les jeunes législateurs adoptent des modifications controversées de la Constitution, creusant un peu plus un budget déjà bien maigre.
À la publication de cet article, plus de 230 000 Kenyans avaient signé la pétition, beaucoup partageant le lien sous leurs pseudonymes sociaux.
Kenyans sur Twitter – KOT
La communauté Twitter kenyane, également connue sous le nom de KOT, est devenue une force avec laquelle il faut compter. En raison de l'omniprésence des téléphones portables à bas prix, un grand nombre de Kenyans sont en ligne et pour beaucoup d'entre eux, des plateformes telles que Twitter sont devenues un moyen important non seulement pour exprimer leurs opinions, mais aussi pour s'organiser et se rallier autour d'une cause commune. Dans un récent article écrit pour Global Voices j'ai rappelé comment le gouvernement et la police sont conscients du pouvoir que la plate-forme Twitter produit.
Alors que le Kenya se prépare à des élections en 2023, des militants tels que M. Boniface et bien d'autres avertissent les utilisateurs des médias sociaux de se « préparer » à une augmentation des arrestations de blogueurs et d'activistes alors que l'État accentue son utilisation abusive de la législation anti-cybercriminalité pour étouffer la dissidence.