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Coupure d'Internet au Myanmar : des militants exigent un retour à la normale après un an sans Internet dans les États de Rakhine et de Chin

Catégories: Asie de l'Est, Myanmar (Birmanie), Censure, Cyber-activisme, Médias citoyens, Advox, Coup d'État au Myanmar, Elections au Myanmar (2020)
De jeunes militants manifestent pour un retour à la normale au Myanmar [1]

De jeunes militants du Myanmar appellent à la paix dans la région d'Arakan et demandent le rétablissement de l'accès à Internet dans les 8 communes concernées des États de Rakhine et de Chin. Photo fournie par Athan et publiée avec son autorisation.

[L’article original [2] a été publié le 26 juin 2020 ; sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais – ndlt]

Un an s'est écoulé depuis que le gouvernement du Myanmar a restreint [3] les réseaux de l'Internet mobile dans huit communes des États de Rakhine et Chin. Plus de 1,4 million de personnes sont touchées par cette coupure et n'ont plus accès aux informations cruciales concernant l'évolution du conflit et de la crise sanitaire du COVID-19 dans le pays.

Outre la coupure des réseaux mobiles d'Internet dans certaines parties de Rakhine et de Chin, le gouvernement a également ordonné le blocage [4] [fr] de sites Internet qui répandraient de fausses informations. Cependant, les sites web de certains médias indépendants et ethniques fournissant des informations locales ont également été inclus dans le lot.

La Coalition pour la liberté d'expression ainsi que d'autres groupes de la société civile ont marqué [5] le premier anniversaire de cette coupure, et ont enregistré leur manifestation à travers un rassemblement virtuel.

Athan [6], une organisation de la société civile dirigée par des jeunes et qui promeut la liberté d'expression, a tweeté à propos des événements :

Une manifestation virtuelle marque le premier anniversaire de la coupure d'Internet dans les États de Rakhine et Chin.#အင်တာနက်ဖိနှိပ်မှုဆန့်ကျင်ကြ #StoppezLaCoupureMM#RétablissezInternet#365jourssansinternet

La manifestation virtuelle comptait 170 participants. Ceux-ci ont souligné le fait que la coupure prive la population locale de toute information à propos du COVID-19. Durant cet événement virtuel, les membres de la coalition ont sollicité l'Organisation mondiale de la santé pour qu'elle fasse pression sur le gouvernement du Myanmar afin qu'il mette fin aux coupures d'Internet durant la pandémie.

Une bannière a été installée sur la place principale Sule à Yangon, affichant une question provocante.

Le défenseur des droits humains Thinzar Shunlei Yi [13] a commenté le message figurant sur cette bannière :

Vous avez coupé Internet car vous ne voulez pas que l'on sache que vous êtes en train de commettre des crimes de guerre et des meurtres de façon arbitraire ?
Une bannière affichant une question à été accrochée par des militants de Yangon sur le pont Sule du centre-ville.
La #CoupuredInternet dans 8 communes du #Myanmar a eu lieu il y a un an aujourd'hui

Khin, un défenseur des droits numériques, a un message pour la Ligue nationale pour la démocratie (LND) qui est au pouvoir :

Cela fait un an aujourd'hui que les habitants de 8 communes de Rakhine et de Chin sont privés d'un accès à Internet, en pleine pandémie. Si le gouvernement de la LND est encore capable d'éprouver un peu de honte, qu'il rétablisse la connexion Internet dans ces communes immédiatement.
#StoppezLaCoupureMM #RétablissezInternet #DroitsNumériquesMM

Voici quelques photos et déclarations supplémentaires qui condamnent la coupure d'Internet en cours :

Plus de 70 partis politiques d'Arakan, organismes de la société civile et agences de presse ont conjointement envoyé une lettre ouverte au président et au conseiller d'État du #Myanmar, évoquant la coupure d'internet dans 7 communes de l'État de #Rakhine et dans la commune de Paletwa de l'État #Chin.

Manifestation pour les 365 jours de coupure d'Internet dans les États de Rakhine et Chin du Myanmar.

Aujourd'hui, le 21 Juin, marque le premier anniversaire de la coupure d'accès à tous les réseaux d'Internet mobile dans les États de Rakhine et Chin du Myanmar. C'est la plus longue coupure d'Internet jamais connue. #အင်တာနက်ဖိနှိပ်မှုဆန့်ကျင်ကြ #StoppezLaCoupureMM #RétablissezInternet #365jourssansinternet

La coupure a été imposée dans huit communes où, selon Amnesty International [30] [fr], des meurtres ont été commis par l'armée du Myanmar, y compris des crimes de guerre, ainsi que des maltraitances par l'armée d'Arakan, un groupe armé ethnique qui opère dans l'ouest et le nord du Myanmar.

L'année dernière, quelques temps après la mise en place des restrictions, cette organisation pour la défense des droits de humains a déclaré :

The shutdown has created an information black hole in an area where the Myanmar military has committed serious violations – including war crimes – raising serious concerns about the safety of civilians. It is essential that the Myanmar authorities ensure the right to information in times of crisis.

La coupure a engendré un « trou noir » de l'information dans une zone où l'armée du Myanmar a commis de graves violations – y compris des crimes de guerre – suscitant ainsi de grosses inquiétudes concernant la sécurité des civils. Les autorités du Myanmar se doivent de garantir le respect du droit à l'information en ces temps de crise.

Selon [31] Linda Lakhdir, conseillère juridique chez Human Rights Watch, le Myanmar devrait immédiatement mettre fin à cette coupure d'Internet imposée par le gouvernement, désormais la plus longue jamais connue :

The internet shutdown, along with restrictions on access by aid agencies, has meant that people in some villages are unaware of the Covid-19 [32] outbreak, humanitarian workers told Human Rights Watch. Local groups report that the shutdown has made it difficult to coordinate the distribution of aid to conflict-affected communities, and to communicate with their field teams to ensure staff safety. A local editor said the shutdown greatly impedes media coverage of the fighting between the Myanmar military and the ethnic Arakan Army, making it hard for villagers to get up-to-date information.

Des travailleurs humanitaires ont déclaré à Human Rights Watch que les habitants de certains villages ne sont pas au courant de la pandémie du Covid-19 [32], du fait de la coupure d'Internet et des restrictions d'accès imposées aux organismes d'aide. D'après les groupes locaux, la coupure a rendu difficile la coordination pour la distribution de l'aide aux communautés touchées par le conflit, mais aussi la communication avec les équipes sur le terrain pour assurer leur sécurité. Un rédacteur en chef local a également fait part de la difficulté pour les habitants des villages d'être à jour sur l'actualité, en raison de la coupure qui entrave considérablement la couverture médiatique sur les conflits entre l'armée du Myanmar et l'armée ethnique d'Arakan.

Le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi a défendu la coupure en insistant sur la nécessité de sa mise en place en raison du combat intense entre les militaires et l'armée d'Arakan. U Zaw Htay, porte-parole du cabinet présidentiel, a récemment déclaré [33] à Deutsche Welle que le gouvernement entend les inquiétudes des défenseurs des droits humains et de la Commission des droits de l'Homme des Nations unies, cependant la sécurité dans la région reste la priorité absolue.

Selon le gouvernement, l'armée bénéficie de toute l'aide qui lui est nécessaire pour combattre les insurgés.

Le ministère des Transports et de la Communication a annoncé [31] le 12 juin 2020 que le gouvernement allait prolonger la coupure des réseaux jusqu'aux 1er août 2020.

« Nous rétablirons les services d'accès à Internet lorsque les menaces envers la population auront cessé et que plus aucune violation de la loi sur les télécommunications ne sera commise », a déclaré Soe Thein, secrétaire permanent du ministère, lors d'un point presse à Yangon.

De plus, un premier rapport d’information [First Information Report, FIR, ndlt] à été déposé concernant Maung Saungkha, un défenseur de la liberté d'expression qui a reçu un prix Tulipe des droits humains [Tulip Award, ndlt] de la part des Pays-Bas. M. Saugkha et cinq autres militants ont été inculpés [34] en vertu de l'article 19 de la loi relative aux rassemblements et processions pacifistes [Peaceful Assembly and Peaceful Procession Law, PAPPL, ndlt] pour avoir organisé une manifestation sans en avoir informé la police. En cas de condamnation, ils risquent jusqu'à trois mois de prison.

Cela est inacceptable et insensé. @maung_saungkha, défenseur de la liberté d'expression pour @athan_info et 5 autres militants (inconnus pour le moment) ont été inculpés en vertu de l'article 19 du PAPPL pour avoir organisé le mouvement contre la #coupuredinternet le 21.
La police de la commune de Kyauktada avait publié une lettre adressée à Saungkha.