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Le Burundi libère des milliers de prisonniers, mais de nombreux détenus politiques restent derrière les barreaux

Catégories: Burundi, Droits humains, Liberté d'expression, Média et journalisme, Médias citoyens, COVID-19
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Des prisonniers de la prison de Mpimba, Bujumbura, plantent des arbres. Burundi, 2012. Photo de l'utilisateur Flickr Trees ForTheFuture [1], partagée sous CC BY 2.0 [2]

Le 26 avril, les autorités burundaises ont libéré 3 000 prisonniers à la suite d'une grâce présidentielle visant à libérer un total de 5 225 personnes – soit 40% de la population carcérale du pays.

Les autorités cherchent à alléger la pression sur les prisons surpeuplées du pays et à améliorer leurs relations diplomatiques. Suite à la  [3]violente crise politique [3] [en] lors de l'élection controversée pour le troisième mandat [4] de l'ex-président Pierre Nkurunziza en 2015, des gouvernements et des donateurs internationaux [5] [en] , notamment en Europe, ont imposé des sanctions [6] et suspendu l'aide directe au gouvernement.

L'actuel président, Évariste Ndayishimiye, a d'abord annoncé une libération massive de prisonniers le 31 décembre, et un décret a été publié le 5 mars. La grâce présidentielle a porté [7] sur les prisonniers condamnés à des peines plus courtes, ou pour lesquels il ne reste plus qu'une partie de celle-ci, et les plus vulnérables comme les personnes âgées. Il ne couvrait pas les crimes portant sur la sécurité, tels que le travail avec des groupes armés – une accusation souvent portée contre les opposants politiques ou les militants.

Début avril, la ministre de la Justice, Jeanine Nibizi, a déclaré [8]  [8]que tous les prisonniers suivraient une «formation patriotique» avant leur libération.

Le président a prononcé un discours [9] pour marquer l'occasion à la prison de Mpimba à Bujumbura, où 1 400 prisonniers ont été graciés.

Dans son discours, le président [14]déclaré [14] qu’«aucun prisonnier n'avait été détenu pour des motifs politiques», en référence aux critiques qui pointent des accusations exagérées contre divers opposants et militants.  M. Ndayishimiye a également dit que les autorités étaient prêtes « comme un père » à reconnaître les bons comportements.

Alors que M. Ndayishimiye déclarait que la grâce n'était pas accordée pour plaire à d'autres gouvernements, le ministre des Affaires étrangères Albert Shingiro était en tournée [15]  dans plusieurs pays européens, dans le cadre des discussions [16] [en] en cours pour améliorer l'image [17] du Burundi au niveau international.

Les observateurs des droits humains ont accueilli [7]  [7]favorablement cette grâce présidentielle. Le militant des droits des prisonniers, Pierre-Claver Mbonimpa — lui-même en exil après une tentative d'assassinat – a déclaré [18] à Radio France Internationale que c'était «mieux que rien», mais a souligné que les prisons étaient toujours surpeuplées et que les détenus politiques restaient derrière les barreaux. 

La Commission nationale indépendante des droits de l'homme a également salué [9] la grâce, appelant à davantage de peines alternatives, telles que le travail communautaire, et à éviter une détention provisoire excessive. La commission rapporte également que certains prisonniers restent en prison après la fin de leur peine.

Le rapport de mars 2021 [19] de l'Association burundaise pour la protection des droits de l'homme et des personnes détenues (APRODH) a enregistré 13 532 détenus dans les prisons du Burundi, soit plus de trois fois leur capacité de 4 194 personnes; plus de 5 000 personnes n'avaient pas encore été jugées. Il a également décrit au moins 70 cas de «détention arbitraire» et des prisonniers détenus dans des sites secrets irréguliers par les services de renseignement.

Les données [20] [en] recueillies par le journal Iwacu ont montré une augmentation constante de la population carcérale déjà surpeuplée du pays de 2014 à 2018, alors que la capacité des prisons est restée la même. Des prisonniers sont également détenus [21] dans les cellules des commissariats de police.

Des responsables gouvernementaux ont également noté qu'une importante population carcérale était coûteuse [22] Réduire ces coûts serait certainement utile pour les autorités, compte tenu des difficultés économiques [23] résultant de la crise politique de 2015 et des sanctions. 

Le journal Iwacu a fait part [9] du soulagement des prisonniers libérés, excités de voir leurs familles.

Prisonniers politiques

La grâce présidentielle accordée aux prisonniers a été largement accueillie avec soulagement comme elle diminue la pression exercée sur les prisons surpeuplées, en particulier pendant la  [24]pandémie [24] [en] comme celle que le Burundi aussi a connue avec plus de cas de Covid-19 [25]. Mais des prisonniers politiques restent derrière les barreaux.

Par exemple, Germain Rukiki [26] d'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) – Burundi, a été condamné [27] en 2018 à 32 ans de prison, bien que cette peine soit lentement revue [28]Des organisations [29] de défense des droits humains, dont Amnesty  [30]International [30], ont demandé sa libération [31].

Germain Rukuki a été arrêté à Bujumbura le 13 juillet 2017 et condamné à 32 ans de prison pour de fausses accusations de «rébellion» et de «menace à la sécurité de l'État» le 26 avril 2018.

Nestor Nibitanga, ancien représentant de l'Association Burundaise pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues (APRODH) a été condamné [40] [en] à cinq ans de prison en 2018.

De même, l'ancien parlementaire indépendant [41] Fabien Banciryanino a été arrêté [42] et accusé [42] quelques jours plus tard de rébellion, d'atteinte à la sécurité de l'État et de diffamation, en octobre 2020. Ses avocats ont déclaré [43] que c'était à cause de ses critiques [44] au Parlement à l’encontre du gouvernement. Il a été mis à en isolement le 28 mars après avoir écrit une lettre critiquant les mauvaises conditions [45] de sa détention. Le 31 mars, il a quitté  [46]l'isolement, apparemment à la suite de pressions ministérielles et publiques.

Le rapport de 2020 [47] de la commission d'enquête de l'ONU a noté de nombreuses arrestations d'opposants autour des élections de mai 2020. «Alors que la plupart de ces opposants ont été libérés après quelques jours ou quelques semaines, certains ont été condamnés à des peines relativement lourdes de plusieurs années de prison après des procès organisés à la hâte avec des procédures accélérées, tandis que d'autres sont restés en détention provisoire», indique le rapport. Le rapport a également enregistré des cas de torture en détention.

Dans son rapport [48] de décembre, la Coalition burundaise des défenseurs des droits de l'homme – dont plusieurs organisations membres ont été interdites – a critiqué les disparitions forcées, la détention arbitraire et les disparitions après arrestation.

Le rapport [49] [en] de décembre de l'Initiative des droits de l'homme du Burundi indique qu'après l'élection de M. Ndayishimye, il y a eu des signes positifs, tels que la libération de nombreuses personnes arrêtées avant le vote. Cependant, «à peine deux mois plus tard», les jeunes du parti au pouvoir intimidaient de nouveau les gens. Il a également observé la manière dont les personnes ayant des liens politiques peuvent être traitées plus facilement à l'intérieur des prisons, comme le policier Désiré Uwamahoro – condamné à trois mois d'emprisonnement en 2017 pour extorsion – qui a des liens avec le Premier ministre Alain Guillaume Bunyoni. 

L'amélioration des conditions de détention et la clémence pourraient être utiles pour que les fonctionnaires présentent une image positive et  [50]pacifique [50]  dans le cadre d'une ouverture  [51]diplomatique [51] plus large , après des années de tensions [52]La campagne de lutte contre la corruption et les gestes d'ouverture tant vantés, tels que la réhabilitation de l'organisation de la société civile Parole et Actions pour le Réveil des Consciences et l’Evolution des Mentalités (PARCEM) l'un de ceux qui avait été radié [53] ces dernières années ont également été accueillis positivement.

En décembre, quatre journalistes du media Iwacu ont été graciés [54] après avoir été emprisonnés [55] [en; pdf] en 2019 pour des accusations de sécurité très critiquées, liées à leurs reportages sur une attaque armée.