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La Biélorussie cloue au sol un vol Ryanair et détient un journaliste indépendant, un acte supplémentaire de répression contre les médias

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Biélorussie, Lituanie, Censure, Cyber-activisme, Dernière Heure, Droits humains, Liberté d'expression, Manifestations, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique, Relations internationales, Voyages, Advox
Raman Pratasevich, ancien administrateur de NEXTA-Live, actuel rédacteur en chef de Belarus Golovnogo Mozga. Capture d'écran de la vidéo d'Euronews postée sur YouTube. [1]

Roman Protassevitch, ancien administrateur de NEXTA-Live, actuel rédacteur en chef de Belarus Golovnogo Mozga. Capture d'écran de la vidéo d'Euronews postée sur YouTube.

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais — ndt]

Un vol civil provenant d'Athènes à destination de Vilnius a été contraint de faire un atterrissage imprévu à Minsk, en Biélorussie, le 23 mai après une prétendue menace à la bombe. À l'atterrissage, les autorités biélorusses ont arrêté Roman Protassevitch, un journaliste indépendant recherché et accusé d'être un extrémiste par le gouvernement du président Loukachenko.

Pratasevich est un ancien administrateur de la chaîne sur la plateforme Telegram, NEXTA-Live [2], qui a couvert les manifestations antigouvernementales en Biélorussie. Il était récemment devenu le rédacteur en chef de Belarus Golovnogo Mozga [3] [RU] (en français : Biélorussie du Cerveau), un autre média indépendant basé sur Telegram.

Notre rédacteur en chef, Roman Protassevitch, a été arrêté à l'aéroport de Minsk

Un avion de la compagnie Ryanair se dirigeant à Vilnius depuis Athènes a atterri à l'aéroport national de Minsk. L'avion avait envoyé un signal de détresse et avait brusquement changé de cap.

Comme communiqué [6] par la campagne Media Solidarity Belarus sur Twitter, le vol FR4978 était proche de la frontière lituanienne lorsqu'on lui a ordonné [7] de faire un détour à Minsk. La Biélorussie a envoyé [8] un avion de chasse Mikoyan-Gourevitch MiG-29 pour intercepter l'avion civil et forcer un atterrissage local. Sur le tarmac, des agents des services frontaliers et des forces de l'ordre biélorusses ont inspecté les bagages et les pièces d'identité des passagers puis ont procédé à l'arrestation de monsieur Protassevitch.

Pendant le vol, le journaliste aurait envoyé des messages à ses amis en leur disant qu'il pourrait avoir été surveillé par l'agence de sécurité nationale Biélorusse. Sa location est actuellement inconnue, mais selon Euroradio, la police aurait confirmé [9] son arrestation.

En novembre 2020, les autorités biélorusses ont annoncé que monsieur Protassevitch, ainsi qu'un autre administrateur de NEXTA-Live, Stsyapan Putsila, faisaient l'objet d'une enquête pour organisation de troubles de masse, perturbation de l'ordre public et incitation à la haine sociale. NEXTA-Live et la chaîne Belarus Golovnogo Mozga ont toutes deux été désignées comme chaîne « extrémistes » par les autorités biélorusses. Le fondateur de cette dernière chaîne, Ihar Losik, est en prison depuis juin 2020 et a récemment terminé [13] une grève de la faim qui avait duré six semaines.

Protassevitch et Putsila avaient précédemment déménagé à l'étranger, craignant des poursuites suite aux arrestations d'autres militants.

En fonction des accusations portées contre lui, Protassevitch pourrait faire face à une longue peine de prison et, potentiellement à des conséquences encore plus graves.

Sviatlana Tsihanouskaya, ancienne candidate de l'opposition à la présidentielle, et le Président lituanien Gitanas Nausėda, ainsi que d'autre [17] dirigeants [18] de pays de l'Union Européenne [19], ont tous condamné l'incident et la détention de Protassevitch.

Bien que l'atterrissage forcé d'un vol civil par la Biélorussie soit sans précédent, la détention de monsieur Protassevitch n'est que le dernier épisode d'une saga de répressions en cours [27] contre les médias indépendants biélorusses. Selon l'Association biélorusse des journalistes, 29 journalistes [28] sont actuellement derrière les barreaux.

Le 21 mai, les forces de l'ordre biélorusses ont perquisitionné [29] le studio de Minsk utilisé par Belsat, une chaîne de télévision polonaise qui a produit des enquêtes critiques envers Alexandre Loukachenko et son entourage. Six employés de Belsat ont été arrêtés. En début d'année, deux journalistes de Belsat, Daria Chultsova et Katsiaryna Andreyeva,  ont été condamnées [27] à deux ans de prison pour avoir rapporté en direct une protestation qui a eu lieu à Minsk.

Plus tôt cette semaine, les autorités biélorusses ont lancé une enquête sur le plus grand média en ligne indépendant du pays, Tut.by [33] dans le cadre d'une enquête sur des soupçons d'évasion fiscale. Un certain nombre de journalistes de Tut.by ont été détenus [34], puis la police a perquisitionné [35] les domiciles de plusieurs rédacteurs. Le site Web Tut.by a également été bloqué.

Le comité de l'Organisation de la liberté de la presse pour la Protection des Journalistes a condamné [40] les pressions faites sur les médias, tandis qu'Amnesty International a critiqué [41] le blocage du site Tut.by, un site visité par plus de 40% [42] des internautes biélorusses, comme étant une « attaque à grande échelle contre le droit à la liberté d'expression et à la liberté des médias en Biélorussie ».

La rédaction de Tut.by a crée un site Web autonome, freejournalists.info [43], pour tenir les lecteurs au courant de l'affaire contre Tut.by.

Cliquez ici pour en savoir plus sur les bouleversements en cours en Biélorussie [44]