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Oman : les jeunes dans la rue pour demander des emplois et une fin à la corruption

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Oman, Economie et entreprises, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Travail
Un groupe de jeunes hommes omanais défilent tenant une pancarte à plusieurs.

Capture d'écran d'une vidéo [1] partagée sur Twitter, montrant l'une des manifestations à Oman. Les manifestants portent des pancartes et réclament des emplois et de meilleures conditions de vie.

[Sauf mention contraire, tous les liens mènent à des pages en anglais, ndt]

Pendant plusieurs jours à la fin du mois de mai, de nombreux groupes de manifestants se sont rassemblés dans plusieurs villes d'Oman réclamant des emplois et de meilleures conditions de vie. Ceci est un rare moment de dissidence dans ce pays du Golfe – et le premier pour son nouveau dirigeant, le Sultan Haitham.

Alors que le prix du pétrole est bas et que la pandémie de COVID-19 frappe les coffres du pays, l'économie d'Oman, dépendante des hydrocarbures, a subi un double coup, se contractant de 6,4 % l'année dernière [2], selon le Fonds monétaire international.

La COVID-19 a entraîné une perte d'emploi ou une baisse des salaires pour des milliers de travailleurs et travailleuses omanais·es, ce qui a incité le ministère du Travail à négocier avec des dizaines d'employé·es pour tenter de réparer les dommages, mais cela n'a pas empêché beaucoup de toujours souffrir. Le taux de chômage [3] à Oman est d'environ 20 pour cent chez les jeunes, qui représentent près de la moitié de la population omanaise d'environ 2,7 millions de personnes.

Ainsi, les manifestants omanais, de Sohar dans le nord à Salalah dans le sud, sont descendus dans les rues à partir du dimanche 23 mai, scandant des demandes comme celles faites lors de rassemblements il y a dix ans, quand Oman a connu sa propre petite version de ce qui a été appelé le printemps arabe.

Des messages publiés sur les réseaux sociaux ont aussi fait état de manifestations dans les villes d'Ibri, Nizwa, Rustaq et Sur.

Au milieu de rares manifestations, un jeune homme dit qu'il ne veut rien détruire – il demande juste du travail

Alors que les rassemblements de dimanche et lundi se sont heurtés à une forte présence des forces de l'ordre, la police tirant [8] des gaz lacrymogènes et arrêtant des manifestants, les marches de mardi ont été pacifiques – des photos sur les réseaux sociaux montrent des policiers distribuant des bouteilles d'eau aux manifestants qui ont bravé la chaleur estivale.

c'est Oman

Les manifestations se sont poursuivies dans le sultanat jusqu'à vendredi. Dans quelques cas, des manifestants ont vandalisé des biens publics et la police a procédé à des arrestations.

Ces manifestations sont les premières pour le sultan Haitham, qui a pris la barre en janvier 2020 après la mort de son cousin le sultan Qabous [12] [fr], qui lui avait pris la direction du pays en 1970 et était au moment de sa mort le dirigeant le plus ancien du Moyen-Orient et du monde arabe. Mais avec le trône, le sultan Haïtham a aussi hérité des défis économiques qui font d'Oman l'une des économies les plus vulnérables du Golfe. Contrairement aux millions d'autres Arabes de la région qui sont descendus dans la rue en 2011, les Omanais appellent non pas à un changement politique et économique mais plutôt à des emplois et à la fin de la corruption.

Alors qu’en 2011, les pays les plus riches du Golfe avaient offert de généreux programmes d'aide à Oman afin d'alléger les conditions de vie et d'apaiser la population, il est difficile de savoir si un tel soutien sera proposé cette fois ci. Les opinions politiques du pays l'ont mis en porte-à-faux avec ses voisins, qui ont aussi à faire face à leurs propres problèmes économiques.

En réponse à la dispersion des manifestations par les forces de l’ordre, le Centre du Golfe pour les droits de l'homme (Gulf Center for Human Rights) et l'Association omanaise des droits de l'homme (Omani Association for Human Rights) ont issu une déclaration conjointe [13], exhortant les autorités « à respecter la liberté d'expression et de réunion », et ajoutant que « les autorités avaient tenté d'empêcher les médias de rendre compte des manifestations ».

Les deux groupes de défense des droits humains ont déclaré :

The Omani government should immediately end the policy of silencing and restricting public freedoms, including freedom of peaceful protest and freedom of the press. The authorities in Oman must respect public freedoms, including freedom of expression and opinion, on and off the Internet. The security forces must fulfill their duties to protect citizens, not to oppress them, while they peacefully demand their civil and human rights

Le gouvernement omanais devrait immédiatement mettre fin à sa politique de silence et de restriction des libertés publiques, y compris de la liberté de manifester pacifiquement et de la liberté de la presse. Les autorités d'Oman doivent respecter les libertés publiques, y compris la liberté d'expression et d'opinion, sur Internet et en dehors. Les forces de sécurité doivent s'acquitter de leur devoir de protéger les citoyens, non de les opprimer, lorsque ceux-ci revendiquent pacifiquement leurs droits civils et humains

Après qu'une foule rassemblée devant la Direction générale du travail à Sohar, le 23 mai, ait été encerclée par les forces de l'ordre qui avaient été déployées à pied et en voiture, un certain nombre de manifestants ont été arrêtés et on ne sait toujours pas où ils se trouvent à l’heure actuelle, ont déclaré les deux groupes, citant des sources fiables.

Regarder : l’arrestation de quelques manifestants qui avaient été licenciés et d'autres qui recherchent un emploi, et des menaces envoyées par SMS pour que ces événements ne soit ni filmés ni documentés.

Le hashtag #الحريه_لعبدالعزيز_البلوشي, ou #Freedom_to_Abdulaziz_AlBalushi a été largement utilisé pour soutenir un manifestant dont le discours est devenu viral.

justice pour Abdulaziz Al Balushi8

Les internautes ont rapporté qu'Abdulaziz avait été libéré quelques jours plus tard.

Selon la déclaration conjointe de ces deux organisations :

Reliable sources in Oman stated that a strongly worded circular was issued by higher authorities to all media outlets, including daily newspapers, not to address the issue of peaceful assembly in Sohar, Dhofar, Salalah and the rest of the Omani regions, otherwise permits will be withdrawn. The authorities were forced to backtrack on this decision later after many international media reported on these events.

Des sources fiables à Oman ont déclaré qu'une circulaire avait été envoyée par les autorités supérieures à tous les médias, y compris les quotidiens, leur demandant dans des termes très fermes de ne pas aborder la question des rassemblements pacifiques à Sohar, Dhofar, Salalah et dans les autres régions du pays, au risque de se voir retirer leurs permis. Plus tard, les autorités ont été obligées de revenir sur cette décision après que de nombreux médias internationaux aient rendu compte de ces manifestations.

Depuis, des posts sur les réseaux sociaux ont confirmé la libération de la plupart de ceux qui avaient été arrêtés.

Le dernier des rassemblements dans la ville de Salalah, située dans la province du Dhofar dans le sud-ouest du pays, a pris fin, après l’arrestation de plusieurs participants tôt vendredi ; la plupart d'entre eux ont, depuis, été relâchés. Selon leurs familles, un certain nombre de manifestants près de la place des cérémonies auraient été interrogés par les autorités cet après-midi.

La réponse de l'État aux demandes de la population ne s'est pas faite attendre. Mardi, le site officiel d'Oman a déclaré :

Sa Majesté le Sultan – que Dieu le protège – a généreusement instruit les autorités compétentes pour que soit rapidement mis en œuvre une initiative d'offres d'emploi et que soit créé plus de trente-deux mille (32 000) postes au cours de l'année.

Le lendemain, l'agence de presse officielle a rapporté [34] [ar] que les ministères de la défense et du travail, selon les instructions du sultan, étaient en mesure de recevoir des demandes d'emploi.

Cependant, certains omanais·es doutent que les emplois créés soient suffisants. Commentant ces offres diffusées par l'armée omanaise, un utilisateur de Twitter a écrit :

Dans les 12 heures suivant l'ouverture de l'inscription :
Diplômé·es uniquement !
Pas plus de 25 ans !
Hommes seulement !
(Plus de 17 milliers de candidats !)
Imaginez quel est le véritable nombre des demandeurs d'emploi !
Imaginez combien seront en fait acceptés !
Voyez-vous l'ampleur de la lutte, M. le ministre du Travail ?

Un autre tweet a déclaré :

À la suite du soulèvement de 2011 également, le gouvernement #Oman a absorbé des milliers de personnes dans les forces armées et la police.

Des articles de presse révèlent que la même chose se produit maintenant.

Fournir des emplois dans l'armée n'est pas une solution au chômage.