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La dernière mesure en date dans le cadre d'une opération nationale de répression de la corruption en Angola a vu l'évincement d'un certain nombre de personnalités politiques de haut rang, dont le chef de la Maison de la sécurité, Pedro Sebastião, et le commandant de l'armée Pedro Lussaty, lequel a également été arrêté à la suite d'accusations de détournement de fonds.
Les responsables ont été licenciés en mai 2021 dans le cadre de l'”Opération Crabe“, une campagne anti-corruption menée par les Services de renseignement et de sécurité de l'État (SINSE) et le Service d'enquête criminelle (SIC) de l'Angola. Le point focal des rapports est le commandant de l'armée Pedro Lussaty, qui jusqu'à présent était inconnu du public. Il était lié à la Maison de la sécurité du président de la République angolaise.
Une grande partie de ces licenciements peut être attribuée à une série de reportages de la Télévision publique d'Angola (TPA) diffusés en 2020, intitulée “O Banquete”, qui dénoncent la corruption présumée parmi les personnalités politiques angolaises.
M. Lussaty avait auparavant travaillé à la Maison de la sécurité du président de la République en tant qu'assistant du secrétaire général. Il a été arrêté par le bureau du procureur général de l'Angola (PGR) après que des informations ont révélé qu'il recelait des appartements, des maisons et plusieurs valises contenant des millions de dollars et de kwanzas (la monnaie angolaise). Selon le recensement de la TPA :
Só em kwanzas, o suposto milionário tinha no apartamento 800 milhões de kwanzas. O País têm 30 milhões de habitantes e, com 800 milhões de kwanzas dava para pagar quase um salário mínimo à todos os angolanos.
Rien qu'en kwanzas, le prétendu millionnaire en avait 800 millions dans son appartement. Le pays comptant 30 millions d'habitants, avec 800 millions de kwanzas, il aurait pu verser près du salaire minimum à chaque Angolais.
Le millionnaire a révélé dans le même article qu'il ne connaissait pas le montant exact de l'argent liquide en sa possession. “J'ai juste pris [de l'argent]”, a-t-il déclaré. Le reportage de la TPA affirme que le commandant Lussaty avait plus d'argent que le joueur de football portugais Cristiano Ronaldo, dont la fortune s'élève à plus de 500 millions de dollars américains.
Les réactions des Angolais
Depuis que l'affaire a éclaté, les Angolais ont pris d'assaut les médias sociaux pour exprimer leur indignation. Le pays connaît une crise majeure des prix des produits alimentaires dans les centres urbains, en raison d'une hausse de l'inflation, notamment dans les provinces du sud du pays. C'est le cas dans les provinces de Cunene et Huíla, ainsi que dans la capitale du pays, Luanda, où l'on trouve des familles en situation d'extrême pauvreté.
Cela a conduit le journaliste Nok Nogueira à inviter les Angolais à laisser cette affaire au tribunal, afin de regarder ce qui se passe réellement en Angola, comme il l'a mentionné sur sa page Facebook :
Deixem o caso Lussaty com a justiça. Desliguem ainda os televisores e perguntem-se como vai o País real, aquele que esta para além da encenação.
Laissez l'affaire Lussaty à la justice. Eteignez également vos téléviseurs et demandez-vous comment se porte le vrai Pays, celui qui est au-delà de la mise en scène.
Pendant ce temps, l'internaute Tânia Campos a écrit sur son profil Facebook que si l'affaire s'était produite au Brésil, tous les Angolais se seraient mis à manifester publiquement, notamment pour exiger le retrait du parti au pouvoir.
Um acontecimento como o caso Lussaty em rede pública, em outro País, por exemplo, no Brasil, estaríamos todos na rua a exigir a queda do MPLA.
Dans un autre pays, mettons au Brésil, la révélation publique d'un événement tel que l'affaire Lussaty aurait fait descendre tout le monde dans la rue pour exiger la chute du MPLA.
Il y a aussi ceux qui ont vu dans le cas du major Lussaty un exemple parmi d'autres de ce qui se passe en Angola :
Essa história desse Major Lussaty está a deixar-me maldisposto, o mais ridículo é que o senhor foi investigado mas está bem pleno porque tem perfeita noção de que não lhe vão prender. Pior, ele não é o único que anda a desviar milhões no país. Angola merece melhor.
— PACIÊNCIA. (@oneligadenouz) June 2, 2021
Cette histoire du commandant Lussaty me rend malade, le plus ridicule c'est qu'il a fait l'objet d'une enquête mais il reste assez paisible car il est parfaitement conscient qu'il ne sera pas arrêté. Pire, il n'est pas le seul à avoir détourné des millions de dollars dans le pays. L'Angola mérite mieux.
La même réflexion est partagée par d'autres utilisateurs qui ont commenté l'affaire :
Em Angola tem muitos corruptos e gatunos exclusivos, agora o atual caso da semana é o caranguejo do Major Lussaty.
Este caso está envolvido muitas patentes grande neste momento só estão a criticar o mesmo cadê os outros….?
— Carlos Estevão (@carlostestevao) June 3, 2021
En Angola il y a beaucoup de corrompus et de voleurs exclusifs, maintenant l'affaire de la semaine est celle du “crabe” commandant Lussaty. [Le crabe est utilisé comme symbole pour désigner les personnes corrompues car ces animaux sont nombreux, cachés et difficiles à attraper. D'autres sources indiquent un rapprochement avec le signe astrologique du cancer, ndt.]
Cette affaire implique de nombreux militaires haut gradés, actuellement on ne remet en cause que lui [le commandant Lussaty] où sont les autres….?
La corruption en Angola
L'indice de perception de la corruption 2020, publié par Transparency International (TI), révèle que l'Angola est perçu comme l'un des pays les plus corrompus au monde. Il est classé 142e, avec 27 points, sur 100.
Il convient de noter que les problèmes de corruption en Angola ne sont pas nouveaux. En effet, sous le précédent gouvernement, dirigé par José Eduardo dos Santos pendant plus de 30 ans, l'Angola était considéré comme un pays où les politiciens proches du pouvoir s'enrichissaient toujours illégalement.
Isabel dos Santos, la fille de l'ancien président, en est un exemple : elle a été accusée de corruption impliquant son père et d'autres responsables politiques au sein du parti Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), qui gouverne le pays depuis l'indépendance.
En outre, une série de rapports appelés “Luanda Leaks“, publiés en 2020 par le Consortium international du journalisme d'investigation (ICIJ), a révélé que plusieurs entreprises publiques angolaises ont été utilisées pour des avantages personnels pendant les près de quatre décennies de gestion de l'ancien président dos Santos.
Suite aux rapports et à l'arrestation du commandant Lussaty par l'Opération Crabe, l'actuel président de la République, João Lourenço, a exonéré le chef de la Maison de la Sécurité, Pedro Sebastião, pour son implication présumée dans le scandale.
Certains observateurs ne sont pas certains que le président João Lourenço sera différent de son prédécesseur, étant donné que plusieurs cas de corruption ont eu lieu dans le pays lorsqu'il occupait le poste de vice-président.
Les Angolais eux-mêmes ne croient pas à la fin de la corruption, comme le rapportait en 2020 la Deutsche Welle (DW).
“La lutte contre la corruption et l'impunité n'a toujours pas d'impact sur la vie des habitants des zones les plus pauvres, qui demandent des solutions concrètes aux problèmes chroniques” : telle est l'analyse de la DW, après des entretiens avec des habitants de Luanda.