Journée mondiale des abeilles dans les Caraïbes : «Soutenons nos apiculteurs locaux»

Des dizaines d'abeilles à l'entrée d'une ruche

Quelques abeilles dans l'une des 60 colonies présentes dans la propriété de Carmel Valley située au nord-ouest de l'île de la Trinité. Photo de Monique Johnson, utilisée avec son aimable autorisation.

L’article d'origine a été publié en anglais le 20 mai 2021.

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Le 20 mai dernier a été marqué par la célébration de la quatrième Journée mondiale des abeilles [fr] organisée en ligne [pdf] par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. Elle s'articulait cette année autour du thème « Volons au secours des abeilles – reconstruire en mieux pour les abeilles. » [fr]

Les abeilles jouent un rôle important dans le processus de pollinisation qui est indispensable pour la survie des écosystèmes, pour la sécurité alimentaire et pour le développement durable. Ces insectes sont aujourd'hui menacés à des niveaux de 100 à 1 000 fois supérieurs à la normale. La destruction des habitats et plus généralement les pressions exercées par les activités humaines, dont le réchauffement climatique, expliquent ce déclin. Les pratiques agricoles non durables telles que la monoculture et l'usage de pesticides, portent également atteinte aux populations d'abeilles à l'échelle mondiale.

Cette année, la Journée mondiale des Abeilles a permis de sensibiliser le grand public sur les problèmes d'insécurité alimentaire qui ont été aggravés par la pandémie de Covid-19 [fr]. Elle a également été l'occasion de présenter des solutions permettant la régénération de l'environnement et la protection de ces pollinisateurs dont les fonctions sont vitales pour le milieu.

Vous pouvez visionner un clip de sensibilisation diffusé par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture :

Partout dans les Caraïbes, les utilisateurs de Whatsapp et de divers réseaux sociaux ont contribué à sensibiliser le grand public en relayant les vidéos de cette manifestation sur les plateformes d'échanges. Certaines d'entre elles visaient à éduquer les enfants sur l'importance des abeilles. À Sainte-Lucie, une table ronde a été organisée lors de la Journée mondiale des abeilles pour échanger sur les progrès réalisés par l'industrie apicole à l'échelle nationale.

En Jamaïque, le Programme des nations unies pour le développement (PNUD) concentre son action dans la zone du pays Cockpit qui est riche en matière de biodiversité et sensible d'un point de vue écologique. L'activité des apiculteurs de ce territoire prouve que le respect de l'environnement naturel et le développement peuvent aller de pair. Cela constitue après tout la seule approche durable.

Au-delà de son intérêt environnemental, le pays Cockpit occupe également une place très importante dans l'histoire de la Jamaïque. Ses reliefs calcaires accidentés ont servi de cache aux Marrons [fr] qui fuyaient l'esclavage lors de l'occupation britannique. La région reste néanmoins menacée par des pratiques contraires aux principes du développement durable. Ce sont surtout le fait de petits fermiers, qui, d'après le PNUD, coupent des arbres pour produire des tuteurs ou du charbon de bois. Le rapport du programme onusien ajoute également que :

Sustainable livelihood alternatives like beekeeping deploy nature’s biodiversity warriors and pollinators to support income generating opportunities that are kind to the environment.

Des moyens de subsistances alternatifs, comme l'apiculture, emploient les pollinisatrices et les combattantes de la biodiversité déjà présentes dans la nature pour développer des activités rémunératrices qui respectent l'environnement.

Une abeille solitaire posée sur une fleur dans un pré

Dans la propriété Carmel Valley, une abeille solitaire puise du nectar dans une fleur nommée localement la « plante du lapin ». Photo de Monique Johnson, utilisée avec son aimable autorisation.

Leif Johnson, un apiculteur, et sa soeur Monique partagent ce point de vue. Ils pratiquent leur activité sur la propriété familiale Carmel Valley. Ils estiment qu'un soutien leur est indispensable pour que les populations d'abeilles puissent survivre et prospérer.

Au cours d'un entretien téléphonique, Leif Johnson affirme que la « déforestation gratuite » est l'une des principales menaces. Il précise toutefois que la Division des forêts du ministère de l'Agriculture, des Terres et des Pêches réalise un travail formidable mais qu'elle manque « considérablement de personnel ». Les pollinisateurs, dont les abeilles, sont victimes d'une raréfaction de leur habitat naturel à cause des défrichages qui sont réalisés à des fins agricoles ou pour la construction de logements. Pour illustrer ses propos, Leif Johnson cite l'exemple des terrains appartenant à la communauté agricole de Paramin, situés dans un secteur vallonné. Les exploitants y défrichent des milliers de mètres carrés sans replanter les arbres au même rythme dans la zone forestière affectée.

Leif Johnson ajoute que l'intoxication par les pesticides est un défi majeur dans les communautés agricoles de la côte est du pays. De nombreux exploitants consommateurs d'insecticides [fr] détruisent tout, y compris des insectes pollinisateurs originaires de la région. Trinité-et-Tobago compte quelque 50 espèces d’abeilles sans dard qui entrent dans cette catégorie.

Les colonies locales doivent par ailleurs faire face à d'autres défis. La division Insect Vector Control rattachée au ministère de la Santé réalise par exemple de temps à autre des pulvérisations pour réduire le nombre de moustiques dans des zones ciblées. Des apiculteurs de tout le pays ont demandé aux autorités publiques de mieux les informer sur le calendrier de pulvérisation. Avec ces éléments, ils pourraient déplacer leurs abeilles à temps et les mettre en sécurité. Le site internet du ministère affirme pourtant que leur approche utilise des mesures de lutte antivectorielle durables, appropriées et efficaces qui tiennent également compte de la sécurité et des enjeux économiques. Leif Johnson affirme quant à lui que les produits chimiques utilisés par les pouvoirs publics peuvent tuer les abeilles par contact.

À Trinité-et-Tobago, le nombre de colonies dépasse les 7 000 ruches et plus de 300 apiculteurs sont officiellement recensés. Pour ces professionnels, le travail de protection des abeilles s'est complexifié en raison de la pandémie de Covid-19 et des restrictions sanitaires. Le pays est actuellement sous état d'urgence et un couvre-feu est en vigueur de 21h à 5h du matin. Comme les abeilles ne reviennent dans les ruches qu'en soirée, la situation est devenue compliquée pour les apiculteurs. Ils ont en effet des difficultés à obtenir des dérogations au couvre-feu lorsqu'ils ont besoin de déplacer leurs abeilles avant une pulvérisation programmée. Par ailleurs, la majorité des ruches ne sont pas visibles. Les élevages d'abeilles sont souvent situés dans des zones forestières. Ils se trouvent donc souvent à proximité d'exploitations agricoles où les produits chimiques sont utilisés.

Trois apiculteurs qui vérifient l'intérieur d'une ruche

Des apiculteurs de la propriété Carmel Valley située dans l'île de Trinité. Photo de Monique Johnson, utilisée avec son aimable autorisation.

Il y a toutefois un espoir. Clarence Rambharat, l'actuel ministre de l'Agriculture, a montré un vif intérêt pour le milieu apicole. Il comprend également l'importance de préserver les populations d'abeilles. Trinité-et-Tobago compte quatre associations d’apiculteurs réparties sur le territoire national. Elles demandent la mise en place d'une législation contre l'utilisation des pesticides. Leif Johnson précise que « de nombreux produits chimiques utilisés et commercialisés dans le pays sont considérés sans risque, comme les néonicotinoïdes [fr] alors qu'ils sont toxiques pour les abeilles et leur usage est interdit dans les pays de l'Union Européenne. » En l'absence d'une telle réglementation, il appartient aux consommateurs de s'informer par eux-mêmes et d'effectuer leurs choix en connaissance de cause.

La propriété de Carmel Valley compte une soixantaine de colonies d'abeilles. L'apiculture est l'activité phare de cette exploitation. Toutes les cultures de la famille Johnson, comme celle du cacao, sont réalisées sans produit chimique. Ils sont néanmoins impactés par les effets du changement climatique. Trinité-et-Tobago se remet actuellement d'une saison sèche qui a été inhabituellement pluvieuse. Leif Johnson estime que la météo a compromis sa production car « le nectar des fleurs a été emporté par les pluies et les abeilles ne peuvent pas voler lorsqu'elles ont les ailes mouillées » avant d'ajouter que « nous n'atteignons même pas 25 % de notre production habituelle. La saison se termine en juin. Le prix du miel augmente et devient hors de prix pour le consommateur moyen puisque la majorité producteurs apicoles fait face à des pertes de même ampleur. »

L'organisation non gouvernementale Tobago Apicultural Society a souhaité contribuer à accroître la population d'abeilles. Elle a ainsi proposé de vendre 150 reines d'abeilles européennes à des apiculteurs intéressés pour la somme de 100 dollars de Trinité-et-Tobago chacune, soit environ 15 dollars américains. Cet organisme constitue le principal groupe de mise en réseau des apiculteurs de l'île de Tobago. Néanmoins, en échange d'une petite cotisation annuelle, toute personne souhaitant en apprendre davantage sur les abeilles peut en devenir membre.

Leif Johnson précise toutefois qu'un propriétaire moyen peut commencer à prendre de petites habitudes qui auront un impact important sur les abeilles. « Il faut trouver des alternatives aux insecticides ou choisir des produits plus respectueux, comme le bioneem », ajoute-t-il. La mise en place de la permaculture peut être un bon début. Le développement de la biodiversité va être favorisé par la plantation de tout un panel de plantes à fleurs, de buissons mais également d'arbres fruitiers et de légumes. Leif Johnson estime que « les oranges, les mangues, les avocats, les pastèques, les concombres, les tomates et les citrouilles sont tous formidables pour les abeilles mellifères. La pollinisation grâce à ces insectes permet d'obtenir des rendements de bien meilleure qualité. »

« Et, si vous souhaitez vraiment aider les abeilles », précise Monique, « soutenez votre apiculteur local ! (Ce sont) de véritables gardiens qui prennent le temps et qui possèdent les compétences pour élever ces insectes. Apprenez à les connaître, allez les rencontrer, découvrez leurs problèmes et comment il est possible de les soutenir. »

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