Une journaliste en télétravail à la Barbade partage son expérience du harcèlement de rue

Entourée d'immenses palmiers et de la flore luxuriante de la côte sud Barbadienne, la maison des Nations Unies est illuminée de orange pour attirer l'attention sur les violence sexistes dans le cadre de le commémoration annuelle des 16 Jours d'Activisme et de le Journée Internationale de l’Élimination des violences faites aux femmes.  Photo by UN Women/Younes Hosney on Flickr, CC BY-NC-ND 2.0.

Durant la pandémie du COVID-19, travailler à distance depuis une île paradisiaque Caribéenne semblait être une offre qui ne se refuse pas. Cependant, 4 mois et demi seulement après avoir son installation à la Barbade grâce au visa Welcome Stamp, la journalise hongkongaise Andrea Lo en a eu assez, ne supportant plus le harcèlement de rue incessant elle a décidé de repartir.

Madame Lo a écrit un article relatant son expérience, ce qui lui a valut l'attention de nombreux nombreux médias locaux car c'est une problématique auxquelles font face de nombreuses nations caribéennes. Elle explique comment depuis son arrivée en décembre 2020, plusieurs incidents ont déclenché un sentiment d'insécurité et contribué à ce qu'elle écourte son séjour à la Barbade en dépit des nombreux avantages de l'île :

I was struck by the beauty of Barbados, from the azure shades of the Caribbean Sea to the rugged landscapes of the east coast facing the Atlantic. […]

I also loved learning about Barbados culture. I had the privilege of enjoying a private cooking demo of fried flying fish with cou-cou (corn flour and okra) and sauce–the national dish of Barbados. It was also fascinating to hear conversations in Bayan Creole and learn Caribbean slang.

J'ai eu le souffle coupé par la beauté de la Barbade, des bleus azur de la mer caribéenne aux paysages sauvages de la côte-est bordant l'Atlantique. […]

J'ai aimé découvrir la culture Barbadienne. J'ai eu le privilège de participer à un cours de cuisine privé, au menu : poisson volant frit en sauce avec du cou-cou (farine de maïs et gombo) plat emblématique de la Barbade. Entendre les conversations en créole bajan et apprendre des mots d'argot caribéens fut fascinant.

Malheureusement, la culture du harcèlement du rue fit son apparition assez rapidement. Madame Lo la décrit comme beaucoup plus difficile à gérer que le confinement lié au Covid-19 ou l'impressionnante irruption volcanique du volcan St Vincent et des Grenadines « La Soufrière » d'avril 2021 qui a recouvert le Barbade d'une pluie de cendre.

Although street harassment is not unique to the island, I had never felt as fearful and vulnerable as I did in Barbados
Catcalling happened almost every time I left the house. […]
This ranged from one man saying he wanted to ‘put his aloe vera on me’ while I was taking pictures of the beach to another yelling, ‘Leave this prey alone!’ when I adjusted my shorts while walking.

I knew catcalling was happening in Barbados and the local women assured me that it was largely harmless. And at first I tried to laugh about it.

But as I continued to explore my new home on my own, I saw more incidents that filled me with fear.

I was warned that solo women on the beach could attract unwanted attention. Once a man was sitting next to me trying to have a conversation. I gave him one word answers before finally ignoring him. He sat and stared at me in silence. When I pretended to pack and leave, he left.

Bien que le harcèlement de rue ne soit pas spécifique aux îles, je ne m'étais jamais sentie aussi vulnérable et apeurée qu'à la Barbade. Les insultes pleuvaient presque à chaque fois que je sortais de la maison. […]
Cela allait d'un homme me disant qu'il voulait «m'étaler son aloé vera sur le corps » alors que je prenais des photos sur le plage à un autre hurlant «  Laisse cette proie tranquille ! Alors que je réajustais mon short en marchant.

Je savais que ce genre de comportements sexistes existaient à la Barbade, mais les barbadiennes m'avaient assuré que c'était la plupart du temps sans importance. Au début, j'ai essayé d'en rire.

Mais alors que j'explorais peu à peu mon nouveau chez moi, de plus en plus d'incidents auxquels j'ai assisté m'ont terrifié.

On m'avait dit qu'une femme seule sur la plage était une proie facile. Un jour un homme assis près de moi a engagé ma conversation. Je lui ai répondu de manière laconique jusqu'à l'ignorer totalement. Il s'est assis et m'a fixé sans un mot. Lorsque j'ai fait mine de ranger mes affaires il est parti.

Ce genre de situations, a provoqué un sentiment de paranoïa et de repli sur soi, de fil en aiguille elle a sombré dans « un tourbillon de panique et de désespoir ». Lo explique qu'elle ne se déplaçait jamais sans une alarme anti-viol et son couteau suisse, elle a même tenté la fausse alliance pour tenir les hommes à distance, en vain. Madame Lo était surprise car aucune de ses précédentes recherches n'avaient mentionné ce harcèlement de rue.

Some friends in Barbados speculated that the excessive attention was due to my being an Asian with pink hair.

Local women said to me, ‘But that’s how Caribbean men are.’ One said if I wanted to live in the Caribbean I would have to accept that.

Certains amis de la Barbade ont émis l'hypothèse que mes origines asiatiques et mes cheveux roses avaient probablement intensifié le phénomène.

Les barbadiennes m'ont dit, « les hommes caribéens sont comme ça ». Une autre  a dit que si j'envisageais de m'installer aux Caraïbes  je devrais m'y habituer.

Cependant cela fait des années que les femmes caribéennes se révoltent et dénoncent les agressions verbales, les propos dégradants et autres formes de violences sexistes qu'elle subissent. En 2016, deux barbadiennes créent le hashtag #LaVieenLeggings, pour donner aux femmes la parole – et un espace pour partager leurs témoignages de harcèlement sexuel – a rencontré un succès dans la région car elles ont pu réaliser à quel point le harcèlement sexuel était ancré dans la culture caribéenne.

D'autres actions régionales pour lutter contre les violences sexistes ont été organisées, Le Tambourin de l'Armée Jamaïcaine et le hashtag #LaisseMoiTranquille, inspiré de la Calypso Rose de Trinidad et Tobago. L'activiste Attilah Springer a utilisé ce chant pour lancer le dialogue à propos des violences sexistes durant les festivités du Carnaval annuel. Ces deux actions ont débuté en 2017.

Pour Madame Lo, l'incident de trop a lieu au supermarché de son quartier où elle se rendit un après midi :

The streets were empty. A man drove by and stopped next to me. He said he was selling beach chairs and then he told me to get in the car.

‘I’m fine, thank you,’ I replied.

He became aggressive: ‘I’m trying to get in touch with you, but you don’t care about me.’

I replied, ‘I’m fine on my own.’

‘Don’t you want a husband?’ He asked. I said no and he drove off. But I froze in fear, too panicked to write down his license plate.

Les rues étaient désertes. Un automobiliste s'est arrêté près de moi. Il m'a expliqué qu'il vendait des chaises de plages et m'a dit d'entrer dans sa voiture.

Je lui ai répondu : «  Je vais bien merci ».

Il est devenu agressif : « J'essaye d'entamer la conversation avec toi mais tu n'es pas intéressée. »

J'ai rétorqué  : « Je suis bien seule ».

Il m'a demandé : «  Tu ne veux pas de mari ? », je lui ai répondu non, il a continué sa route. Tétanisée par la peur je n'ai pas pensé à relever sa plaque d'immatriculation.

Le responsable de la résidence de Madame Lo a prévenu la police de l'agression mais elle n'a jamais eu de nouvelles et pense que le coupable n'a jamais été arrêté. Ce n'est qu'après les faits que MadameLo a entendu parler de Ronelle King, la cofondatrice de #LaVieenLeggings. Alors qu'elle se rendait à Bridgetown, la capitale en 2016 un homme lui a proposé de l'accompagner en voiture, elle a refusé. Il a ensuite tenté de l'enlever de force, Ronelle King explique :

Harassment of women and girls in Barbados is a widespread and ubiquitous issue […] one of those crimes that has been normalized as ‘part of culture’, trivialized to be considered a masculine way of showing their interest in a woman they are attracted to.

Le harcèlement des femmes et des filles à la Barbade est un problème répandu et persistant […]. Il est considéré comme « partie intégrante de la culture » et banalisé car il serait tout simplement une façon virile pour les hommes de montrer leur intérêt aux femmes qui leur plaisent.

C'est une cause que défend également la Première Ministre Mia Mottley. Sur le site internet Welcome Stamp, elle met en avant « la sécurité », dans ce « lieu idéal tant pour les célibataires que pour les familles ».

Madame Lo explique l'immense soulagement qu'elle a ressenti, lorsqu'elle a décidé de rentrer à Hong-Kong. Elle se demande toujours ce qu'elle aurait pu faire différemment :

Maybe I was stupid to move to a place I’d never been to. As a woman, I would not have gone there alone if I had known the reality. Sometimes I wonder if I should have done that at all. So much of what happened was completely unexpected.

C'était peut-être stupide d'emménager dans un endroit que je n'avais jamais visité. Si j'avais été mieux informée de la réalité de la situation, je n'y serais jamais allée seule. Je me demande parfois si j'y serais allée tout court. Tant de choses inattendues sont arrivées.

Cette tendance qu'ont les femmes à se remettre en question continuellement, est exactement ce que les féministes caribéennes veulent voir changer. C'est pour cette raison qu'elle se battent pour une meilleure éducation des garçons et des hommes, qu'ils soient anonymes ou célèbres, pour qu'ils puissent répondre de leurs actes.

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