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« Je me suis faite voler trois fois » : au Salvador, la peur du crime entrave l'inscription à l'université

Catégories: Amérique latine, Salvador, Education, Jeunesse, Manifestations, Médias citoyens
3 jeunes en uniforme, une fille et deux garçons, marchent dans l'enceinte de leur lycée.

Lycée Santa Teresa de Jesús au Salvador. Photo de Melissa Vida (2019), utilisée avec permission.

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en espagnol — ndlt]

Layla Chávez, une étudiante en comptabilité de 23 ans originaire d'une petite ville de l'est du Salvador, avait peur quand elle a déménagé dans la capitale pour aller à l'université. Ce n'était pas seulement un défi financier, elle faisait également en sorte d'éviter la criminalité dans la capitale de San Salvador, où se trouvaient la plupart des universités.

En mis cuatro años en la Universidad de El Salvador, me robaron tres veces. Una vez caminando a casa desde la Universidad, una vez en el autobús público y la última en un cajero automático.

Au cours de mes quatre années à l'Université du Salvador, je me suis faite voler trois fois. Une fois en rentrant chez moi depuis l'université, une autre fois dans le bus, et la dernière fois à un distributeur automatique.

En 2015, San Salvador était connue comme « la capitale mondiale du meurtre [1] » [en]. Bien que le pays ne soit pas considéré aussi violent [2] [fr] que les années précédentes, ce n'est pas totalement sécurisé pour les adolescents de déménager seuls dans une nouvelle ville. En 2021, le nombre de cas de disparitions [3] a augmenté, dont beaucoup sont des jeunes. De plus, le nombre de crimes [4] signalés contre des femmes a augmenté en 2021.

Les histoires de crimes contre des étudiants autour des universités sont la raison pour laquelle beaucoup de parents choisissent de ne pas envoyer leurs enfants dans des universités loin de leur ville natale. Des parents ont confié à Global Voices que si les universités étaient géographiquement plus accessibles, plus de personnes auraient la possibilité de faire des études supérieures près de chez eux. Au Salvador, même si vous ne faites pas parti de gangs, vous pouvez avoir de graves problèmes simplement en entrant sur un territoire contrôlé par des gangs.

Une femme est en train d'ouvrir le portail du lycée.

Entrée du lycée Santa Teresa de Jesús au Salvador. Photo de Melissa Vida (2019), utilisée avec permission.

Selon un rapport de janvier 2021 [5] de l'Université Francisco Gavidia au Salvador, « 88 jeunes sur 100 sont exclus de l'enseignement supérieur salvadorien ». La peur du crime n'est pas la seule raison pour laquelle seulement 12% des étudiants arrivent à obtenir un diplôme universitaire. C'est également dû à l'accessibilité des universités et le coût associé à la fréquentation.

En 2021, l'enseignement supérieur est devenu encore plus centralisé dans la capitale. En raison des restrictions liées au Covid 19, l'Université du Salvador (UES), la principale université publique du pays, a annoncé la fermeture [6] permanente de 12 campus plus petits situés dans des villes plus petites et impactant des milliers d'étudiants, déclenchant des manifestations et des blocages de routes en juillet.

#ElSalvador (#AuSalvador) | Selon les étudiants concernés, ils n'ont donné aucune autre alternative que de s'adapter aux 4 sites de l'UES à l'échelle nationale, qui se situent à San Salvador, Santa Ana, San Vicente et San Miguel. Photo EDH/Menly Cortez.

Carmen Ramos, une récente diplômée d'un lycée de zone rurale, a expliqué pourquoi des campus plus petits près de chez elle l'aideraient. 

Yo quiero ir a la universidad y convertirme en doctora; pero mi familia no puede pagar todos los costos. Incluso si puedo conseguir el dinero, tengo miedo de mudarme sola.

Je veux aller à l'université et devenir médecin; mais ma famille n'a pas les moyens. Et même si j'arrivais à me procurer l'argent, j'ai peur de déménager là bas (dans une grande ville) seule.

Des jeunes se trouvent dans l'enceinte d'une université

Université José Simeon Cañas (2019). Photo de Melissa Vida, utilisée avec permission.

La plupart des universités privées du Salvador demandent un paiement minimum des frais de scolarité pour ces étudiants qui ont des besoins financiers qui vont de 75 $ à 106 $ par mois. Il n'y a pas de frais à l’Université du Salvador [10]. Il est cependat demandé aux étudiants d'avoir un certain niveau et de répondre à d'autres exigences, donc tous les étudiants ne sont pas admissibles. Il existe beaucoup de bourses privées et gouvernementales pour de futurs étudiants, mais le coût peut vite monter; les bourses ne comprennent pas le logement, la nourriture ou le transport. Pour vous donner une idée, le salaire minimum au Salvador [11] [en] est de 365$.

Chávez, une des étudiantes universitaires, nous a dévoilé que ses dépenses mensuelles, sans compter les frais de scolarité, sont d'environ 350$.

Mis gastos mensuales son alrededor de $90 a $125 para comida, $175 a $200 para alquiler y servicios, y $25 a $50 para transporte. Me cuesta entre $300 y $350 al mes asistir a la universidad.

Mes dépenses mensuelles sont d'environ 90$ à 125$ pour la nourriture,  175$ à 200$ pour le loyer et les factures, et 25$ à 50$ pour le transport. Cela me coûte environ 300$ à 350$ par mois pour aller à l'université.

300$ à 350$ par mois de frais universitaires peut ne pas sembler beaucoup pour des parents de nombreux pays; cependant, au Salvador, c'est beaucoup d'argent.

Les choses ne s'arrangent pas pour l'enseignement supérieur au Salvador. La pandémie de Covid-19 a rajouté des défis. Selon Roger Arias, le recteur de l'UES, en 2020, au moins 7 000 étudiants de l'université ont arrêté d'étudier [12] faute de ressources financières suffisantes durant la pandémie.