Raviver les langues crie et ojibwée dans le Manitoba avec TikTok

Capture d'écran du compte TikiTok @micec.mb.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des sites en anglais, ndt.]

Enfant ayant grandi au sein de la Nation cri de Fox Lake, dans le nord de la province canadienne du Manitoba, Sharissa Neault pouvait entendre ses grands-parents parler ininímowin. Cette langue crie n'a toutefois pas été transmise à sa mère, ni, par conséquent, à Sharissa. « Plus je grandissais, moins j'entendais parler ininímowin, jusqu'à la croire disparue », a-t-elle raconté dans un entretien par email avec Rising Voices.

Retour au présent. Sharissa habite désormais à Winnipeg et travaille au Centre éducatif culturel autochtone de Manitoba (MICEC), un organisme éducatif à but non lucratif offrant programmes et services afin d'aider à faire connaître les cultures autochtones de cette province. Le Manitoba est situé sur les territoires traditionnels des Premières Nations cri, dakota, déné, ojibwé et oji-cri ainsi que de la Nation métisse.

Après avoir commencé à travailler au MICEC, Sharissa a découvert différentes façons, dont les médias sociaux, de promouvoir ces langues. Elle s'est associée à Noah Malazdrewicz, qui participe activement à la diffusion de la langue ojibwée, et ensemble ils ont commencé à diffuser des vidéos TikTok sur le compte du Centre (@micec.mb). Mêlant humour, expressions courantes et situations de la vie quotidienne, ces vidéos contribuent à faciliter l'accès à la langue, notamment en cette période de pandémie qui pousse de nombreuses personnes à rester chez elles. Le résultat en est valorisant, comme l'a expliqué Sharissa sur le site d'actualités de l'Université de Winnipeg où elle étudie actuellement :

“Young people are seeing it and saying “Thank you, I heard my granny say this as a kid,’ ‘I haven’t heard my language in years, thank you,’ or ‘I didn’t know I could still learn my language,’” Neault said. “The comments make it worth it.”

« Les jeunes voient ça et nous disent : « Merci, j'ai entendu cette expression dans la bouche de ma grand-maman quand j'étais petit·e », « Je n'avais pas entendu ma langue depuis des années, merci », ou « Je ne savais pas que je pouvais encore apprendre ma langue ». Ces commentaires confirment que ça en valait la peine. »

Photo fournie par Sharissa Neault et reproduite avec sa permission.

Sharissa se dévoile un peu plus dans ce court entretien avec Rising Voices où elle évoque aussi sa langue et son activisme numérique :

Rising Voices (RV) : Comment se porte votre langue, à la fois hors ligne et sur Internet ?

Sharissa Neault (SN): There are 5 dialects of the Cree language, which also vary by community. My family speaks the n dialect (Swampy Cree), and my community’s dialect of Cree will die in the next 10-20 years with our last remaining fluent speakers. In other communities across Manitoba I would estimate that there are less that 500 fluent speakers under 50. When our older fluent speakers pass we will rely on these few young people, and their children to carry the language both online and offline. The n dialect is lacking in language learning resources, however, there are people who are working hard to create them alongside our remaining fluent speakers. The y dialect (Plains Cree) is in much better shape, with a higher number of speakers under 50, and many more online and offline resources.

Sharissa Neault (SN) : La langue cri comporte cinq dialectes qui varient également selon la communauté. Ma famille parle le dialecte n (le cri des marécages), mais le dialecte cri de ma communauté s'éteindra d'ici dix ou vingt ans avec les dernières personnes à le parler couramment. J'estime inférieur à cinq cents le nombre de locuteurs de moins de 50 ans à s'exprimer avec fluidité dans les autres communautés du Manitoba. Quand nos locuteurs aînés s'en iront, nous compterons sur les quelques jeunes et leurs enfants pour transmettre la langue à la fois en ligne et hors ligne. On manque de ressources pour enseigner le dialecte n, mais des personnes travaillent dur pour en élaborer aux côtés des derniers locuteurs restants. Le dialecte y (le cri des plaines) se porte bien mieux, avec un plus grand nombre de locuteurs de moins de 50 ans et bien plus de ressources en ligne et hors ligne.

RV : Quels obstacles majeurs avez-vous rencontrés lors de vos activités pour promouvoir votre langue et votre culture sur internet  ? Et de quelles manières essayez-vous de les surmonter ?

SN: My biggest challenge has been finding the time to create content with other work commitments. I do my best to create content when I can, and in the past have created a collection of videos to post when I cannot record regularly.

SN : Le plus dur a été de trouver le temps pour créer du contenu à cause de mes autres engagements professionnels. Je fais de mon mieux avec le temps dont je dispose ; j'ai auparavant enregistré une série de vidéos à diffuser lorsque le temps me manquera pour en créer d'autres.

RV : Quelles sont vos motivations premières pour militer en ligne ?

SN : My main motivations are the Indigenous youth who are just like me when I was 15. The Indigenous youth who think their culture and language are lost. I hope that when they see us, and hear us, they can see and hear themselves; I hope I can help at least one person who is like me, to pick up their language again.

Je suis motivée par la jeunesse autochtone, j'étais exactement comme ça à 15 ans. Ils croient disparues leur culture et leur langue. J'espère qu'en nous voyant et en nous écoutant, c'est eux-mêmes qu'ils perçoivent ; j'espère pouvoir aider au moins une personne comme moi à se replonger dans son langage.

RV : Quels espoirs et quels rêves avez-vous pour votre langue ?

SN: I hope that Ininímowin stays with us long enough for my grandchildren, or my great grandchildren, or my great-great grandchildren and so on, to learn the language as their first language, and understand the complex culture that is embedded in every word. That is all I hope for.

J'espère que l'ininímowin nous accompagnera assez longtemps pour que mes petits-enfants, mes arrières ou arrière-arrière-petits-enfants, etc., l'apprennent comme langue maternelle et comprennent la complexité de la culture enracinée en chaque mot. C'est tout ce que je souhaite.

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