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En Inde, les entreprises de médias sociaux responsables du contenu généré par les utilisateurs ?

Catégories: Asie du Sud, Inde, Censure, Cyber-activisme, Droits humains, Economie et entreprises, Gouvernance, Liberté d'expression, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique, Technologie, Advox
Twitter headquarters in San Francisco, US. Image via Wikimedia Commons by User:FASTILY. CC-BY-SA-4.0. [1]

Siège social de Twitter à San Francisco, États-Unis. Image via Wikimedia Commons de FASTILY [2] (CC BY-SA-4.0 [3]).

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais, ndt.]

Depuis le 16 juin dernier, Twitter n'est plus protégé par les règles indiennes de safe harbor (« sphère de sécurité ») sur la responsabilité des intermédiaires, qui offrent normalement une protection légale contre les contenus générés par les utilisateurs. Ravi Shankar Prasad, triple ministre indien du Droit et de la Justice, de l'Électronique et des Technologies de l’Information, ainsi que des Communications, a détaillé dans une série de tweets [4] comment l’entreprise avait échoué à respecter les règles sur les technologies de l’information de 2021 [5] issues du ITA-2000 [6] (loi sur les technologies de l'information promulguée en 2000). En réponse, les médias indiens the Quint et the Wire ont présenté à la fin du mois de juin des requêtes [7] auprès de la Haute Cour de Delhi contestant la validité constitutionnelle de ces règles.

Mise à jour de l’audience : Les pétitions présentées par the Quint et the Wire contestant la validité des règles sur les technologies de l’information (Directives concernant les intermédiares et code d'éthique pour les médias numériques) de 2021 ont été présentées à la Haute cour de Delhi. Nous suivrons les procédures et vous tiendrons informés.

Si Prasad a bruyamment dénoncé le non-respect présumé par Twitter du ITA-2000 [12] indien, nombre de militants pour la liberté d'expression et de nombreux représentants de la société civile estiment que ce sont les lois elles-mêmes qui posent problème. Le 11 juin, les rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur la liberté d’expression, la vie privée et le droit de réunion pacifique ont publié un rapport [13] soulignant le fait que ces lois « ne semblent conformes ni au droit international ni aux normes s'appliquant au droit à la vie privée et à la liberté d’expression et d’opinion. »

Ce non-respect des règles a été annoncé [15]par le ministre quelques heures après que la police de Ghaziabad, dans l'état indien d'Uttar Pradeshait, a fait état de l'agression par cinq nationalistes hindous d'un musulman de 72 ans. Cet incident a été très commenté sur Twitter qui, à la demande du ministère des Technologies de l’Information, a fini par restreindre [16] les tweets de cinquante utilisateurs.

Un certain nombre de questions a été soulevé, à savoir si Twitter est protégé de droit par la disposition de safe harbour. Cependant, la réalité est que Twitter n’a pas répondu aux exigences des directives s'appliquant aux intermédiaires, qui sont entrées en vigueur le 26 mai.

Cette annonce a été faite juste après la supposée violation du ITA-2000 par Twitter. Le gouvernement indien a essayé à de nombreuses reprises de faire retirer les tweets qui les critiquaient. Mi-mai, de nombreux membres du BJP [Bharatiya Janata Party, « parti indien du peuple » actuellement au pouvoir, ndt], dont Patra, ont accusé à tort le Congrès national indien de développer une « boîte à outils » visant à ternir l’image du Premier ministre indien Narendra Modi durant la deuxième vague de la pandémie de Covid 19, en 2021. Le gouvernement indien a ensuite averti Twitter qu’il devait retirer la balise « média manipulé [18] » apposée aux tweets de Sambit Patra [19], porte parole du BJP. Fin mai, la police de Delhi a perquisitionné [20] les bureaux de Twitter.

Dans un rapport détaillé [22]portant sur la responsabilité des intermédiaires en Inde, le Centre pour internet et la société, un organisme indien respecté de recherche en matière de politiques, a suggéré que le gouvernement abusait [23]de l'article 69A du ITA-2000 pour justifier la suppression de contenus protégés par la Constitution au titre de la liberté d'expression. Les auteurs de ce rapport craignent que cette loi ne compromette la capacité des entreprises de médias sociaux à protéger les droits humains sur leurs plateformes.

Le 29 juin, le journaliste indien Kashish Singh, travaillant au Quint, a affirmé [24] que le Bajrang Dal, une organisation militante nationaliste hindoue, avait porté plainte [25] contre le directeur général de Twitter Inde, Manish Maheshwari. Le Bajrang Dal, le BJP et d'autres organisations nationalistes hindoues de droite sont rassemblés au sein du Sangh Parivar, dirigé par le groupe paramilitaire Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS).

Le directeur général de Twitter Inde, Manish Maheshwari, a été arrêté en vertu de l'article 505 (2) du code pénal indien et de l'article 74 de la loi de 2008 sur les technologies de l'information (amendement) pour avoir affiché une carte de l'Inde erronée sur son site Web, à la suite d'une plainte déposée par un dirigeant du Bajrang Dal à Bulandshahr.

Les intermédiaires

D'éminentes organisations internationales de la société civile, telle Mozilla, ont exprimé [29] leur vive inquiétude quant aux lois sur les technologies de l'information de l'Inde lorsqu'elles sont entrées en vigueur en février 2021, suggérant qu'elles mettaient en danger la liberté d'internet.

Ces lois sont composées de trois volets [30] : le premier définit les termes juridiques, dont des expressions créées pour l'occasion tels que « intermédiaires d'importants médias sociaux » (SSMI, comme Facebook et Twitter) ; les deuxième et troisième volets détaillent les exigences et les normes à respecter. Le ministère indien de l'Électronique et des Technologies de l’Information (MeitY) est chargé d'administrer les directives concernant les intermédiaires liés aux messageries, tels que WhatsApp (propriété de Facebook), Facebook Messenger et Telegram, ainsi que les intermédiaires liés aux médias, tels que Facebook, Instagram (propriété de Facebook) et Twitter.

Le troisième volet de la loi vise aussi à réglementer les médias numériques, mais les détails concernant ces plates-formes sont encore flous, tout aussi flou que le contrôle, par le biais du ministère de l’Information et de Radiodiffusion, des services par contournement, tels Amazon Prime, Disney +, Hotstar et Netflix. Les pétitions présentées par The Quint [31] et The Wire [32] à la haute cour de Delhi, pourraient aider à clarifier la constitutionnalité de ces lois.