En Turquie, les feux de forêts ont fait rage cet été

On peut voir un ciel orange, avec des nuages de fumée représentants le feu qui éclate

Conflagration, Pixabay.

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Depuis que le premier a été signalé le 28 juillet, cent vingt-cinq feux de forêts [tr] ont fait rage dans vingt-et-une provinces turques ; huit étaient toujours actifs le 2 août. Jusqu'à présent, huit personnes, dont deux pompiers, sont mortes. Tandis que les causes officielles des incendies restent indéterminées, de nombreuses personnes tiennent pour responsables [tr] la canicule et le réchauffement climatique.

Les incendies touchent des milliers d'habitants le long des côtes méditerranéennes et égéennes de la Turquie, deux destinations touristiques très prisées. Les touristes ont été évacués et emmené en lieu sûr, tandis que le gouvernement a déclaré certaines régions « zones sinistrées ». Le 1er août, le hashtag #HelpTurkey (#AidonslaTurquie) était en tendance sur Twitter, des personnes se précipitant pour venir en aide à ceux touchés par les incendies. Dès l'ampleur des dégâts connu, le parti de la Justice et du Développement, au pouvoir, a fait face aux critiques et à l'indignation générale nées du manque de mesures de sécurité, de plans d'intervention d'urgence du pays, et des théories complotistes [tr] propagées par le gouvernement.

Le samedi 31 juillet, le président Erdogan s'est rendu à Manavgat, une des provinces touchée par les feux, où pas moins de sept personnes sont décédées. Lors de sa visite, il a juré que le gouvernement faisait tout son possible pour aider ceux affectés par le sinistre. « Il est de notre devoir de trouver les responsables des incendies et de brûler leurs poumons », a-t-il déclaré [tr].

Malheureusement, nombre de personnes ne croient pas aux promesses gouvernementales. Au cours du week-end, un long convoi présidentiel est arrivé dans la ville de Marmaris, une autre ville touchée par les feux, et M. Erdogan a été aperçu jetant des sachets de thé aux passants. Certains ont comparé son geste à celui de Donald Trump à Puerto Rico, qui avait jeté des serviettes en papier aux survivants de l'ouragan Maria dans un centre de distribution venant en aide aux sinistrés. 

Erdogan jetant des sachets de thé aux victimes de l'incendie me rappelle Donald Trump qui jetait des serviettes en papier aux sinistrés portoricains. Ça ne se fait absolument pas, c'est complètement déplacé.

Erdogan's arrival to Marmaris, where the city has been struggling with fire due to lack of firefighting jets.

L'arrivée d'Erdogan à Marmaris, où la ville bataille difficilement contre les flammes, faute de bombardiers à eau.

Manque de matériel

Le parti au pouvoir est critiqué depuis le début des incendies, car la flotte aérienne turque ne possède pas assez de bombardiers à eau et parce qu'il a choisi d’écarter l'Association aéronautique turque (THK) du combat contre les flammes. Pendant des décennies, la THK a fourni des avions pour lutter contre les brasiers. Le ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, a été hué [vidéo non disponible, ndlt.] lors d'une rencontre avec les habitants de Manavgat, après avoir déclaré que trois des bombardiers à eau turcs étaient affectés ailleurs. Jusqu'à présent, la Russie, l'Ukraine, et l'Azerbaijan ont tous prêté des avions pour aider à éteindre les feux de forêts, et le 1er août, le gouvernement a finalement décidé d'accepter l’aide de l'EU et les canadairs croates et espagnols.

Mursel Alban, membre du parlement encarté au Parti républicain du peuple (CHP), principal parti d'opposition, a appelé le président et son cabinet à démissionner :

You have a 300 room summer palace in Marmaris but there is no plane to put out the fire in Marmaris. Erdogan/AKP government must resign with all its ministers.

Vous avez un palais d'été de 300 pièces à Marmaris, mais aucun avion n'est disponible pour éteindre le feu dans cette ville. Erdogan et tous les ministres de son parti au gouvernement doivent démissionner.

Des photos du somptueux palais estival de 300 pièces avec piscine, bordé par une plage privée, ont été rendues publiques le 5 juillet. Terminé en 2019, il aurait coûté 62 millions d'euros. À l'époque, le dirigeant du CHP, Kemal Kılıçdaroğlu a descendu en flammes la construction de cette demeure estivale lors de la réunion des parlementaires de son parti : « Des personnes meurent de faim, mais il s'en fiche. Il s'est fait construire son propre palais d'été ».

Ebru Günay, porte-parole du parti démocratique du peuple pro-kurde (HDP), a renchéri [tr] dans un tweet le 30 juillet :

While the palace [the presidency] has 13 planes and the agriculture minister travels everywhere in his jet, the government can’t employ a firefighting plane to put out these fires, demonstrating the terrible situation this administration has put us in. One palace plane could have bought dozens of firefighting planes

Alors que le palais [présidentiel] compte 13 avions et que le ministre de l'Agriculture voyage partout en jet, le gouvernement n'est pas capable de déployer des bombardiers à eau pour éteindre ces incendies, illustrant la terrible situation dans laquelle nous a mis le gouvernement. Un seul avion présidentiel aurait permis d'acheter des douzaines de canadairs.

L'ancien parlementaire Feyzi Isbaran a fait écho aux déclarations d'Ebru Günay dans un tweet :

Erdogan reviewed the area affected by fires from air, sitting inside his super luxury airplane. “The main reason for the problems with the aircraft is that THK, which has been carrying out this task for many years, has not been able to renew its fleet and technology.” Erdogan is the honorary director of the government appointed trustee committee at the THK”.

Erdogan a inspecté la zone touchée par les feux depuis le ciel, dans le fauteuil moelleux de son super avion de luxe. « La raison principale des problèmes aéronautiques est que la THK, dont c'était la tâche, n'a pas été pu rénover sa flotte aérienne et sa technologie. » Erdogan est le directeur honoraire du comité d'administration nommé par le gouvernement de THK.

La THK a été remaniée en 2019, le gouvernement nommant un comité d'administration pour remplacer l'ancienne direction. Selon les rapports [tr] de Dokuz8Haber, une plateforme d'informations en ligne, les administrateurs ont renvoyé au début du mois onze pilotes et quinze techniciens. D'anciens employés ont déclaré que l'association avait six avions opérationnels prêts à être déployés. Le 29 juillet, l'un des administrateurs aurait été aperçu à un mariage, alors que le maire de Muğla, Osman Gürün, appelait le bureau de la THK pour réclamer des avions.

Dans six provinces, les forêts ont été interdites d'accès [tr] du 30 juillet au 31 août suite aux incendies. Il est interdit d'en approcher, d'y pénétrer ou pique-niquer.

Pendant ce temps, les autorités ont minimisé les dégâts causés par les flammes à Marmaris, les présentant comme légers. À la place, ils ont privilégié l'enquête sur les causes des incendies, selon Bekir Pakdemirli, ministre de l'Agriculture et de l'Exploitation forestière : « Les autorités judiciaires et la police continuent leur enquête sur les causes des incendies. Une déclaration sera faite lorsque des éléments importants auront été mis à jour ».

Faisant écho aux efforts d'enquête du gouvernement, Fahrettin Altun, à la tête de la direction des communications, a affirmé que « les responsables devront rendre compte de leurs attaques contre la nature et les forêts ».

L’inaptitude gouvernementale a semblé criante comparée à l’action d'Angela Merkel, qui a débloqué 405 millions d'euros pour aider les victimes des inondations récentes en Allemagne ; un contraste frappant avec les images de convois et de thé lancé lors de la visite présidentielle dans les zones touchées. Jusqu'à présent, les autorités ont promis de retarder les remboursements de prêts pour les personnes blessées pendant les incendies afin d'alléger leur charge financière. Elles ont aussi annoncé [tr] accepter les dons, ce qui a relancé les critiques sur Internet.

They ask for donations after an earthquake, flood, fire, during the pandemic. Of course we will do what is in our power to help those in need, but will those who collect our taxes and lead us do the same?

Ils réclament des dons après un tremblement de terre, des inondations, des incendies, pendant la pandémie. Bien sûr qu'on va faire tout notre possible pour aider ceux dans le besoin, mais est-ce que ceux qui perçoivent nos taxes et dirigent le pays feront de même?

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