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Hong Kong va interdire des films au nom de la « sécurité nationale »

Catégories: Asie de l'Est, Chine, Hong Kong (Chine), Censure, Droit, Film, Médias citoyens, Advox

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Copie d'écran de la bande-annonce [1] [zh, st en] de Revolution of our Times (« Révolution de notre temps ») sur Youtube.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages web en anglais, ndlt.]

Le reportage suivant a été écrit par Kelly Ho et publié [2] par le Hong Kong Free Press (HKFP) le 27 octobre 2021. Il est republié sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

L'assemblée législative de Hong Kong a voté un projet de loi [3] autorisant le gouvernement à interdire dans la ville la projection ou la publication de films jugés contraires à la sécurité nationale. Toute personne présentant un film non autorisé encourt jusqu'à trois ans de prison et une amende d'un million de dollars hongkongais (environ 110 000 €).

Les amendements proposés au Film Censorship Ordinance (Décret sur la censure des films) ont été entérinés le 28 octobre, grâce au soutien massif des législateurs pro-establishment lors de leur dernière réunion de la sixième législature du Conseil législatif (LegCo).

La nouvelle loi obligera les censeurs hongkongais à déterminer si la projection d'un film est « en contradiction » avec les impératifs de sécurité nationale avant d'autoriser sa projection locale.

En vertu de cette loi, le secrétaire principal de la ville (actuellement l'ancien officier de police John Lee [4]), membre du comité de la sécurité nationale, disposera de pouvoirs étendus lui permettant de retirer à tout moment l'autorisation accordée s'il estime que la projection d'un film nuit à la sécurité nationale.

Un inspecteur mandaté par l'agence de censure pourra également pénétrer dans des locaux et y effectuer des perquisitions sans mandat afin de faire cesser la projection ou la publication non autorisée d'un film lorsque la délivrance d'un mandat n'est pas « faisable dans des conditions satisfaisantes ».

Des sanctions plus lourdes seront infligées à ceux qui projettent des films ne bénéficiant pas d'une exemption ou n'étant pas autorisés par les autorités, l'infraction pouvant entraîner jusqu'à trois ans de prison et une amende d'un million de dollars hongkongais.

Les censeurs cinématographiques locaux pourront demander jusqu'à 28 jours pour étudier les films susceptibles de présenter des risques pour la sécurité nationale. Les cinéastes ne pourront pas contester la décision prise par la censure, dans la mesure où la nouvelle législation exclura la possibilité pour la commission de révision de réexaminer les décisions motivées par les questions de sécurité nationale.

Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur quelques mois après que le réalisateur hongkongais, Kiwi Chow [5] [fr], a présenté en juillet son documentaire Revolution of Our Times au Festival du film de Cannes. Ce film sur les manifestations de 2019 contre le projet de loi sur l'extradition [6] n'est pas sorti à Hong Kong mais les journaux locaux proches de Pékin l'ont éreinté [7] [zh], considérant qu'il prônait l'indépendance, une infraction majeure à la loi sur la sécurité nationale.

D'autres documentaires se rapportant aux troubles de 2019, notamment Inside the Red Brick Wall [8] [en] (« À l'intérieur du mur de briques rouges »), qui raconte le siège de l'Université polytechnique de Hong Kong, ont été interdits de diffusion commerciale.

En exhortant les législateurs à approuver le projet de loi, le gouvernement a indiqué dans un communiqué du LegCo [9] que certains films portaient atteinte à la sécurité nationale et dépeignaient de « graves comportements criminels ». Ils prétendent que le contenu général, le contexte et le montage de ces films auraient pour effet « de cautionner, glorifier ou inciter » des personnes à commettre de tels actes – en particulier les jeunes gens facilement impressionnables.

À l'heure actuelle, certains films jugés politiquement sensibles, tels que Ten Years [10] [en] (« Dix ans »), peuvent être visionnés en streaming sur des sites et des plateformes vidéo comme Netflix. Certains législateurs, à l'image de Luk Chung-hung, membre de la Fédération des syndicats hongkongais (Hong Kong Federation of Trade Unions), ont recommandé au gouvernement de mettre à jour les lois afin de combler toute « lacune » :

The framework of the ordinance is outdated… I am worried this may become a major loophole in the future

Le cadre de cette ordonnance est obsolète… Je redoute qu'une faille majeure n'apparaisse dans un avenir proche.

En réaction, Edward Yau, secrétaire au commerce et au développement économique, a indiqué que les recommandations visant à réglementer les films proposés en ligne n'entraient pas dans le cadre du projet de loi. Il a ajouté que le gouvernement aurait besoin de plus de temps pour envisager de manière « attentive et complète » l'ajout de nouveaux changements au dispositif national de censure cinématographique.

Interrogé sur la question de savoir si YouTube ou toute autre plateforme en ligne pourraient être concernées par la législation actuelle, un porte-parole du Bureau du commerce et du développement économique a répondu au HKFP en août que d'« autres » lois régissent internet :

[TV] broadcast and the Internet are subject to other applicable law and regulations. Whether an act constitutes a crime or otherwise would depend on its specific circumstances and evidence, and cannot be taken in isolation or generalised

La diffusion [télévisée] et l'internet sont assujettis à d'autres lois et règlements applicables. La question de savoir si un acte est ou non constitutif d'un crime relève des circonstances spécifiques et des preuves apportées, et ne peut être traité de manière isolée ou généralisée.