Le COVID-19 précipite les familles arméniennes dans la pauvreté

Crédit photo Artem Mikryukov. Reproduite avec autorisation, Chaikhana Media.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

L'article d'origine a été publié en anglais par Narek Kirakosyan sur Chaikhana Media. Une version éditée a été republiée ici le 21 septembre 2021 dans le cadre d'un accord de partenariat de contenu.

Artyom Avetisyan, marié et père de deux enfants, habitant à Gumri en Arménie, a perdu son emploi lors de la pandémie. Durant les 19 derniers mois, sa famille a évité de justesse de se retrouver à la rue, mais a eu de la peine à payer les médicaments et les soins nécessaires à leur fils de sept ans, Felix.

Avant que le COVID-19 ne s'abatte sur le pays, raconte M. Avetisyan, il était capable de loger et nourrir sa famille grâce à un flot constant de travaux journaliers ou d'emplois dans la construction.

« J'avais beaucoup [de travail] avant le virus, mais dès le début de la pandémie on ne m'a plus rien proposé, dit-il. Je gagnais [par mois] environ 150 000 drams (un peu plus de 280 €), maintenant ma famille doit faire sans. »

Alors même que les revenus de M. Avetisyan étaient inférieurs au salaire arménien médian de 355 euros par mois avant la crise sanitaire, cette soudaine perte d'emploi a affectée la vie de ses enfants à tous les niveaux. Aujourd'hui, M. Avetisyan et sa femme, Anna Davtyan, ont peur de perdre leur appartement, faute de pouvoir régler les 35 000 drams (environ 65 €) de loyer mensuel.

La famille peine également à financer les médicaments et les soins pour Felix, leur fils en CM1, atteint d'infirmité motrice cérébrale. Avant la pandémie, la famille pouvait payer les 152 000 drams mensuels du traitement (environ 285 €), en partie grâce à la générosité d'organisations caritatives et de philanthropes locaux.

Toutefois, le covid a rendu impossible la collecte des fonds nécessaires. Désormais, la famille doit se contenter pour son fils de l'assistance gouvernementale mensuelle, soit environ 45 €.

Alors que la perte de leur revenu est un souci constant, le couple s'inquiète également de voir Felix et sa grande sœur de neuf ans, Donara, prendre du retard à l'école après avoir raté plusieurs mois de classe en ligne, faute de posséder un ordinateur ou un smartphone.

Les Avetisyan ne sont pas les seuls, et de loin, à souffrir des conséquences économiques de la pandémie. On estime que 720 000 Arméniens sont tombés dans la pauvreté suite à la crise sanitaire, le PPA situant le seuil de pauvreté à 5,50 $ en 2011. Selon la Banque mondiale, l'économie arménienne s'est contractée de 8 % en 2020 à cause du COVID-19 et des mesures de confinement imposées pour ralentir l'avancée du virus.

« À court terme, les conséquences de la pandémie sur l'emploi des ménages et les revenus hors-travail risquent d'entraîner une augmentation significative du taux de pauvreté en Arménie », note la Banque mondiale dans un rapport publié en février 2021.

Cette étude a démontré que le taux de pauvreté pourrait augmenter de 33,6 % à 46,6 % en raison de la pandémie, faisant passer le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté de 1 à 7 %. Elle annonce que « les chocs économiques causés par le COVID-19 pourraient appauvrir 370 000 Arméniens. La situation financière de plus de 720 000, soit un quart d'entre eux, pourrait régresser, les rétrogradant vers une classe économique inférieure en 2020 ».

Le gouvernement arménien a distribué plusieurs aides financières ponctuelles afin d'aider les citoyens à survivre au confinement de 2020.

Les aides ont été accordées à certains groupes remplissant des critères spécifiques : les familles ont bénéficié d'un paiement unique de 26 500 drams (50 €) par enfant ; les personnes officiellement employées ont reçu une compensation  de 68 000 drams (127 €) lors d'un mois du confinement ; et les propriétaires d'entreprises dans les secteurs les plus touchés comme le commerce et le tourisme ont obtenu 10 % de leurs revenus du 4ᵉ trimestre 2019, alors que leurs employés ont touché l'équivalent d'un demi-mois de salaire.

Comme M. Avetisyan travaillait à la journée, il ne remplissait pas les critères pour l'allocation chômage, mais sa famille a bien reçu le paiement unique destiné aux enfants.

Cependant, il est encore sans emploi plusieurs mois après avoir perçu ces aides financières ; ses options sont limitées tant que la situation économique ne se sera pas améliorée.

Son cas n'est pas exceptionnel dans la région du Shirak où se trouve Gumri. Avant la pandémie, le taux de pauvreté y était déjà le plus haut du pays, 48,4 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale.

La situation est particulièrement alarmante parmi les enfants, dont on estime qu’un sur deux vit dans la pauvreté.

La crise sanitaire a encore empiré les choses, car les restrictions de déplacement ont empêché les travailleurs de se rendre en Russie.

À Maralik, la famille Kirakosyan a perdu sa seule source de revenu lorsque les routes vers la Russie ont fermé. En conséquence, leur fils de sept ans, Davit, n'avait plus les moyens de participer à l'école en ligne et a pris du retard. À son âge, il ne connaît pas encore toutes les lettres de l'alphabet et ne peut ni lire ni écrire.

Vardan Ikilikyan, maire d'Azatan, l'une des plus larges communautés du Shirak, explique que, bien qu'il soit désormais théoriquement possible de se rendre en Russie, les tests PCR et les coûts élevés du voyage ne permettent pas à ses concitoyens de quitter la région.

« Environ 30 % de la population d'Azatan travaillait à l'étranger, notamment à Iakoutsk, Moscou, Sakhalin, Vladivostok, là où sont les chantiers. La crise sanitaire a cloué les gens à la maison. » Il estime qu'environ 300 familles ont été affectées à Azatan seulement.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.