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En Libye, adoption de nouvelles lois contre la cybercriminalité

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Libye, Droit, Droits humains, Médias citoyens, Politique

Les lois adoptées le 26 octobre par la législature restreignent les droits numériques. Source : SMEX.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des articles en arabe, ndlt.]

Cet article a été publié pour la première fois le 12 novembre [1] [en] dernier par SMEX [2][en]. Une version révisée est publiée sur le site de Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat portant sur le contenu.

Le 26 octobre 2021 [3], la Chambre des représentants libyenne a adopté une Loi contre la cybercriminalité, un jour après avoir approuvé la Loi sur les transactions électroniques.

Dans les faits, les lois luttant contre les crimes sur internet ne servent que les intérêts des personnes au pouvoir dans la région. Elles sont souvent répressives et restreignent la liberté d'expression tout en légitimant le contrôle et la censure du gouvernement.

Cette nouvelle loi ne fait pas figure d'exception. En effet, elle porte clairement atteinte à la liberté d'expression dans le cyberespace en imposant des dispositions ambiguës qui permettent de contrôler le public et la presse sans aucune autorisation judiciaire. Des Libyens et des Libyennes [4] la considèrent comme répressive, d'autant plus qu'elle sanctionne ceux et celles qui publient des contenus en ligne.

En vertu de cette nouvelle loi, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information est autorisée à bloquer les sites Web et les contenus « indésirables » en l'absence de toute autorisation judiciaire.

La loi sur la cybercriminalité a recours dans plusieurs de ses articles à des termes généraux laissant place à l'interprétation ; elle offre un large pouvoir discrétionnaire en matière d'administration de preuve et de criminalisation.

Les législateurs libyens en ont également élargi le champ d’application pour inclure les crimes commis à l’extérieur du pays « si leur impact et leurs conséquences s’étendent à la Libye », ce qui impose une forme d’autocensure aux citoyens et citoyennes à l'étranger, surtout s’iels envisagent de retourner au pays natal.

Avec les élections présidentielles qui approchent à grands pas, le moment de la promulgation de ces lois a suscité de nombreuses questions. Selon le conseiller média [5] du président de la Chambre :

The Cybercrime Law is concerned with cybercrimes that affect the State, among other aspects, but it does not contradict freedom of expression. The Law tackles crimes or the wrongful use of electronic technology in relation to the State, the person, or any other entity, including counterfeiting and spreading rumors.

La loi sur la cybercriminalité concerne les cybercrimes qui affectent l'État, entre autres aspects, mais elle ne touche pas à la liberté d'expression. La loi lutte contre les crimes ou l'emploi illégitime de la technologie électronique à l'égard de l'État, d'une personne ou d'une entité, y compris la falsification et la propagation de fausses informations.

Les nombreux doutes suscités par son adoption et sa promulgation font craindre aux Libyens et Libyennes que cette loi soit utilisée à l’approche des élections pour restreindre la liberté d’expression et étouffer de nouvelles voix politiques.

Il faut rappeler qu’au cours des deux dernières années, la Chambre des représentants libyenne n’a adopté que des lois qu’elle estimait éminemment nécessaires. Les efforts qu'elle déploie actuellement pour imposer cette dernière est d'autant plus suspecte.

Dans un article de blog [6], le défenseur libyen des droits numériques Amjad Badr a souligné l'inquiétude des Libyens et Libyennes ainsi que leurs soupçons quant à la date de promulgation de cette loi, notamment les craintes qu'elle soit instrumentalisée pour criminaliser des droits, comme le chiffrement des conversations, et réprimer la liberté d'expression sous prétexte de protéger la propriété intellectuelle et de lutter contre le terrorisme.