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En Ouzbékistan, un bouton anti-harcèlement dans les bus

Catégories: Asie Centrale et Caucase, Ouzbékistan, Cyber-activisme, Droit, Femmes et genre, Médias citoyens

Un bouton stop à bord d'un bus. Photo par Patrick Wuske [1] sur Flickr [2]. (CC BY-NC 2.0 [3]).

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais, ndlt.]

C'est dans un effort de sensibilisation lors d'une campagne de l'ONU contre la violence qu'une ONG défendant les droits des femmes en Ouzbékistan a pris une initiative visant à lutter contre le harcèlement sexuel à l'encontre des femmes dans les transports publics.

Les bus de Tachkent, la capitale, sont désormais équipés d'un bouton d'alarme permettant d'avertir le ou la chauffeur·e d'un éventuel comportement répréhensible à bord. Lorsqu'iel entend résonner l'alarme anti-harcèlement, le ou la chauffeur·e appelle les forces de sécurité afin qu'elles enquêtent sur l'incident.

Cette campagne a été lancée le 25 novembre dernier lors de la Journée internationale de la lutte contre la violence à l'encontre des femmes, dans le cadre des initiatives onusiennes des 16 Jours d'activisme [4] [fr] visant à sensibiliser à la violence basée sur le genre.

Les activistes de diverses organisations, dont l'ONG Sarpa [5], ont conclu un accord avec la compagnie de bus locale Toshshahartransxizmat pour installer les boutons et fournir du matériel de prospection afin de diffuser l'information.

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Les auteurs de harcèlement ne seraient passibles que d'une amende potentielle pour « insultes », puisque le système juridique ouzbek ne reconnaît pas le harcèlement comme un acte punissable.

Les activistes de Sarpa ont déclaré dans un post Instagram [7] [ru] que ce vide législatif continue de poser problème.

Will the buttons even work? After all, buses already have buttons for an emergency stop, which are never used. As long as harassment is not considered a crime, we will feel unprotected by the law. And still, there may not be enough resources to even reach the button.

Ces boutons seront-ils seulement efficaces ? Après tout, les bus sont déjà équipés avec des boutons d'arrêt d'urgence qu'on n'utilise jamais. Tant que le harcèlement ne sera pas considéré comme un crime, nous ne nous sentirons pas protégées par la loi. Et encore, il se peut qu'on rencontre des difficultés pour atteindre le bouton.

Les activistes se sont rassemblés autour de la campagne Frotterizm [8] [ru] (du français frotteur, désignant un agresseur sexuel qui se frotte contre une victime sans son consentement dans les transports publics). Elle a été lancée avec le soutien de Mashav, agence d'aide du gouvernement israélien, par l'intermédiaire de l'ambassade d'Israël à Tachkent.

Dans les sondages de sensibilisation au harcèlement et à la violence sexiste, environ 20 % des personnes interrogées déclaraient qu'elles ne pensaient pas que les responsables seraient punis, ce qui est frustrant et décourage toute demande d'aide. Les activistes espèrent que la campagne contribuera à sensibiliser le public et incitera le gouvernement à agir.

Les réactions en ligne à cette nouvelle ont été mitigées. Dans les commentaires sous le post Instagram, un utilisateur a souhaité [9] [ru] que ces boutons soient également installés partout : « Si seulement il y en avait aussi dans le métro ! ».

D'autres ont proposé comme solution une séparation des sexes dans les transports publics : « Le harcèlement sexuel disparaîtra dans ce pays seulement quand il y aura des bus et des rames de métros réservées aux femmes. Nous avons besoin d'espaces séparés, comme à Dubaï. »

Les commentateurs·rices des médias sociaux craignent toutefois que le bouton soit mal utilisé et perde ainsi son rôle important.

Dans la capitale de l'Ouzbékistan, le problème du harcèlement dans les transports en commun est bien réel. Environ 60 % des personnes interrogées dans le cadre d'une enquête [10] [ru] ont déclaré avoir été victimes de harcèlement dans les bus ou le métro. Il est important de noter que ce problème touche aussi bien les hommes que les femmes.

Lors du sondage, les activistes ont également demandé si les personnes interrogées étaient informées des mesures visant à prévenir ou à contrecarrer le harcèlement, mais près de 93 % d'entre elles ont répondu par la négative.

Les lois visant à prévenir le harcèlement et la violence sexiste en Ouzbékistan sont peu nombreuses [11] et largement inefficaces. Dans les cas de violence conjugale [12] et d'agression [13], les traditions culturelles et sociales rejettent toujours la faute sur la victime.

La campagne Frotterizm pourrait contribuer à sensibiliser à ce sujet, mais il incombe au gouvernement et à la société en général de mettre  à l'index et contrecarrer efficacement le harcèlement sexuel et la violence.