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Inondations en Inde : les initiatives locales maintiennent l'Assam à flot

Catégories: Asie du Sud, Inde, Action humanitaire, Catastrophe naturelle/attentat, Développement, Environnement, Médias citoyens
Dhemaji, Assam, India. A villager looking at a road washed away by water at Hesuli village of Dhemaji district, Assam in September 2020. [1]

Dhemaji, Assam, Inde. En septembre 2020, un villageois observe une route immergée du village de Hesuli dans le district de Dhemaji en Assam. Image Flickr prise par le Climate Centre [1]. CC BY-NC 2.0 [2].

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais, ndlt.]

Le fleuve Brahmapoutre [3] [fr] et ses affluents ont modelé le paysage de la région nord-est [4] [fr] de l'Inde depuis des siècles, mais, cette année encore, la saison des moussons a causé des inondations massives [5] dans la vallée de l'Assam [6]. Les rivières en crue ont inondé plusieurs parties de l'État, forçant les personnes vivant le long du bassin fluvial à déménager de nombreuses fois.

Désormais, face aux échecs [7] dans la gestion des crues et la mise en place de structures de protection, les communautés villageoises locales et des groupes de volontaires réagissent [8] et prennent en main les opérations de secours d'urgence et de reconstruction.

Une aggravation de la situation

Le site d'informations environnementales Down to Earth [9] a publié un article sur la situation désastreuse du village Mas Dihiri, situé dans le district de Dhemaji en Assam. Le fleuve Kumutiya, l'un des affluents du Brahmapoutre, a tendance à changer rapidement de cours avec des conséquences désastreuses, ce qu'il a fait [10] sur près de trois kilomètres depuis 1960. Ce n'est pas un cas isolé, mais plutôt un phénomène répandu dans tout l'Assam. Par exemple, quand le village de Majdolopa [8] a connu une recrudescence subite des inondations en juillet 2020, des personnes se sont retrouvées coincées à cause de l'augmentation du niveau du Brahmapoutre suite aux pluies incessantes.

La modification des régimes pluviométriques et les inondations en découlant montrent une interconnexion avec le changement climatique. En octobre, le Council on Energy, Environment and Water (CEEW, Conseil sur l'énergie, l'environnement et l'eau) a publié un rapport intitulé Cartographie de la vulnérabilité climatique de l'Inde, une évaluation régionale [11], basé sur l'analyse de 646 districts dans tout le pays. L'Assam y est classé parmi les cinq États les plus vulnérables aux catastrophes naturelles (inondations, sécheresses, cyclones, etc.), quatre de ses districts (Dhemaji, Nangaon, Darrang et Lakhimpur) regroupant vingt des endroits les plus sensibles du pays.

Les émissions de CO2 sont considérées responsables du réchauffement planétaire et du changement climatique afférent. L'Inde contribue grandement à ce phénomène de part son industrialisation et son urbanisation rapides [12]. Selon la revue Nature Climate Change [13], l'Inde a émis 2,65 milliards de tonnes de CO2 entre 2016 et 2019.

Le changement climatique signifie que la neige fond plus rapidement [14], faisant monter le niveau des fleuves qu'elle alimente. De plus, le nombre total de jours de pluie pendant la mousson a diminué, mais l'intensité des précipitations a augmenté. Averses et pluies torrentielles sont accompagnées de crues subites quasi imprévisibles.

Les habitants, habitantes et les responsables politiques ont tous reconnu la crise évidente de la vallée:

Le discours virulent de l'honorable député du district de Nagaon @pradyutbordoloi [18] au parlement. Il a fait entendre sa voix pour les réfugiés climatiques de l'Assam installés le long de ses rives, qui sont frappés par les catastrophes naturelles empirant en raison du changement climatique(1/2) pic.twitter.com/jrzPyp0PXJ [16]

— Adv Mumtaz Begum (@i_am_mumtaz) 4 décembre 2021 [17]

Crues subites dans l'Assam, pluies torrentielles dans le Kerala, fortes pluies dans l'Uttarakhand, pluies à Delhi. Et il n'y a PAS de changement climatique. Ouvrez les yeux, lisez les signes. Agissez.

— Vimlendu Jha विमलेंदु झा (@vimlendu) 17 octobre 2021 [19]

Chaque année, des centaines de milliers de personnes sont touchées par ces inondations, perdant la vie, leurs maisons, leurs récoltes ou leur bétail. En septembre 2021, elles avaient déjà affecté [20] plus de 600 000 personnes dans plusieurs districts, ôtant la vie à cinq d'entre elles. Habitants et habitantes le long du bassin fluvial n'ont souvent pas d'autre choix que de s'abriter dans des camps de réfugiés pendant des semaines, avant de retrouver les vestiges de leur vie passée.

En 2020 et 2021, l'histoire s'est répétée : des sites de micro-blogging comme Twitter regorgent de récits sur la misère née des inondations en Assam, décrivant ses douloureuses conséquences, du déplacement des populations [21] à la précarité alimentaire :

Jusqu'à 341 000 personnes affectées par les pluies torrentielles & les inondations dans l’ #Assam [30] en #Inde [31]
40 morts signalées.

Demande sincère à tous les responsables de prendre le #ChangementClimatique [32] au sérieux et de révoquer les dilutions des normes environnementales svp.@narendramodi [33] @GretaThunberg [34] https://t.co/s7G427lKhM [27] pic.twitter.com/82n8DOZHkd [28]

— Fridays For Future India (@FFFIndia) 11 juillet 2020 [29]

Les hausses de température, les précipitations variables et les pertes de terres cultivables en raison des crues subites, devraient réduire les rendements agricoles, provoquant une insuffisance alimentaire.#DRRday [35] #OnlyTogether [36] #OXFAM [37] #ASDMA [38] #climatechange [39] pic.twitter.com/yulLBmG26m [40]

— The Disaster Management Authority of Assam (@sdma_assam) 23 octobre 2021 [41]

Les groupes de volontaires à la rescousse

Alors que la crise en Assam ne fait qu'empirer, l'implication populaire pour trouver de nouvelles façons de s'adapter s'est renforcée. La National Disaster Response Force [42] (NDRF, Force de réaction nationale aux catastrophes) a été soutenue par les communautés villageoises et des groupes de bénévoles, tel le Majdolopa Village Disaster Management Committee [8] (Comité de gestion des catastrophes touchant le village Majdolopa) qui a pris la situation en main à sa création en 2015. Il est composé de vingt-trois jeunes bénévoles qui ont sauvé des vies et aidé les citoyens et citoyennes piégés lorsque le fleuve a gonflé cette année.

Aujourd'hui, on trouve plusieurs comités de ce type en Assam. Le village de Chomoni Chapori [43] a aussi son comité de gestion des catastrophes, composé de volontaires répondant non seulement aux besoins de leur propre communauté mais aussi à ceux des villages voisins. Ces initiatives mises en place par les habitants et habitantes ont une approche à la fois logique et systématique. Le comité du village [43] de Chomoni Chapori se compose de quatre groupes : le premier se charge de lancer des avertissements, le deuxième envoie des secouristes, le troisième s'occupe de l'assainissement et de l'hygiène après la catastrophe, et le quatrième fournit des équipes de recherche pour retrouver les personnes disparues et les éventuels survivants.

Assam flood in 2015. Image via Wikipedia by Pradip Nemane. CC BY-SA 4.0 [44]

L'Assam inondé en 2015. Image Wikipedia prise par Pradip Nemane [44]. CC BY-SA 4.0 [45]

Habitants et habitantes mobilisent aussi tous les outils technologiques à leur disposition, utilisant par exemple des groupes WhatsApp pour alerter des inondations. En 2019, quand les pluies incessantes ont détérioré les rives du fleuve, les membres d'une de ces initiatives, la Friendship Association (Associaiton de l'amitié), ont transmis des messages [46] d'alerte sur les inondations imminentes, du Bhoutan jusqu'en Assam, par l'intermédiaire de leurs proches et des ONG basées en Inde.

Cependant, même si les habitants et les habitantes n'hésitent pas à prêter main forte à leurs villages et communautés dès que l'occasion se présente, ces réactions informelles doivent être renforcées par des mesures plus formelles. En novembre, lors d'une session parlementaire, l'échec du système indien de gestion des crues a été cité [7] comme l'une des causes de la situation désastreuse en Assam. Reste désormais à voir si cela déclenchera l'adoption de mesures supplémentaires visant à atténuer les souffrances des habitants et habitantes de la zone.