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Les autorités de Hong Kong lancent un avertissement contre les campagnes de boycott en raison du faible engouement des électeurs à l'approche des élections législatives

Catégories: Asie de l'Est, Chine, Hong Kong (Chine), Droits humains, Élections, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Politique
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Graphique fournie par l’Institut de recherche sur l'opinion publique [1] de Hong Kong, mettant en évidence le chiffre de 2021 réalisé par Global Voices.

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages web en anglais.]

Les élections du Conseil législatif de Hong Kong (Legco) se tiendront le 19 décembre 2021.

Compte tenu du mécanisme de sélection « réservé aux patriotes [2] », prévu par les nouvelles règles électorales [3], seules 153 personnes [4] ont reçu un nombre suffisant de candidatures auprès de la commission électorale pour devenir des candidats légitimes et ainsi concourir dans la course aux 90 sièges que compte l'organe législatif. Et seulement 35 candidats individuels [5] sont en lice pour briguer les 20 sièges attribués au suffrage direct dans les 10 districts des circonscriptions géographiques.

La population, unanimement, estime que le taux de vote sera très faible car la majorité des politiciens pro-démocratie sont en prison, et les nouvelles règles électorales empêchent les membres de l'opposition politique de passer la porte des bureaux de vote. Catrix, un hongkongais de la diaspora installé en Écosse, traduit ce ressenti général sur Twitter :

Les élections permettent de choisir celui ou celle qui servira au sein du gouvernement. Toutes les personnes que les Hongongais apprécient sont soit en prison, soit ont été contraintes de quitter Hong Kong. Aujourd'hui, le Parti communiste chinois (CCP, Chinese Communist Party) « de Hong Kong » nous reproche notre indifférence vis-à-vis des élections. Allez vous faire voir vous, le Parti communiste chinois (#ccp) et vous, la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine (HKSAR). Libérez d'abord Hong Kong …
– Catrix🏴HKer en Ecosse. FIGHT! (@Catrix_BorninHK) 30 novembre, 2021 [9]

Répression policière contre la campagne du bulletin blanc

Illustrant la frustration politique des citoyens pro-démocratie, Ted Hui, militant en exil, a lancé une campagne « Be water campaign [10] » [zh] sur Facebook fin octobre et a exhorté les Hongkongais à voter blanc ou nul en signe de protestation contre les nouvelles règles électorales. L'ancien législateur a indiqué (via HKFP [11]) :

Faced with the reality that, under the tyranny of the regime, Hong Kong people have very limited options for political mobilisation with substantial influence… The implementation of strategic voting is not aimed at ‘who is elected’ or ‘how many seats.’ Instead, we can use official blank votes to express our resistance to tyranny and our thirst for freedom. This is the greatest political mobilization we can actually achieve at the moment…

Confrontée à la réalité selon laquelle, sous la tyrannie du régime, la population de Hong Kong ne dispose que de très peu d'options de mobilisation politique permettant une influence déterminante… La mise en œuvre du vote stratégique ne vise pas à savoir « qui sera élu » ou « le nombre de sièges ». Nous pouvons plutôt utiliser les votes blancs officiels pour manifester notre résistance à la tyrannie et notre soif de liberté. Il s'agit de la plus grande mobilisation politique que nous pouvons véritablement mener à l'heure actuelle…

La campagne a suscité une forte réaction de la part des autorités de Hong Kong et la police a réagi rapidement en procédant à l'arrestation de trois personnes [12] qui avaient diffusé un message en ligne appelant les citoyens à voter blanc. Ils encourent une peine maximale de trois ans d'emprisonnement et une amende de 200 000 dollars de Hong Kong (25 600 dollars américains).

Ensuite, le 29 novembre, la Commission indépendante contre la corruption (ICAC, Independent Commission Against Corruption), organisme de surveillance de la corruption à Hong Kong, a émis des mandats d'arrêt [13] à l'encontre de deux militants en exil, Ted Hui et Yau Man-chun, accusés de pousser une tierce personne à ne pas voter ou à voter de manière non valide. Le groupe politique Hong Kong Democracy Council (Conseil de la démocratie de Hong Kong), basé à Londres, a interprété la répression policière comme le reflet de leur inquiétude face au faible taux de vote :

Le gouvernement de HK est si préoccupé par le faible taux de participation à ses fausses élections qu'il a émis un mandat d'arrêt à l'encontre du conseiller du HKDC @tedhuichifung [14], lequel a appelé à protester contre les prochaines élections du conseil législatif par un boycott ou des votes blancs.

https://t.co/Lp6pX4n19j [15]

— HKDC – Conseil de la démocratie de Hong Kong (@hkdc_us) 29 novembre 2021 [16]

Cependant, la répression exercée sur les campagnes de vote blanc ne suffit pas à faire progresser le pourcentage de votants. Selon une enquête menée par l'Institut de recherche sur l'opinion publique (PORI, Public Opinion Research Institute), la propension des électeurs hongkongais à voter 31 jours avant les élections a atteint son plus bas niveau depuis 1991, soit 52 % [17], ce qui est inférieur de 30 % à la tendance observée lors des élections du Legco menées en 2016, lorsqu'un total de 84 listes de candidats impliquant 200 personnes avaient été enregistrées afin de disputer 35 sièges élus directement dans 5 districts des circonscriptions géographiques.

Les pro-Pékin ont répondu au sondage avec indignation. Le Ta Kung Pao (le plus ancien journal en langue chinoise toujours disponible en Chine), journal financé par l'État chinois, a reproché à PORI de tromper les citoyens et de les inciter à boycotter les élections en intégrant dans son enquête l'option « vote blanc ou nul ». Tom Grundy, fondateur du site d'actualités HKFP, a souligné le caractère professionnel et indépendant de PORI :

@hkporihkpop [18] s'est attiré les foudres du Ta Kung Pao, journal soutenu par Pékin, en affirmant que ses sondages ont « incité et induit en erreur » les citoyens.

Nommez un autre institut de sondage crédible en ville ?
Les instituts équivalents pro-Pékin ne publient pas leur méthodologie et n'ont aucune transparence en matière de propriété et de financement. https://t.co/sakWAzE9Dy [19] pic.twitter.com/KoQqxcN5Rq [20]

— Tom Grundy (@tomgrundy) 24 novembre 2021 [21]

Le vice-président de la All-China Federation of Returned Overseas Chinese (Fédération pan-chinoise des Chinois de retour de l'étranger), Lo Man-Tuen, a également pointé du doigt le PORI et a affirmé [22] [zh] dans un article publié le 29 novembre que Pékin avait observé que des forces étrangères étaient intervenues dans le but de saboter les élections du Legco en lançant des campagnes de boycott.

Simon Peh, commissaire de l'organisme anti-corruption, s'est également fait l'écho [23] des accusations des partisans de Pékin en soutenant que le sondage électoral de PORI avait peut-être enfreint la loi.

Bureaux de vote frontaliers

En parallèle à cette répression, le gouvernement de Hong Kong a choisi de mettre en place trois bureaux de vote frontaliers [24] afin que les 110 000 électeurs domiciliés en Chine continentale puissent voter. Toutefois, les observateurs électoraux et les médias sont tenus à l'écart du processus de vote dans ces centres.

Richard Scotford, défenseur de la démocratie à Hong Kong, a analysé cet aménagement comme un effort visant à gonfler le nombre de votes :

Le gouvernement de Hong Kong : Cette élection risque de devenir très embarrassante puisque personne ne viendra voter.
Le Parti Communiste Chinois : Pas d'inquiétude, nous allons tout simplement faire venir des personnes de Chine pour qu'elles votent. https://t.co/E0Y3ilNXc0 [25]
– RichS 🧡 🧡 (@RichScotford) 29 novembre 2021 [26]

Nathan Ruser, chercheur en cyberpolitique à l'Australian Strategic Policy Institute (Institut australien de politique stratégique), voit dans cette disposition une normalisation du trucage des élections :

Après avoir compris que les Hongkongais n'ont aucune envie de participer à une élection truquée, le gouvernement va faire voter environ 100 000 personnes extérieures à Hong Kong et ainsi tenter de légitimer une élection truquée.

https://t.co/8kdmZ4izmB [27]
– Nathan Ruser (@Nrg8000) 29 novembre 2021 [28]

En effet, cette disposition est très controversée [29] car, selon les règles électorales en vigueur, seuls les citoyens qui « résident habituellement à Hong Kong [30] » ont le droit de voter, alors que rien ne permet de prouver que les 110 000 électeurs de Chine continentale vivent toujours à Hong Kong.

Le dernier sondage réalisé par PORI a révélé que la moitié des résidents locaux [29] étaient hostiles à la mise en place de bureaux de vote frontaliers. Même l'ancien enquêteur en chef de l'ICAC, Stephen Char, s'est inquiété [31] [zh] du fait que l'autorité de lutte contre la corruption n'aurait pas la capacité de surveiller les fraudes électorales en Chine continentale.

Mais, en raison du climat politique actuel, tout résultat d'enquête d'opinion contraire à la politique du gouvernement peut être perçu comme une menace. Jérôme Taylor, journaliste à l'AFP, a ainsi résumé cette tendance politique dans un tweet :

Non seulement il est désormais illégal de pousser les électeurs à voter blanc ou à ne pas voter lors de la prochaine élection des « patriotes seulement » à Hong Kong, mais il pourrait même être illicite d'effectuer des sondages sur les intentions de vote, a averti la Commission indépendante contre la corruption (ICAC, Independent Commission Against Corruption of Hong Kong). https://t.co/dSrT1weTKS [32]
– Jerome Taylor (@JeromeTaylor) 30 novembre 2021 [33]