Global Voices en Français » Hong Kong : les employés de maison étrangers empreints à « une crise émergente » alors que la COVID-19 limite les possibilités de logement et les options de déplacement

J chez son ancien employeur. Photo de Hong Kong Free Press. Reproduite avec autorisation.

Cet article a été publié ^[1] le 17 février 2022 sur Hong Kong Free Press. Il est republié sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

À Hong Kong, une employée de maison originaire des Philippines et âgée de 35 ans a été contrainte de vivre dans la rue pendant deux jours suite au refus de sa demande de visa. Et elle venait d'être testée positive à la COVID-19. Sa situation a suscité une vague de sympathie et a fait l'objet de nombreuses récriminations quant au manque de ressources disponibles pour les migrants à Hong Kong. Par ailleurs un groupe d'appui aux travailleurs migrants parle de « crise émergente ».

J, qui souhaite garder l'anonymat, a déclaré jeudi à HKFP qu'elle vivait dans un parc du quartier de Yau Ma Tei depuis qu'elle a été testée positive au COVID-19, mardi dernier. Suite au refus de son visa, son vol retour vers les Philippines était prévu pour mercredi.

J ne présentait aucun symptôme et l'hôpital, débordé, lui a demandé de s'isoler chez elle. Toutefois la jeune femme n'avait aucun endroit où aller, ayant démissionné de son dernier emploi en raison de mauvaises conditions de logement et un nouveau permis de travail lui ayant été refusé. Selon la loi hongkongaise, les employées de maison doivent « habiter avec » leur employeur.

Elle a demandé de l'aide à la Fédération des syndicats des employés de maison de Hong Kong (Hong Kong Federation of Asian Domestic Workers Unions ou FADWU) qui lui a donné une tente, un sac de couchage, des masques, des produits de toilette et de la nourriture.

« Je suis gelée, il fait un froid de canard. Je ne sais vraiment pas quoi faire, » a déclaré J.

La température à Hong Kong devrait baisser de 10 degrés Celcius pendant le weekend.

Dans un communiqué de presse adressé à Au Ka-wang, le Directeur de l'immigration, FADWU mentionne que la Fédération a tenté de contacter le Centre de protection de la santé (CHP) mais la ligne était sans cesse occupée.

« La Fédération a également contacté la ligne rouge « StayHomeSafe » du ministère des
Affaires intérieures, laquelle lui a répondu que « seules peuvent être assistées les
personnes ayant reçu l'ordre de s'isoler chez elles par le ministère de la Santé ».

Fournitures distribuées à J par FADWU. Photos de Hong Kong Free Press. Reproduites avec autorisation.

FADWU a ajouté que J avait mis fin au contrat la liant avec son ancien employeur faute de logement décent.

D'après une vidéo, J dormait sur le sol, à côté d'un placard à chaussures, d'une machine à laver et d'un sèche-linge.

« Une crise émergente »

Une autre ONG, HELP for Domestic Workers, a depuis contacté J. Manisha Wijesinghe, la Directrice générale
de l'organisation qui a confirmé à HKFP « l'émergence d'une nouvelle crise » suite à la
décision du Gouvernement d'augmenter le nombre de tests de dépistage, laquelle a entraîné une hausse des cas positifs chez les employés de maison.

« Depuis ces deux derniers jours nous recevons de nombreux appels désespérés d'employés de maison qui, suite à un test positif à la Covid-19, n'ont nulle part où aller, » a déclaré Wijesinghe. L‘ONG s'intéresse à cinq autres cas d'employées de maison étrangères qui éprouvent des difficultés à trouver un logement. Trois d'entre elles ont finalement été envoyées au centre de quarantaine de Penny’s Bay, alors que les deux autres ont dû dormir dans des parkings d'hôpitaux.

L'une des deux employées était sur le point de rentrer aux Philippines, mais a testé positif juste avant son vol, alors que l'employeur de l'autre employée lui a interdit de revenir à la maison suite à son test de dépistage positif.

« Nous sommes conscients de la situation et de l'augmentation de ces cas, mais selon moi, le fait que ces employées de maison n'aient nulle part où aller et dorment à la belle étoile met aussi le public en danger. Elles sont atteintes de la Covid-19 et sont en contact direct avec le grand public augmentant de ce fait les risques d'infection, » a déclaré la directrice générale.

L'organisation a confirmé avoir reçu de l'aide de ministères mais les autorités sont « tellement débordées » que les lignes téléphoniques sont souvent saturées.

Wijesinghe a révélé qu'une solution plus durable et à long terme est à l'étude et encourage le public à soutenir les actions de l'ONG. Outre aider les employés à trouver un logement permanent, l'organisation leur propose également des mesures temporaires telles que la distribution de tentes ou de sacs de couchage.

Centre hospitalier Caritas à Sham Shui Po. Photo de Kenny Huang pour Studio Incendo. Reproduite avec autorisation.

« Étant donné l'évolution de la vague Omicron, je pense que la situation actuelle n'est que la face cachée de l'iceberg et va s'aggraver au cours des prochaines semaines, » a déclaré la directrice générale.

HELP for Domestic Workers a plus tard confirmé à HKFP que l'organisation aiderait J à trouver un logement à partir de jeudi soir.

« Totalement dans le noir »

Selon Eni Lestari, Présidente de l'Alliance internationale des migrants (International Migrants Alliance), son organisation a également reçu des appels d'employés de maison indonésiens atteints de la Covid-19, et assiste aujourd'hui au moins deux d'entre eux.

Lestari a déclaré que son organisation, après avoir appelé le ministère, a finalement contacté le consulat indonésien qui a autorisé l'un des employés à s'isoler dans un hôtel agréé.

Eni Lestari, Présidente de l'Alliance internationale des migrants (International Migrants Alliance). Photo de Candice Chau pour HKFP. Reproduite avec autorisation.

Selon la militante, beaucoup d'employés de maison ne pouvaient se fier qu'à leurs employeurs pour obtenir des informations sur l'épidémie de Covid.19 et sur les dernières mesures de distanciation physique.

« La communauté est dans le noir total… nous ignorons les nouveaux changements concernant l'épidémie ou les consignes que nous sommes supposés suivre, » a déclaré Lestari.

La Présidente a également ajouté que depuis la propagation d'Omicron, de plus en plus d'employés de maison n'avaient plus droit à leur jour de repos ou bien encore leurs employeurs leur interdisaient de s'éloigner de la maison.

Hong Kong reported 6,116 new cases of Covid-19 on Thursday, all but nine originated locally. pic.twitter.com/D1lxp0iW5S ^[2]

— Hong Kong Free Press HKFP (@hkfp) February 17, 2022 ^[3]

Le 17 février, Hong Kong a fait état de 6 116 nouveaux cas de Covid-19 dont neuf contractés localement. pic.twitter.com/D1lxp0iW5S ^[2]

— Hong Kong Free Press HKFP (@hkfp) 17 février 2022 ^[3]

Lestari dénonce également l'hypocrisie des employeurs qui limitent les activités sociales de leurs employés de maison : « Pourquoi auriez-vous le droit de sortir, d'aller travailler, de rencontrer vos amis (certains d'entre vous vont encore au restaurant, passent du temps avec vos amis… [et] pas nous ? Je pense que les employeurs hongkongais devraient vraiment se poser des questions… » a-t-elle déclaré.

Depuis le début de l'épidémie il y a deux ans, 37 o71 infections et 242 décès ont été enregistrés à Hong Kong.

Depuis la publication de cet article, HKFP a tenté de contacter le ministère de la Santé qui n'a toujours pas souhaité s'exprimer sur le sujet.