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Invectives, armes nucléaires et Interpol : les dernières nouvelles sur les tensions entre l'Azerbaïdjan et la Russie

Catégories: Asie Centrale et Caucase, Europe Centrale et de l'Est, Arménie, Azerbaïdjan, Russie, Guerre/Conflit, Histoire, Médias citoyens, Politique, Relations internationales

Réunion entre le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan (à gauche), le Président du Conseil européen Charles Michel (au centre), et le Président de l'Azerbaïdjan Ilham Aliyev (à droite) à Bruxelles. Crédit photo, Administration présidentielle d'Azerbaïdjan [1]. Sous licence CC-BY-4.0 [2]

En mars dernier, alors que les tensions s'intensifiaient [3] au Karabakh,  une série de déclarations provocatrices [4] de la part du député russe Mikhaïl Delyagin l'ont mis à froid avec les dirigeants russes ainsi qu'avec les responsables de Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan. Dans une interview télévisée [5], Delyagin a premièrement accusé l'Azerbaïdjan de violation du cessez-le-feu au Karabakh, puis  l'a ensuite qualifié de «satellite des Américains». Enfin, dans un sondage sur sa chaîne Telegram [6], Mikhaïl a sollicité l'avis de ses lecteurs sur la question de l'atomisation de l'industrie pétrolière azerbaïdjanaise par la Russie.

Dans un premier temps, l'Azerbaïdjan a gardé son calme.  Toutefois, trois jours après les propos désobligeants de Delyagin sur la chaîne de télévision russe, le ministère public a engagé des poursuites [7] pénales contre ce dernier, et a par la même occasion sollicité un mandat de perquisition auprès d’Interpol.

La réaction du Kremlin

Kremlin ne s'est pas fait attendre. Dmitriy Peskov, porte-parole du Président russe Vladimir Poutine, a essayé de calmer les tensions par ces propos [8]: «les hommes politiques russes doivent s'abstenir des déclarations émotionnelles sur le Haut-Karabakh, où la Russie fournit de gros efforts afin de normaliser la situation.» De l'autre côté, une porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré [9] : «Nous considérons de telles déclarations comme étant absolument inacceptables et irresponsables. Nous sommes convaincus que de telles déclarations provocatrices feront l'objet d'une évaluation appropriée».

Le 30 mars, l'ambassadeur de Russie en Azerbaïdjan, Michail Bocharnikov, a déclaré [10] que «Les propos de M. Delyagin ne traduisaient pas le point de vue officiel de Moscou et avaient ainsi heurté les relations que partagent les deux pays».

Sur sa page [11] Facebook, Delyagin a publié un semblant d'excuses.

Ma déclaration ainsi que le sondage effectué sur Telegram s'adressaient à une partie de la bureaucratie azerbaïdjanaise, qui a peut-être décidé que, lorsque les forces russes sont détournées par une opération militaire spéciale, ses casques bleus peuvent être négligés. Bien évidemment que, dans le but de se faire entendre, des exagérations doivent être permises. Toutefois, je fais mon mea culpa à tous les peuples (pas seulement les Azerbaïdjanais) qui se sont sentis effrayés, offensés et confus, ou qui ont éprouvé d'autres émotions négatives à la suite de mes propos.

La pomme de discorde

Selon l'armée de l'autodéfense du Karabakh, depuis le 24 mars 2022, au moins [12] 15 soldats arméniens ont été blessés et trois autres tués lors de la reprise du conflit concernant la région contestée du Haut-Karabakh, [13] dont l'Azerbaïdjan en a le contrôle actuel. Cette armée a également affirmé l'existence des victimes du côté azerbaïdjanais, propos qu'a réfuté [12] le Ministère azerbaïdjanais de la Défense.

En référence à l’escalade des tensions dans la région et de la clarification [14] de l'Azerbaïdjan sur « les positions et les emplacements [de ses forces armées] sur le terrain », le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères dans une note publiée le 25 mars a déclaré [15] qu'il n'est pas nécessaire de céder à l’hystérie.

Dans un rapport [16] d'Eurasianet, les autorités de facto du Haut-Karabakh ont en début du mois d'avril accusé l'Azerbaïdjan de bloquer l'approvisionnement en gaz naturel au Karabakh, et ce, une deuxième fois en un mois. Le gaz destiné au Karabakh est acheminé [16] via l'Arménie [17].  Cependant, le gazoduc transite désormais par le territoire contrôlé par l'Azerbaïdjan dont il a reconquis lors de la deuxième guerre du Haut-Karabakh en 2020 [18].

La première perturbation [19] a été signalée le 8 mars et, bien qu'elle ait été rétablie [16] le 19 mars, l'approvisionnement a de nouveau été interrompu le 21 mars. La perturbation avait pour cause l'endommagement [20] d'un gazoduc qui approvisionnaitle Karabakh le 5 mars . Selon un rapport [16] d'Eurasianet, le gouvernement de facto du Karabakh a déclaré [21] dans un communiqué que : «nous avons des raisons suffisantes de croire que, lors des réparations du gazoduc, la partie azerbaïdjanaise a installé une vanne qui a interrompu l'approvisionnement en gaz il y a quelques heures», des accusations qu'a démenties Bakou. Dans une déclaration publiée le 25 mars, le Ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères a souligné [14] que l'Arménie «se servait de la situation comme instrument de manipulation politique» en pointant plutôt le climat glacial et les problèmes techniques comme sources des problèmes d'approvisionnement en gaz.

Le 26 mars, le Ministère russe des Affaires étrangères a prononcé un discours [22] exhortant l'Arménie et l'Azerbaïdjan à faire preuve de retenue. Ses propos faisaient aussi référence à un bulletin d'information [23] du Ministère russe de la Défense daté du 26 mars 2022. Dans ce bulletin, le ministère de la Défense déclarait que : «les forces armées azerbaïdjanaises ont franchi la zone de responsabilité liée à la mission des casques bleus russes dans le Haut-Karabakh et à l'aide d'un drone Bayraktar TB2, quatre attentats ont été perpétrés sur les forces armées situées près du village de Furukh». Ainsi, le Ministère russe des Affaires étrangères accuse [24] l'Azerbaïdjan de violer le cessez-le-feu du 10 novembre 2020.

En retour, le Ministère azerbaïdjanais de la Défense a souligné [25] que cette déclaration russe était unilatérale, et renouvelait par la même occasion l'engagement officiel de Bakou dans le cadre de la déclaration conjointe de cessez-le-feu [26].

Le 27 mars, le Ministère russe de la Défense a indiqué [27] le retrait de la présence militaire azerbaïdjanaise de Farrukh, propos qui ont été réfutés [28] par le Ministère azerbaïdjanais de la Défense, qui en a profité pour confirmer que les positions militaires restent intactes. Dans un communiqué, le Ministère azerbaïdjanais de la Défense déclare [29] : «nous avons le regret de vous notifier que la déclaration du Ministère russe de la Défense du 27 mars est infondée. Les positions des forces armées azerbaïdjanaises demeurent intactes dans le village de Farrukh et sur les hauteurs voisines, qui sont une partie indissociable de notre pays».

Selon [30] l'agence de presse publique russe, TASS, lors d’un discours prononcé le lundi 28 mars, le Ministère arménien des Affaires étrangères a indiqué qu'il attendait des troupes de casques bleus russes une prise de mesure concrète afin d'arrêter et de sécuriser le retour de l'armée de Bakou à leurs positions initiales.

Selon [31] OC Media, le 29 mars, des casques bleus russes ont été déployés au Karabakh afin «d’empêcher toute nouvelle avancée de l'armée azerbaïdjanaise près du village de Parukh (Farukh)».

Pendant ce temps, le 6 avril, à l'issue d'une réunion organisée à Bruxelles par le président du Conseil européen Charles Michel, le Président de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev et le Premier ministre de l'Arménie, Nikol Pashinian se sont engagés à étudier la possibilité [32] d'un «traité de paix» afin de résoudre [33] définitivement le conflit.

D'autres points qui étaient à l'ordre du jour [37] à Bruxelles portaient sur la recherche d'une issue aux problèmes humanitaires, le déminage et le rétablissement des liaisons de transport entre les deux pays. Le président du Conseil européen, Michel a réaffirmé que l'UE était prête à donner des conseils et apporter son soutien en vue de la réalisation de ces étapes.

Cette fois, la Russie est le pays qui a manqué à l'appel. Aussi, aucune mention [33] du groupe Minsk de l'OSCE [38] n'a été faite. Ce groupe qui a accueilli les pourparlers de paix, connus sous le nom de processus de Minsk, depuis la première guerre du Karabakh, était co-présidé par la France, la Fédération de Russie et les États-Unis.

D'après [39] Valiyev, cette situation est directement liée à l'engagement de Bruxelles dans la région qui est devenue plus vitale avec la guerre russo-ukrainienne. «Le Caucase du Sud est important pour l'UE, car il met à la disposition de cette dernière des lignes d'énergie et de transport alternatives. Après la guerre russo-ukrainienne, le besoin de l'UE en sources d'énergie alternatives a grandi et le bloc a commencé à accorder plus d'importance à la stabilité politique dans la région riche en ressources énergétiques», a relevé [39] Valiyev. Bien que la Russie soit absente aux dernières discussions, le porte-parole de Kremlin, Dmitry Peskov a indiqué que la Russie n'a pas salué [40] la bonne nouvelle, il a également souligné «la longue durée» du processus.