Les Jamaïcains endeuillés suite au décès de la défenseure des droits de l'homme Nancy Anderson qui œuvra pour aider les citoyens les plus vulnérables de l'île.

La Jamaïcaine Shanique Myrie devant la Cour de Justice des Caraïbes, avec son avocate Nancy Anderson en arrière-plan. Anderson a représenté Myrie dans une affaire très médiatisée de violation des droits de l'homme, qu'elle a gagnée. Photo prise par le Jamaica Gleaner, utilisée avec autorisation.

Nancy Anderson, militante des droits de l'homme, formatrice et avocate née aux États-Unis, est décédée le 29 novembre à Kingston, en Jamaïque, des suites d'une courte maladie. Diplômée de l'université d'État du Michigan, de l'université de Londres et de la faculté de droit Norman Manley, Nancy Anderson est arrivée pour la première fois en Jamaïque en 1969 . Elle enseigne comme bénévole au sein du Corps de la paix des États-Unis, relié au ministère de l'Éducation. Elle a adopté l'île qui est devenue son foyer et obtient à terme la citoyenneté jamaïcaine. Nancy Anderson a pu exercer en tant qu'avocate en Jamaïque en 1981.

L'avocate Nancy Anderson lors d'un atelier à dans une ambassade en Jamaïque il y a quelques années. Photo prise par Emma Lewis, utilisée avec autorisation.

Peut-être à l'image de sa vie et de son héritage, Mme Anderson est décédée lors de la Journée internationale des femmes défenseures des droits de l'homme, dans le cadre des 16 jours d'activisme. C'est en tant que directrice de la Clinique d'aide juridique de Kingston, de 1990 jusqu'à sa disparition que Nancy Anderson a réalisé un de ses plus grands accomplissements. Elle a facilité l'accès aux services juridiques aux plus démunis en Jamaïque.  Après un passage dans le secteur privé, elle est devenue directrice exécutive du Conseil d'aide juridique du ministère jamaïcain de la Justice en 2002.

Sa compassion et sa détermination en tant que défenseure des droits de l'homme a marqué les esprits. De 2003 jusqu'à son décès, elle a occupé le poste de conseillère juridique au Conseil indépendant de la Jamaïque pour les droits de l'homme – l'ONG jamaïcaine la plus ancienne.  En 2020, les citoyens de l'île font part de leur inquiétude après la publication de rapports indiquant qu'un nombre élevé de détenus souffrants de troubles mentaux étaient toujours emprisonnés. Elle a rejoint le comité du Juge en chef chargé de régler la question en partenariat avec le ministère de la Sécurité nationale :

(1/2) Hier, nous avons officiellement inauguré l'Infirmerie du Centre médical de l'établissement pénitentiaire pour adultes Tamarind Farm. Cet édifice, le premier de ce type, accueillera une vingtaine de détenus alités et infirmes, non admissibles à une libération. pic.twitter.com/dsuoww3KkI

— Andrew Holness (@AndrewHolnessJM) 31 octobre 2021

(2/2) Cette nouvelle structure fait suite à l'engagement pris par le Vice-Premier ministre et ministre de la Sécurité Nationale, M. Horace Chang, après le décès de Noel Chambers au centre pénitentiaire pour adultes de Tower Street (CPATS) en janvier dernier. pic.twitter.com/YFLw15PKvt

— Andrew Holness (@AndrewHolnessJM) 31 octobre 2021

En 2017, Mme Anderson fut agressée physiquement par un détenu souffrant de troubles mentaux, mais elle déclara que cela ne la dissuaderait pas de poursuivre son travail. L'année précédente, elle avait reçu l’Ordre de distinction de la Jamaïque.

Mme Anderson a participé à de nombreuses affaires majeures relatives aux droits de l'homme au sein d'administrations locales et régionales. Elle a représenté  Shanique Myrie et gagné une action judiciaire menée contre le Gouvernement de la Barbade pour motif de détention illégale. Cette affaire très médiatisée a été jugée à la Cour de Justice des Caraïbes. En 2015, Nancy Anderson est autorisée à exercer en tant qu'avocate à la Cour d'appel du Belize. Elle a également participé à la compilation de recueils de lois pour Trinité-et-Tobago ainsi que les Caraïbes orientales. Elle devait comparaître devant la Cour d'appel jamaïcaine le jour de son décès.

L'avocate et animatrice radio Jodi-Ann Quarrie a raconté comment Anderson, alors jeune avocate, lui a ouvert les yeux sur le sort des prisonniers jugés « inaptes à plaider »  laissés à l'abandon dans le système carcéral. Noel Chambers, fut un des cas les plus connus.

Grâce à Nancy Anderson  j'ai pu réaliser que de telles horreurs existaient. Elle m'a emmené à Tower Street pour rencontrer un homme dans cette situation. Ce fut un tournant décisif dans ma vie. Après cette rencontre notre collaboration  a perduré pendant des années. Reposez en paix éternelle, Mme Anderson ??? https://t.co/AZ64HnUbx2

— Jodi-Ann Quarrie (Yoo Need More Jodi) (@yooneedmorejodi) 29 novembre 2021

Un groupe de défenseures des droits des femmes a rendu hommage à Mme Anderson via WhatsApp, rappelant ses activités de réseautage avec plusieurs groupes de pression, ainsi que son soutien aux droits des femmes, aux droits des personnes en situation de handicap et à la santé mentale. Aloun N'Dombet Assamba, éminente avocate, militante des droits des femmes et ancienne haut-commissaire de la Jamaïque au Royaume-Uni, a déclaré à Global Voices :

I met Nancy in 1979 when I went to Norman Manley Law School. She had been in Jamaica for a few years by then. She was associated with [attorneys] Crafton Miller & Co. as a Legal Clerk all through our law school days, and joined his firm on being called to the bar […] I used to see her in London, as she always took her moot court team to visit me on their way back to Jamaica after their matches […] She was so proud of her work tutoring the team as part of her job at the law school. She was a very proud advocate for human rights […] She applied to become a Jamaican as she loved the country and had no intention to go back to live in the U.S.

J'ai rencontré Nancy en 1979, lorsque j'étudiais à la faculté de droit Norman Manley. Elle habitait en Jamaïque depuis plusieurs années déjà. Durant ses études de droit, elle travaillait en tant que conseillère juridique pour le cabinet d'avocats Crafton Miller. Après l'obtention du titre d'avocate, elle continua à exercer chez eux […] J'avais l'habitude de la voir à Londres, car après les procès fictifs  elle venait me rendre visite accompagnée de son équipe avant de retourner en Jamaïque […] Dans le cadre de son emploi à la faculté de droit, elle était chargée de leur supervision. Cette mission et son rôle de défenseure des droits de l'homme la rendaient extrêmement fière […] Elle demanda à obtenir la citoyenneté jamaïcaine car elle aimait ce pays et n'avait aucune intention de retourner vivre aux États-Unis.

Mme Anderson était très impliquée dans d'autres domaines, notamment l'observation des élections. Elle a été directrice de l'Action des Citoyens pour des Élections Libres et Équitables (ACELE) à partir de 2000. L'ACELE lui a rendu hommage sur Twitter, en disant :

Miss Anderson was never afraid of taking on difficult tasks or reluctant to give her services free of costs to the poor when the need existed and the cause was worthwhile.

Mme Anderson n'a jamais eu peur d'entreprendre des tâches difficiles ni hésité à offrir gratuitement ses services aux pauvres lorsque le besoin se faisait ressentir et que la cause en valait la peine.

La volonté d'Anderson de servir – et de partager ses connaissances – ne connaissait aucune limite. Elle a siégé à des conseils consultatifs et à des tribunaux d'examen liés au VIH/sida, à la toxicomanie et à la protection des témoins. De plus, Madame Anderson a fait partie de l'Institut de formation en justice, présidé par le Président de la Cour Suprême, de 2010 à 2016.

Un jeune avocat a exprimé son admiration pour la disponibilité sans pareille d'Anderson :

Nancy se battait sans relâche pour les plus pauvres et dévoua sa vie à aider son prochain…quelle femme admirable

— Less (@_lessismaur) 29 novembre 2021

Le mentorat des étudiants est devenu l'une des grandes passions d'Anderson. Elle a enseigné le plaidoyer et l'éthique à la faculté de droit Norman Manley  de 2009 jusqu'à sa mort, et s'est particulièrement impliquée dans l’équipe de procès fictif de l'école. Cette dernière  rencontra un grand succès et remporta le titre mondial quatre années successives. Elle a été juge au concours mondial de procès simulés des droits de l'homme Nelson Mandela à Genève en 2017, et au concours Jessup de l'Association internationale des étudiants en droit en 2018 et en juillet 2021.

Sur Twitter, les Jamaïcains, en particulier les jeunes avocats qu'elle avait encadrés et inspirés, ont immédiatement rendu des hommages remplis d'émotion. Beaucoup se souviennent surtout d'elle pour sa bonté et son altruisme.

Les étudiants de la faculté de droit Norman Manley ont tweeté :

La FDNM présente ses plus sincères condoléances à la famille et aux amis de Mme Nancy Anderson.⁰
Le temps ne pourra jamais effacer les souvenirs que nous avons créés avec Mme Anderson. Elle a marqué nos vies à plusieurs égards. Nous n'oublierons jamais son impact inestimable. pic.twitter.com/A5uLlhHjjv

— Norman Manley Students Assoc. (@NMLS_Students) 29 novembre 2021

Un professionnel des médias lui a rendu hommage en saluant sa détermination :

Un jour j'entendis parler pour la première fois d'une femme incarcérée dans une prison jamaïcaine depuis plusieurs décennies sans qu'aucun procès n'ai eut lieu. Nancy Anderson était son avocate et travailla sans relâche jusqu'à sa libération. Elle nous manquera. https://t.co/VEh0H3GptV

— YT: News2me (@mediagirlpro) 29 novembre 2021

Un jeune Jamaïcain issu d'un milieu défavorisé a partagé :

Vous m'avez tant appris. Votre gentillesse et votre aide exceptionnelle perdurent dans les esprits et dans les vies de tant de jeunes avocats et d'habitants des quartiers difficiles de Jamaïque. #RIP #NancyAnderson https://t.co/twd20gOelj

— Anthony Williams (@Mr_Suave_Jez) 29 novembre 2021

Leanne Levers, politologue et militante des droits des femmes, a déclaré :

À l'adolescence, lorsque je me suis intéressée aux droits de l'homme, Nancy m'a pris sous son aile, m'a emmené dans les prisons, m'a offert des possibilités de recherche et mon premier véritable stage. Et elle est toujours restée en contact. Je dois tellement à Nancy Anderson. Ce pays lui doit tant. ?

— Leanne Levers (she/her) (@LeaLevers) 29 novembre 2021

Anderson n'était pas du genre à faire de la figuration. Un Jamaïcain l'a résumée simplement :

Nancy Anderson était l'incarnation d'un coeur PUR.

— Anti Jo (@Jodieolivia) 29 novembre 2021

Bien que Mme Anderson ne soit pas née en Jamaïque, son amour et son dévouement pour les insulaires les plus marginalisés, ainsi que ses conseils et ses encouragements à de nombreux jeunes avocats -l'ont rendue populaire auprès de nombreuses personnes, qui regretteront profondément son rôle de championne des droits de l'homme.

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