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Rencontre avec El Hadji Ibrahima DIAGO, militant de la langue wolof

Catégories: Médias citoyens, Peuples indigènes, Rising Voices

Photo fournie par El Hadji Ibrahima DIAGO et utilisée avec autorisation.

Dans le cadre de notre série en cours visant à mettre en exergue le travail des activistes qui font la promotion des langues africaines dans des sphères digitales, nous présentons aujourd'hui El Hadji Ibrahima DIAGO (@elibdiago [1]) qui nous vient du Sénégal.

Ce locuteur wolof [2], langue utilisée par près de 10 millions de locuteurs comme première ou seconde langue au Sénégal et dans d'autres parties de l'Afrique occidentale. Son travail peut être écouté dans le podcast Wolof Tech [3], qui met en avant les initiatives prises en lien avec la technologie.

Rising Voices (RV): Parlez-nous de vous.

El Hadji Ibrahima DIAGO (EHID): I am a computer engineer and podcaster for several years. I am Senegalese and a passionate of new technologies and that since my childhood. I created two years ago, a podcast called Wolof Tech which is a program that talks about new technologies in Wolof, a local language in Senegal spoken by over 90% of the population.

The podcast is organized in several seasons, each of which includes about ten episodes where we invite experts, entrepreneurs, professors, and students to discuss topics in new technologies.

El Hadji Ibrahima DIAGO (EHID): Je suis ingénieur en informatique et podcaster depuis plusieurs années. Je suis sénégalais et les nouvelles technologies me passionnent depuis mon enfance. J'ai réalisé il y a de cela deux ans un podcast qui s’intitule Wolof Tech un programme qui parle des nouvelles technologies en wolof, langue locale du Sénégal parlée par plus de 90% de la population.

Le podcast est organisé en différentes sections, et chaque section comprend une dizaine d'épisodes dans lesquels nous invitons des experts, des hommes d'affaires, des professeurs et des étudiants à parler des nouvelles technologies.

RV: Quel est le statut actuel de votre langue en ligne et hors ligne ?

EHID: Today, in the field of new technologies, the Wolof language is not very well represented. Most of the course materials are in French and English, which excludes a very large part of the population, i.e., the unschooled who represent 53% of the population.

EHID: Aujourd'hui, dans l'environnement des nouvelles technologies, le wolof est peu représenté. La majeure partie du matériel didactique est en français et en anglais, ce qui exclut une part très importante de la population, c'est à dire, ceux qui ne sont pas scolarisés qui représentent 53% de la population;

RV: Qu'est-ce qui te motive à voir ta langue présente dans les espaces numériques ?

EHID: We believe that language is just a tool to access knowledge which is itself universal, it has no color or belonging. We can and must be able to use our mother tongue to access all kinds of knowledge. And this requires an enormous work to make the translation of the contents and the adaptation of some examples for a better understanding of the concepts.

We think that if we can make our populations understand the impact and the interest of these new technologies in their lives, they will be able to have new reflections to improve their life, their work etc…

A collaboration between the experts of the field and the populations in the need of change and evolution will be the beginning of a new era which will lead us towards the true development where all the parts will be implied with a great improvement of the levels of understanding.

EHID: Nous croyons que la langue est seulement un outil pour accéder à la connaissance; qu'elle est universelle, sans couleur et sans appartenance. Nous pouvons et nous devons utiliser notre langue maternelle pour accéder à toute la connaissance. Et cela requiert un travail énorme pour faire la traduction des contenus et l'adaptation de quelques exemples pour une meilleure compréhension de certains concepts.
Nous pensons que si nous parvenons à faire entendre à notre population l'impact et l'intérêt des nouvelles technologies dans la vie quotidienne, nous pourrons avoir de nouvelles réflexions visant à améliorer la vie et le travail de la population, etc…

Une collaboration entre les experts du secteur et les populations qui ont besoin de changement et d'évolution sera le début d'une nouvelle ère qui nous mènera vers le véritable développement où toutes les parties seront impliquées avec une grande amélioration des niveaux de compréhension

RV: Quels sont les défis qui freinent l'utilisation pleine de votre langue en ligne ?

EHID: The Wolof language is not taught at school in Senegal. It is not included in the school curriculum and this is the reason why our people cannot even write words correctly. Thus we notice a certain anarchy in the spelling of words especially in social networks.

EHID: Le wolof n'est pas enseigné à l'école au Sénégal. La langue ne figure pas dans les programmes scolaires et c'est la raison pour laquelle notre peuple n'est pas en mesure d'écrire des mots correctement. On constate une arnaque dans l’orthographe des mots, en particulier sur les réseaux sociaux

RV: D'après vous, quels actes concrets pourraient être posés pour inciter les plus jeunes à apprendre leur langue ou à continuer à l'utiliser?

EHID: The first step is to add Wolof to the list of languages to be learned in school programs up to university level.
It will also be necessary to promote the language through initiatives such as the podcast that we are doing and that is directly aimed at these populations.

Today, as a French speaker in our companies, meetings with the participation of an English speaker turn directly to the use of English as a language of communication. So why not speak wolof between us for a better understanding especially since we have noticed that in some companies employees are often afraid to express the substance of their thoughts because they do not want to make mistakes.

So let's have the courage to value our languages by using them daily and correctly before they disappear. We owe it to the future generation.

EHID: La première étape est d'ajouter le wolof à la liste des langues qui doivent être apprises dans les programmes scolaires jusqu'au niveau universitaire.
Il sera également nécessaire de la promouvoir à travers des initiatives comme le podcast que nous sommes en train de réaliser et qui est directement orienté vers ces populations.

Aujourd’hui, en tant que locuteur français dans nos entreprises, les rencontres auxquelles participe un locuteur anglais sont directement menées en anglais comme langue de communication. Alors, pourquoi ne pas parler wolof entre nous pour une meilleure compréhension d’autant plus que nous avons remarqué que dans certaines entreprises les employés ont souvent peur d’exprimer le fond de leurs pensées parce qu’ils ne veulent pas faire d’erreurs.

Ainsi il faut que nous ayons le courage de valoriser nos langues en les utilisant quotidiennement et correctement avant qu'elles ne disparaissent. Nous le devons à la génération future.