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Cap sur les pourparlers entre les États-Unis et Cuba à propos de l'immigration

Catégories: Amérique latine, Cuba, Médias citoyens, Migrations & immigrés, Politique, Relations internationales

Photo de Pedro Szekely [1]/Flickr [2](CC BY-SA 2.0 [3])

Cet article a été initialement publié dans Periodismo de Barrio [4] et republié dans Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat.

Le 16 mai, le département d'État américain a annoncé [5] une série de mesures visant à « soutenir le peuple cubain, en lui fournissant des outils supplémentaires pour se libérer de l'oppression exercée par le gouvernement cubain et pour accéder à de meilleures opportunités économiques ».

Cette déclaration est intervenue près d'un mois après la reprise [6] des discussions semestrielles sur l'immigration entre les deux pays. Elle précède également la réouverture de la section consulaire américaine à La Havane pour traiter les demandes de visa en nombre limité.

Periodismo de Barrio répond à plusieurs questions pour comprendre les changements intervenus le mois dernier dans la politique américaine concernant Cuba.

Quelles sont les nouvelles mesures adoptées par l'administration Biden ?

Selon le communiqué de presse publié par le Département d'État, ces actions visent à offrir plus de liberté aux citoyens cubains et à leur proposer des perspectives économiques plus favorables. En outre, le Gouvernement américain propose de décupler les services consulaires et les services chargés de délivrer des visas. Il annonce la reprise du programme de regroupement familial suspendu en décembre 2018 durant la présidence de Donald Trump.

Il encourage également la croissance du secteur privé cubain grâce au réseau Internet, aux applications et aux plateformes américaines de commerce électronique. Les États-Unis soutiennent les interactions entre les entrepreneurs cubains et les entreprises américaines en créant de nouveaux moyens de paiement électronique et en élargissant l'accès au commerce et au microfinancement.

Dans le même temps, les États-Unis ont supprimé [7] le plafond trimestriel de 1000 dollars relatif à l'envoi de fonds familiaux. Ils ont déclaré qu'ils continueraient à soutenir les transferts de fonds aux entrepreneurs cubains afin de promouvoir l'expansion de leurs entreprises. Le Gouvernement américain facilitera également les visites familiales à Cuba, les voyages professionnels et autorisera la présence des personnes sur l'île pour enquêter.

Quels sujets ont été abordés lors des pourparlers sur l'immigration ?

Le 21 avril 2022, pour la première fois après quatre ans, des représentants des Gouvernements de Cuba et des États-Unis se sont réunis [6] pour discuter de la mise en œuvre des accords migratoires signés par les deux pays. Depuis les années 1990, ces réunions avaient lieu deux fois par an jusqu'à ce qu'elles soient suspendues par l'administration Trump en 2018.

Les flux migratoires, les mécanismes de lutte contre l'immigration illégale, les retours et le rapatriement des citoyens, ainsi que le rôle des ambassades étaient au programme des questions abordées [8] en avril. Ce dialogue visait à promouvoir une migration légale, ordonnée et sécurisée entre les deux pays.

Les nouvelles mesures du Président Biden et la reprise du dialogue autour de l'immigration peuvent être interprétées comme une stratégie visant à réduire le nombre de migrants qui tentent d'entrer illégalement dans le pays. D'autant plus que ces questions sont abordées en compagnie des dirigeants de pays voisins comme le Mexique [9] et le Panama [10].

Quelles sont les nouvelles mesures adoptées par l'administration Biden ?

Les accords migratoires entre Cuba et les États-Unis comprennent les accords bilatéraux signés en 1984, 1994, 1995 et 2017.

L'accord de 1984 est le résultat de pourparlers entre les deux gouvernements après l'exode massif [11] par le port de Mariel. Cuba avait accepté le retour de 2 746 migrants ayant fui le pays pendant la crise. Ces derniers avaient été qualifiés de criminels et de malades mentaux aux États-Unis.

Les accords de 1994 et 1995 ont été déclenchés par la vague migratoire de 1994, connue sous le nom de « crise des rafleurs » [12], au cours de laquelle environ 30 000 Cubains [13] ont fui le pays par bateau pour émigrer aux  États-Unis.

À l'issue de ces négociations, le Gouvernement s'est engagé à délivrer [13] un minimum de 20 000 visas par an. En mai 1995, les États-Unis et Cuba ont signé [14] un autre document attestant que les Cubains interceptés en mer ou entrés illégalement sur la base navale de Guantanamo seraient renvoyés à Cuba. De son côté, le Gouvernement cubain s'engageait à ce qu'ils ne soient pas poursuivis ou punis pour avoir tenté de quitter le territoire illégalement.

Ces deux accords ont conduit à l'introduction de la politique du « Pied mouillé, Pied sec » [15]. Cet écrit stipulait que les migrants cubains interceptés en mer seraient renvoyés à Cuba et ceux qui parviendraient à atteindre la terre ferme seraient autorisés à rester aux États-Unis.

La déclaration de 2017 [16] signée durant les derniers jours d'Obama à la Maison-Blanche a mis fin à cette politique ainsi qu'au programme de permis pour les professionnels de santé cubains [17]. Créé en 2009 sous l'administration de George W. Bush, il permettait l'entrée aux États-Unis du personnel médical travaillant ou étudiant dans un pays tiers et sous la direction du Gouvernement cubain.

Dans quelle mesure l'immigration illégale de Cuba vers les États-Unis a-t-elle augmenté ?

Le 10 décembre 2018, les services de citoyenneté et d'immigration des États-Unis (SCIEU) ont définitivement fermé [18]  leur bureau à La Havane. Ils avaient presque entièrement suspendu la délivrance de visas depuis décembre 2017, en raison du supposé « syndrome de La Havane » [19].

Toujours en 2018, l'administration Trump a mis fin aux accords d'immigration entre les deux nations et le programme de regroupement familial [20]. La suppression des visas pour les États-Unis associée à la détérioration des conditions économiques [21] sur l'île, a provoqué une augmentation de l'immigration illégale aux États-Unis.

Suite à ces mesures, un article [22] publié par l'Institut Quincy explique que l'immigration légale vers les États-Unis a chuté de 90 %. En 2020, le service américain de douanes et de protection des frontières a renvoyé plus de 14 000 Cubains qui tentaient d'entrer dans le pays sans autorisation. En 2021, ils sont au nombre 39 303. L'Institut Quincy rapporte que durant les premiers mois de l'année 2022, le nombre a doublé, 79 835 immigrants illégaux sont présents sur le territoire américain.

Selon les données [23] de Trac Immigration, en avril 2022, 83 478 Cubains espéraient une réponse  favorable à leur demande d'asile. C'est un record historique, ce chiffre a doublé par rapport à l'année 2021.

Demandes d'asile en attente des Cubains aux États-Unis de 2010 à avril 2022 (Source: Compilé par Periodismo de Barrio avec des données de Trac Immigration.).

En avril 2022, la plupart des immigrés cubains sont situés dans l'État de Floride, soit 60,1 % du nombre total, suivi du Texas (20,8 %) et du Tennessee (3,8 %). Port Rico est l'état le moins plébiscité, avec seulement 0,02% de Cubains présents.

Demandes d'asile en attente des Cubains aux États-Unis, par état (Source: Periodismo de Barrio avec des données de Trac Immigration.).

Contrairement aux exodes massifs des années 1980 et 1990, ces dernières années, les Cubains ont choisi d'entrer aux États-Unis par voie terrestre plutôt que par voie maritime. La suppression des visas [24]  par le Gouvernement nicaraguayen en novembre 2021 leur a permis de se rendre au Nicaragua, puis de continuer jusqu'à la frontière sud des États-Unis.

Un article [25] du Washington Post explique que la plupart des migrants entrent par Yuma, en Arizona, où il existe des brèches dans la clôture frontalière, ou par Del Rio, au Texas, en traversant une partie peu profonde du Rio Grande.