N'utilisez pas le terme « Tatmadaw » pour désigner l'armée du Myanmar

Une parade militaire au Myanmar. Photo par Mil.ru via Wikimedia Commons. Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)

Cet article, écrit par Desmond, a été initialement publié dans « The Irrawaddy » un site Internet indépendant du Myanmar. Cette version éditée est republiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Je ne suis pas un expert militaire, simplement un citoyen qui déteste l'armée de mon pays. Il n'est donc pas surprenant que j'aie du mal à trouver le bon mot pour désigner les forces militaires actuelles du Myanmar.

Mon travail, qui consiste à rédiger des rapports et des analyses périodiques ainsi qu'à préparer des dossiers pour les donateurs et les audiences internationales, m'oblige à apprendre des centaines de termes militaires. Mon superviseur, un anglophone natif, m'a beaucoup aidé, mais nous sommes encore en désaccord concernant le terme à utiliser pour désigner l'armée du Général en chef Min Aung Hlaing, qui a mené le coup d'État au Myanmar en 2021.

Selon moi, il existe deux termes particulièrement troublants utilisés pour décrire l'armée. Le premier est « Tatmadaw », qui signifie, en Birman: « Forces armées royales ». Ce terme était utilisé pour désigner l'armée birmane à l'ère précoloniale, lorsque la Birmanie était encore une monarchie. Le mot « royal » a une connotation glorieuse dans la culture birmane.

Lorsqu'ils couvrirent et discutèrent du coup d'État, plusieurs analystes, et soi-disant experts birmans ont utilisé l'expression: « l'armée du Myanmar, également connu sous le nom de Tatmadaw ». Mais l'utilisation peu scrupuleuse du terme « Tatmadaw » par de nombreux analystes étrangers est incorrecte et offensante. Ce mot est trop flatteur pour décrire l'armée de Min Aung Hlaing, qui n'est, en fait, qu'un groupe d'hommes armés qui tuent leurs concitoyens. Il n'y a rien de « royal » dans les actions de l'armée birmane actuelle.

Le deuxième terme troublant est : « L'armée du Myanmar ou de la Birmanie ». Pour ceux qui sont familiers avec le Myanmar, Myanmar ou Birmanie, tous deux réfèrent au Bama, l'ethnie majoritaire du pays. Cependant, durant la période post-1988, le régime militaire a délibérément propagé le mot « Myanmar » comme terme général pour désigner tous les groupes ethniques. C'était une tentative de manipulation. Les minorités ethniques, dont certaines possèdent leurs propres armées, ne l'ont jamais acceptée. Les armées ethniques, qui ont combattu le régime militaire durant des décennies, utilisent le terme « Armée birmane », c'est-à-dire: les forces armées qui combattent pour le peuple birman, ou Bama.

Cependant, je n'ai jamais eu l'impression que l'armée représentait le peuple birman ou son pays. L'armée n'a que son propre intérêt à cœur, et la seule voix qui s'élève pour prétendre que l'armée représente le pays est celle de la machine de propagande militaire. Et pourtant, elle contrôle le pays depuis six décennies, et il est indéniable que l'armée est majoritairement composée du peuple Bama, et qu'elle impose donc une idéologie bouddhiste birmane.

En tant que Birman, je me suis toujours senti honteux lorsque mes amis ethniques parlaient de « l'armée birmane », car j'avais l'impression qu'ils disaient que mon armée commettait toutes ces atrocités dans les régions ethniques. Mais j'étais impuissant à changer le nom qu'on lui donnait. Plusieurs de mes compatriotes birmans ont également naïvement accepté l'appellation. Mais depuis le coup d'État de l'année dernière, de nombreux Birmans ont eu l'occasion de voir le vrai visage diabolique de l'armée, et plusieurs d'entre eux se battent maintenant contre elle.

Maintenant, nous, les Birmans, n'utilisons plus le terme Tatmadaw. Nous désignons les forces armées par le terme « Sit-tat », ou militaire, sans aucune référence glorieuse. Certaines personnes utilisent également le terme « Sit-kwe », ou chien-soldat, en référence aux militaires étant des chiens qui n'obéissent qu'à leur maître. C'est un terme péjoratif, mais j'ai le sentiment que c'est le terme le plus juste. Un grand nombre de Birmans affirment que nous avons notre propre force militaire à présent: Les Forces de défense du peuple dirigées par le gouvernement d'unité nationale. Nous avons trouvé une alternative miliaire pour remplacer l'ancienne.

Mais dans les reportages destinés aux audiences internationales, qui n'ont pas conscience des antécédents de brutalité militaire de Min Aung Hlaing, le terme Tatmadaw est commun. Utiliser le terme choisi par le régime militaire aide leur propagande en accordant de la crédibilité à la junte en l'acceptant comme digne représentant du Myanmar. Il serait beaucoup plus adéquat que les reporters utilisent le terme Sit-tat.

Plutôt que le terme « force militaire du Myanmar », le mot juste serait « force miliaire meurtrière », ce qui représenterait mieux la vraie nature de l'armée de Min Aung Hlaing. Il serait également important que les journalistes ajoutent une explication décrivant comment l'armée a organisé un coup d'État et renversé le gouvernement élu, et comment elle commet des crimes de guerre à l'encontre de la population.

Je demande humblement aux lecteurs internationaux de faire un effort pour comprendre la situation actuelle. Et le premier pas pour ce faire serait d'utiliser les mots justes pour désigner l'armée.

Desmond étudie le développement international, en se concentrant sur les processus de paix et les questions de transitions.  

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.