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La dot : une tradition changeante en Azerbaïdjan

Catégories: Asie Centrale et Caucase, Azerbaïdjan, Arts et Culture, Education, Femmes et genre, Histoire, Médias citoyens

Image par Gular Abbasova, utilisée avec permission dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Cet article a initialement été publié [1] sur Chaikhana Media. Une version éditée est republiée ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Comme dans de nombreuses cultures orientales [2], en Azerbaïdjan, les parents dotent leurs filles d'articles ménagers, de meubles et de vêtements afin de soutenir leur vie future.

La tradition de la dot en Azerbaïdjan remonte à plusieurs siècles. Au 19e siècle [3], les familles donnaient aux couples tout juste mariés des couvertures, des matelas, des oreillers, des nappes tissées à la main et d'autres petits objets utiles à tout foyer. Selon Mahabbat Pasayeva, auteur de Coutumes et Croyances des Azerbaïdjanais (XIXe et XXe siècles):

Pour commencer, il était important en Azerbaïdjan de préparer (en rassemblant des objets) un coffre de dot pour la mariée. Les éléments les plus précieux de la dot, la robe de mariée, les bijoux en argent, les coiffes et autres objets de valeur, étaient rassemblés dans ce coffre de mariage décoré, une alternative à offrir des meubles. Auparavant, les familles les plus riches donnaient parfois à leur fille des terres dans leur dot, en plus des articles ménagers, des couvertures, et du bétail.

Pendant l'ère soviétique (en particulier les années 1970-1980), les familles étaient intéressées par l'achat de biens importés pour la dot, qui n'étaient pas disponibles à la vente dans les magasins ordinaires, mais étaient accessibles à ceux qui avaient de l'argent à dépenser, selon la sociologue Lala Mehrali :

Les grands magasins avaient des marchandises qu'on ne pouvait pas trouver en entrepôt. Ces dernières étaient également achetées par les familles riches comme dot pour leurs filles. Dans les années 1990, après les [premières] années d'indépendance et la première guerre du Karabakh, le revenu des familles connut une baisse, et bien qu'elles aient essayé d'assembler une dot pour leurs filles, cela créa un certain degré de difficultés financières pour les foyers.

La tradition perdure aujourd'hui, bien que le montant de la dot dépende des moyens financiers de la famille. Certaines familles commencent à créer une dot alors que leurs filles sont très jeunes et ajoutent lentement des éléments au fil des ans. Pour certaines communautés, la taille et la valeur de la dot ont une importance capitale, car les filles dont la dot est jugée trop petite peuvent ne pas être acceptées par leurs beaux-parents. Certaines familles empruntent même de l'argent pour fournir à leurs filles une dot qui sera respectée par la famille du mari.

Avant la pandémie de COVID-19, il était rare de se marier sans célébrer le mariage par une fête. Mais en raison des restrictions imposées, interdisant les grands rassemblements, et de la hausse des difficultés financières, de nouvelles coutumes sont devenues monnaie courante. Au lieu de grands mariages, les familles se sont tournées vers de petites fêtes, et les jeunes mariés, en particulier ceux qui sont déjà économiquement indépendants de leurs parents, ont commencé à se détourner des dots traditionnelles au profit de cadeaux de mariage plus pratiques.

Cette nouvelle tendance a donné un élan à de nouvelles traditions : ce rite de la dot semble s'estomper en raison des défis économiques [4] croissants dans un contexte international où l'inflation est en plein essor, de sanctions contre la Russie et d'une éventuelle récession. Ce projet photographique explore l'évolution des regards sur les dots traditionnelles.

Sara, 17 ans. Village de Kurdakhani.
Image par Gular Abbasova, utilisée avec permission dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Sara : Ma mère fait des achats pour ma dot depuis que je suis petite. Plats, cuillères, casseroles, nappes, lampes… Pour le moment, je n'ai pas l'intention de me marier, je pense à mon éducation. Je me prépare pour mes examens. Mais que faire ? ! Toutes nos mères y sont habituées. C'est une coutume que respectent tous nos proches et nos voisins, dans notre village. Il est courant que les parents commencent à acheter des articles de dot pour leurs filles dès le plus jeune âge de ces dernières. Ma mère pense que si elle constitue ma dot au fur et à mesure, ce sera moins cher. Mais tout change avec le temps, même les traditions.

Aliya, 24 ans. Village de Fatmayi. Image par Gular Abbasova, utilisée avec permission dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Aliya : Lorsqu'une jeune fille se marie, sa famille doit lui fournir la dot et le mobilier. Sinon, les connaissances et les habitants de leur village les jugent. Je me suis mariée en 2021. Avant le mariage, ma belle-mère a dit à mes parents qu'il n'était pas nécessaire d'acheter trop de choses. Un petit meuble, quelques affaires suffiraient. La famille de mon mari est riche. J'allais vivre dans la même maison que mes beaux-parents, une grande demeure avec tout ce dont vous avez besoin pour vivre.

Après quelques hésitations, mes parents ont finalement décidé d'acheter un ensemble de meubles et quelques articles ménagers, sans dépenser beaucoup d'argent.

Turkan, 26 ans, commune de Bina, à Baku.
Image par Gular Abbasova, utilisée avec permission dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Turkan : Lorsque j'étais adolescente, ma mère m'achetait quelques serviettes, une nappe. Un jour, je lui ai dit que j'achèterais moi-même ce dont j'avais besoin. Quand je me suis mariée, je travaillais déjà et je gagnais mon propre argent. Je ne voulais pas être une charge financière pour mes parents. Nous avons célébré notre mariage en petit comité en 2021. J'ai acheté des articles ménagers avec l'argent que j'ai économisé sur mon propre salaire. Les parents de mon mari nous ont également donné de l'argent qu'ils avaient mis de côté pour de l'or. Nous avons acheté d'autres articles ménagers au lieu de l'or. Pour être honnête, nous n'avions pas besoin d'acheter autant de choses. Nous étions satisfaits avec très peu.

Ulkar, 26 ans, Baku.
Image par Gular Abbasova, utilisée avec permission dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Ulkar : Ma dot est composée de très peu de choses. Des antiquités laissées par ma mère et ma grand-mère de leurs propres dots, et le foulard que je porte. Ma mère a acheté une nappe et quelques serviettes. Avec mon mari, nous avons dit à nos parents qu'il n'était pas nécessaire de dépenser de l'argent supplémentaire pour la dot et les mariages. Avec ces fonds, nous pouvons bâtir une entreprise plus rentable, qui sera bénéfique pour notre avenir. Mais à la demande de mon beau-père, nous avons acheté des bijoux en or. C'est une coutume importante dans notre société. C'était une condition irrévocable pour que nous puissions faire ce que l'on voulait.

Gulsara, 30 ans, Baku.
Image par Gular Abbasova, utilisée avec autorisation dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Gulsara : Quand j'étais adolescente, j'ai dit à ma mère qu'il n'était pas nécessaire de m'acheter une dot. Je ne voulais pas que mes parents dépensent leur argent dans des objets. Ma mère m'a donné un tapis Guba (un tapis artisanal et précieux). En plus, j'ai aussi reçu des antiquités ayant appartenu à ma mère et ma grand-mère, et des ustensiles en cuivre. J'ai un souvenir d'héritages familiaux qui reflétaient la culture folklorique et les traditions de ma famille. Voilà ce qui était précieux pour moi. Nous achèterons ce dont nous avons besoin quand nous en aurons besoin, tant que mon mari et moi vivons ensemble.

Afsana, 26 ans, Baku.
Image par Gular Abbasova, utilisée avec permission dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Afsana : Je prévois de fonder une famille dans un futur proche, c'est pourquoi ma mère achète déjà de petits articles ménagers pour ma dot. Elle a fait une liste de ce qui est nécessaire et presque tout ce qui est indispensable pour la vie quotidienne a été acheté. Ce genre de préparatifs ne sont pas mon fort. Je laisse cette tâche à ma mère et à ma sœur. Les ustensiles de cuisine de base, accessoires, vaisselle, serviettes et nappes sont presque au complet.

Nous achèterons probablement des meubles et de l'électroménager avant le mariage. Peut-être que ça ne sera pas nécessaire, si on emménage dans une location entièrement meublée et équipée. Je pense que la pandémie a énormément affecté la tradition de la dot. Il y a cinq, dix ans, les familles faisaient beaucoup de dépenses pour cette dernière, alors que depuis la pandémie, elles ont essayé d'être plus prévenantes. Quand j'ai posé la question à des couples de jeunes mariés, ils m'ont répondu qu'ils arrivaient à vivre avec moins d'argent et d'économies. Certains n'ont même pas organisé de fête pour célébrer leur mariage. J'essaie, moi aussi, d'être prévoyante, et de garder un budget. Je pense que les achats superflus sont une dépense inutile.