Pakistan : les inondations dévastatrices mettent les changements climatiques et la justice climatique sous les projecteurs

A city in the Sindh province of Pakistan covered with flood water in August 2022. Image via Flickr by Ali Hyder Junejo. CC BY 2.0.

Une ville dans la province de Sindh, au Pakistan, presqu'entièrement sous l'eau, en août 2022. Image via Flickr par Ali Hyder Junejo. CC BY 2.0.

Le 25 août 2022, le Pakistan déclarait l'état d'urgence en réponse aux inondations dévastatrices, les pires dans l'histoire du pays. Déclenchées par la mousson, les inondations ont commencé à la mi-juillet de cette année ; mais une vague de chaleur intense a également fait fondre la neige de plus de 7000 glaciers cet été, plus que d'habitude. Les fortes précipitations — cinq à sept fois plus importantes que la normale en août — se sont ajoutées à la fonte des glaciers s'écoulant en aval des montagnes, et ont submergé « un tiers » du pays, touchant 33 millions de personnes. Depuis le mois de juin, au moins 1 486 personnes ont perdu la vie et plus de 12 700 ont été blessées dans les inondations. Le gouvernement pakistanais estime que les dégâts pour le pays s'élèveraient à plus de 30 milliards de dollars américains.

Certains n'ont pas hésité à pointer du doigt la corruption et la mauvaise gestion du pays comme étant à l'origine de la dévastation due aux inondations ; cependant, selon beaucoup, il s'agit d'une des conséquences des changements climatiques. À la fin du mois d'août, les Nations unies et le Pakistan ont lancé un appel urgent aux autres pays pour une réponse mondiale, ainsi que pour réunir un financement d'urgence de 160 millions USD.

Samantha Power, administratrice pour USAID [Agence des États-Unis pour le développement international], a tweeté :

Difficile de saisir l'énormité et la dévastation des inondations au Pakistan. En chiffres : 33 millions de personnes touchées. Plus de 1,300 personnes tuées (⅓ d'enfants). 750 000 têtes de bétail tuées. 1,7 millions de maisons détruites. 17 500 écoles endommagées.
Dans des images saisissantes d'aujourd'hui, d'innombrables villages sont maintenant sous l'eau : pic.twitter.com/fPOSpD2bCh

— Samantha Power (@PowerUSAID) 8 septembre 2022

Des images satellitaires montrent un énorme lac intérieur de plus de 100 kilomètres de large créé par les inondations. Farhan Mahmood, de Lahore, tweete à ce sujet :

Le lac Hamal et le lac Manchar sont reliés l'un à l'autre, et une zone habitée de plus de 100 km est sous l'eau 💔

#FloodsInPakistan#IStandWithImranKhan#پھٹے_ہوئے_بچے#اگ_لگادو_کرپٹ_نظام_کو pic.twitter.com/rQFcsCHZWk

— Farhan Mahmood (@only_farhann) 10 septembre 2022

Asim Jaffry, un Pakistanais, relaie sur Twitter l'appel à l'aide du Secrétaire général de l'ONU, António Guterres :

Lors de sa visite au Pakistan, ravagé par les inondations, #UN António Guterres a lancé un appel pour une aide financière urgente, soulignant que : « aujourd'hui, c'est le Pakistan, demain, ce pourrait être votre pays, où que vous viviez. Il s'agit d'une crise mondiale… elle exige une réponse mondiale. »

#FloodReliefFund2022 #FloodsInPakistan

— asim jaffry (@jaffry05) 12 septembre 2022

Je n'ai jamais vu un carnage climatique de l'ampleur des inondations ici au Pakistan.
Alors que notre planète continue de se réchauffer, tous les pays subiront de plus en plus de pertes et de dommages liés au climat, au-delà de leur capacité d'adaptation.
Il s'agit d'une crise mondiale. Elle exige une réponse mondiale.

pic.twitter.com/5nqcJIMoIA

— António Guterres (@antonioguterres) 10 septembre 2022

Pourquoi les inondations sont-elles si dévastatrices cette année ?

Les événements conduisant à cette catastrophe sentent à plein nez le réchauffement de la planète et les changements climatiques. En mars et avril 2022, l'Inde et le Pakistan ont connu des phénomènes météorologiques extrêmes, entraînant une vague de chaleur sans précédent, certaines villes atteignant une température proche de 50 °C (122 °F). Les météorologues avaient prédit que ces températures élevées entraîneraient des niveaux de pluie « supérieurs à la normale » pendant la saison de la mousson, de juillet à septembre.

Il n'existe pas de données sur la quantité exacte d'eau provenant de la fonte excessive des glaciers s'écoulant dans les rivières, en particulier l'Indus, coulant du nord au sud du pays. En mai dernier, Rina S. Khan Satti, une militante pakistanaise pour la protection du climat, prévenait sur Twitter que la rupture d'un lac glaciaire entraînerait une augmentation du volume d'eau dans les rivières :

Inondation massive provenant du glacier Shishpar à Hunza suite au débordement d'un lac glaciaire. Aucune perte en vie humaine, mais le pont principal de la KKH à Hassanabad s'est effondré à cause du débordement d'aujourd'hui ! Les impacts des changements climatiques, des canicules aux débordements de lacs glaciaires, sont désormais une réalité au Pakistan et vont s'aggraver dans les semaines/mois à venir !

pic.twitter.com/1ZxLJklxSN

— Rina S Khan Satti (@rinasaeed) 7 mai 2022

En juillet 2022, Zia Hashmi, ingénieure en ressources hydriques au Centre d'études sur l'impact du changement mondial à Islamabad, remarquait des débits élevés et une eau boueuse dans la rivière Hunza, située en haute altitude dans la chaîne du Karakoram et se jetant dans le fleuve Indus.

Altamash Javed, un artiste, a tweeté :

C'est la première chose que j'ai observée lorsque j'ai visité le nord du Pakistan.
La fonte visible des glaciers.
🇵🇰 Le Pakistan contribue pour moins de 2% des émissions mondiales mais en paye le prix ultime.
Et cette information n'est pas nouvelle, les scientifiques nous mettent en garde contre ce phénomène depuis des décennies. ⚠️ pic.twitter.com/ubqtcWfOXr

— Λ l (@ALJVD1) 30 août 2022

Parmi les autres facteurs d'inondation, il y a la forte mousson de cette année, influencée par le phénomène climatique La Niña en cours : elle a déclenché des pluies de mousson plus fortes en Inde et au Pakistan. Ajoutées à la fonte des glaciers, les fortes précipitations ont envoyé une grande quantité d'eau dans l'ensemble du réseau hydrographique du pays.

Ce qu'il se passe au #Pakistan est probablement une concaténation catastrophique de multiples facteurs. Une planète plus chaude signifie plus d'humidité dans l'air (+7% tous les 1°C), entraînant des pluies plus extrêmes et des risques d'inondation plus importants. Les précipitations induites par La Niña peuvent être inhabituellement  meurtrières. https://t.co/nJzvdNw9og pic.twitter.com/eihsg8D38H

— Carbon Tracker (@CarbonBubble) 12 septembre 2022

Si les changements climatiques persistent, ces événements extrêmes se produiront plus régulièrement.

Un nouvel appel pour la justice climatique

Les récentes inondations au Pakistan remettent l'accent sur la justice climatique. La journaliste spécialiste du climat, Fatima Syed, s'en est prise directement aux médias internationaux pour avoir ignoré les inondations au Pakistan.

« Alors que le Pakistan se noie, une grande partie des médias internationaux fait une fixette sur le nouveau monarque de son ancien colonisateur à la place. »
Un article incontournable de @emorwee sur la façon dont la monarchie est « antithétique à la justice climatique », parce que si elle se souciait du climat, elle donnerait du pouvoir et de l'argent. https://t.co/HAwW8S1i4Q

— Fatima Syed (@fatimabsyed) 14 septembre 2022

Sana Gondal, urbaniste et spécialiste de l'environnement, ironise :

Déjà épuiséé par l'idée qu'un peuple anciennement colonisé soit invité à « respecter les morts » et que son décès [Élisabeth II] prenne le dessus sur le cycle des informations, comme si les inondations au Pakistan étaient finies. Si vous postez aujourd'hui, postez sur la justice climatique.

— SRG (@SanaRGondal) 8 septembre 2022

L'activiste climatique Emaan Danish Khan tweete à son tour :

La catastrophe climatique du Pakistan n'est rien d'autre que de l'injustice climatique
La carte du haut montre les nations les plus responsables des émissions excessives.
La carte du bas montre les nations les plus touchées par ce phénomène.

@omniaelomrani1 @Cop27P @davidrvetter @ClimateBen @nha3383 @bankimooncentre pic.twitter.com/RhkK1DTZoT

— Emaan Danish Khan (@EmaanzT) 5 septembre 2022

Screenshot from the #PakistanIsOurStory campaign website

Capture d'écran du site de la campagne #PakistanIsOurStory. Autorisation légale.

#PakistanIsOurStory (le Pakistan, c'est notre histoire), un mouvement pour la justice climatique a appelé à des actions de rue et à des rassemblements le 9 septembre 2022 dans plusieurs pays du monde. Ces rassemblements avaient pour but d'exprimer de la solidarité envers les personnes touchées par les inondations au Pakistan. Leur campagne médiatique affirme que « l'histoire est la nôtre, qu'elle ne se passe pas uniquement au Pakistan et qu'elle continuera à se répéter dans d'autres endroits à l'avenir. » La solidarité internationale est nécessaire pour se soutenir mutuellement et arrêter les criminels du climat.

Climate Action Pakistan exprime sa solidarité envers la campagne mondiale #PakistanIsOurStory, exigeant des réparations climatiques et la fin des énergies fossiles.
Nous pensons que le Nord doit être rendu responsable des ravages qu'il a créés au Pakistan. #ClimateReparationsForPakistan pic.twitter.com/LOZ5RQvxIq

— Climate Action Now! → Pakistan (@ClimateActionPk) 9 septembre 2022

Des personnes se sont rassemblées dans des pays comme le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Danemark, l'Allemagne, le Portugal, la Roumanie, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis pour exprimer leur solidarité. De nombreuses images sont disponibles sur leur site Web.

Vendredi, au Capitole américain, en solidarité avec les communautés touchées par les inondations au Pakistan. Les gouvernements des pays du Nord doivent commencer à rembourser leur dette climatique en annulant la lourde dette financière du Pakistan afin que ce dernier puisse se relever.

#PakistanIsOurStory#ClimateJustice pic.twitter.com/Ytlhp9VB7i

— Extinction Rebellion Washington DC (@xr_dc_) 11 septembre 2022

L'activiste climatique Mikaela Loach, du Royaume-Uni, tweete :

Une manifestation de solidarité envers le Pakistan se déroule actuellement devant les bureaux de la Banque mondiale à Londres, appelant à l'annulation de la dette du Pakistan et au paiement des réparations climatiques.

#PakistanIsOurStory #ClimateReparationsNow #DebtJusticeNow pic.twitter.com/L8j9LIGkBf

— Mikaela Loach (@mikaelaloach) 9 septembre 2022

Plus de 4000 personnes ont manifesté en Suède en faveur de la justice climatique aujourd'hui. #ClimateReparationsForPakistan #PakistanIsOurStory https://t.co/h495fy9lqq

— Tabby ❤️✊️🌱✨🧚‍♂️🍉🌈🌍🌹🌞 (@TabbySpence8) 9 septembre 2022

Solidarity with Pakistan by a member of the Extinction Rebellion Rutshuru, North Kivu province of the eastern Democratic Republic of the Congo (DRC). Via the Facebook page of XR Rutshuru DRC. Used with permission.

Solidarité envers le Pakistan exprimé par un membre d'Extinction Rebellion Turshuru, dans la région du Nord-Kivu, à l'est de la République Démocratique du Congo (RDC). Via la page Facebook de XR Rutshuru DRC. Utilisé avec permission.

L'expert pakistanais en gestion des risques climatiques, Ali Tauqeer Sheikh, a indiqué dans une interview accordée au Nepali Times que ces inondations extrêmes allaient s'accroître à l'échelle mondiale en raison du changement climatique, et qu'il est nécessaire d'améliorer la gestion et l'atténuation des inondations. Les autorités ont déclaré que le Pakistan était toujours menacé par les inondations en cours et qu'il faudrait jusqu'à six mois pour que les eaux se retirent de certaines des zones les plus touchées.

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