Cet article a été initialement publié sur Chaikhana Media. Une version éditée a été republiée ici dans le cadre d’un accord de partage de contenu.
Les femmes employées dans l’industrie de la pêche en Géorgie travaillent généralement dans le secteur informel ; ce qui explique la rareté des données disponibles concernant leurs revenus ou leur contribution à la filière. Pourtant, bien que le travail de ces femmes soit souvent méconnu, il est fondamental. En effet, la plupart d’entre elles trient, nettoient, sèchent et vendent le poisson, autant de tâches cruciales dans la chaîne d’approvisionnement des produits de mer. Malgré cela, la différence de salaire entre les hommes et les femmes reste énorme : une femme doit en effet travailler pendant trois ans dans le secteur pour pouvoir gagner le même salaire qu’un homme en début de carrière.
Depuis longtemps, les anthropologues étudient le rôle des femmes dans la pêche, notamment la manière dont ce travail affecte leur mobilité. Dans certaines cultures, depuis toujours, ce sont les hommes qui partent en mer et ont la possibilité de voyager, tandis que les femmes restent sur place, sur la terre ferme. Les anthropologues remettent désormais en question la croyance de longue date selon laquelle le fait de rester sur la terre ferme signifie que les femmes renoncent au pouvoir. Par exemple, dans certaines communautés de pêcheurs, il a été constaté que l’absence des hommes partis de longues périodes en mer avait, au contraire, permis aux femmes de renforcer leur position, leur pouvoir et leur liberté d’agir dans la « sphère privée du foyer ». Voici quelques exemples de femmes qui travaillent aujourd’hui dans ce secteur en Géorgie.
Nona, 37 ans
À Tskaltsminda, un village de l’ouest de la Géorgie, Nona vend du poisson avec une douzaine d’autres femmes, près d’un hangar couvert sur l’autoroute, et ce, par tous les temps. Chaque matin, elles partent à l’aube et travaillent souvent jusqu’à 16 heures par jour. Après ces longues heures éprouvantes passées debout dans la rue, la souffrance physique est encore pire pour les femmes âgées.
Les revenus sont dérisoires ici. Il faut travailler dur pour gagner 10 GEL par jour (environ 3,5 EUR/USD). On sacrifie sa santé et on s’épuise.
Lili, 67 ans
En plus du nettoyage, de la transformation et de la vente du poisson, Lili, avec d’autres pêcheurs, utilise un filet pour récupérer le poisson dans la mer Noire près des villages d’Ureki, Shekvetili et Grigoleti, et dans les rivières voisines Supsa et Natanebi. Lili est économiste de métier et a travaillé pour les secteurs privé et public pendant des années avant de perdre son emploi.
Les temps changent, tout évolue, et moi aussi. J’ai donc dû trouver une solution pour ne pas mourir de faim.
Bien qu’elle travaille du matin au soir avec les autres femmes, ses revenus sont faibles, et elle doit également gérer la ferme familiale.
Lorsque les hommes pêchent du poisson, ils travaillent en équipe, donc ils pêchent beaucoup de poissons et reçoivent plus d’argent. Cependant, ils travaillent en groupe et doivent partager leurs revenus. Et que gagnent-ils réellement au final ?! Ils ont tellement de dépenses ! Ils doivent acheter l’essence et se nourrir. Même s’ils attrapent 100 kilos de poisson, ça ne représente pas grand-chose pour 20 personnes. Au moins, il reste un peu d’argent pour la nourriture. Nous ne souffrons pas de faim.
Iamze, 63 ans
Âgée de 63 ans, Iamze travaille dans la production halieutique depuis 25 ans. Aujourd’hui, elle possède et gère une poissonnerie avec sa sœur, ainsi que trois autres femmes. Iamze a travaillé dans divers endroits au cours de sa carrière. Elle a, par exemple, fait du porte-à-porte pour vendre du poisson qu’elle stockait et transportait dans des caisses. Iamze a également travaillé sur le marché de Kobouleti, une ville de la mer Noire située dans la région géorgienne d’Adjara, où elle vendait du poisson frais qu’elle achetait aux pêcheurs du village.
Un jour, j’ai décidé d’aller faire un essai sur le pont de Maltakva , où j’ai mis provisoirement une table que j’ai recouverte d’une nappe de qualité pour impressionner les gens. Ce jour-là, tous ceux qui passaient en voiture et voyaient mon poisson s’arrêtaient. Je me suis alors dit qu’il était temps de quitter Kobouleti, parce qu’il était évident que je gagnerais plus d’argent sur le pont. J’ai donc créé mon petit point de vente près du pont, où je me suis installée pour travailler. D’autres femmes m’ont rejointe, et nous avons commencé à travailler toutes les quatre ensemble… jusqu’à ce qu’on nous demande de quitter les lieux. Découragées, les autres femmes sont retournées au marché, mais, moi, je suis venue ici, plus près de l’eau, et j’ai loué ce bâtiment.
Maintenant, j’achète du poisson frais aux pêcheurs et je le vends. Il y a du poisson de la mer, mais aussi du poisson pêché dans le lac Paliastomi. Nous attrapons des poissons-chats, des mulets, des saumons et des « barabulka » (mulets de la mer Noire), que nous nettoyons immédiatement après les avoir pêchés. J’envisage maintenant de créer un endroit propre au bord de l’eau, où je ferais frire le poisson que les clients pourraient manger sur place. J’ai l’intention d’employer des jeunes femmes pour m’aider.
Iamze sait combien il peut être difficile pour les femmes de travailler sur le marché. Les conditions de travail sont dures et le salaire est faible. Elle paie les femmes qu’elle emploie 50 GEL par jour (environ 17 EUR/USD), mais lorsqu’elle vend moins de poisson, cela peut baisser à 30 GEL.
Lali, 56 ans
La partie la moins visible de l’industrie, c’est tout le travail nécessaire en amont de la pêche elle-même, tel que le tissage des filets de pêche par exemple.