Macédoine du Nord : le loup pris pour cible et abattu

Un loup de plein pied.

Un loup au zoo de Skopje. Photo de Filip Stojanovski/Global Voices, CC BY.

Cet article est issu d'un reportage original [en] par Meta.mk. La présente version est publiée ici après modifications dans le cadre d'un accord de partage de contenu entre Global Voices et la Metamorphosis Fundation. 

En Macédoine du Nord, le loup (canis lupus) est très largement considéré comme une nuisance. Il est régulièrement abattu, malgré son rôle primordial dans le maintien d'un écosystème sain. C'est l'un des trois prédateurs principaux qui peuplent les montagnes du pays, avec l'ours et le lynx des Balkans. Mais c'est le moins bien protégé des trois.

Les chasseurs sont encouragés à chasser et à tuer l'animal, et reçoivent même une prime quand ils en tuent un. Cependant, des associations de défense de l'environnement alertent sur le déclin de sa population, qui pourrait avoir un impact dévastateur sur l'écosystème montagneux. On estime à un peu plus de 400 loups la population actuelle en Macédoine du Nord. En plus d'être les cibles d'une chasse autorisée, ils doivent faire face à différentes menaces, comme l’hybridation avec les chiens.

Trois loups gris et blancs derrière un grillage.

Des loups capturés, au zoo de Skopje. Photo de Vasil Buraliev, utilisée avec son autorisation.

En vertu de l'actuelle loi sur la chasse [mk] en Macédoine du Nord, le loup, mais aussi le renard, la martre, la belette, et beaucoup d'autres animaux, représentent des proies faciles pour les chasseurs, car il n'existe aucune période de repos interdisant leur chasse. Le ministère de l'Agriculture a même instauré des primes pour tuer les animaux sauvages « dangereux ». Les chasseurs gagnent environ 50 euros [en] (calculé au taux de change à la date de l'article) pour chaque loup tué.

« La loi doit être changée », déclarait Dime Melovski, du Macedonian Ecological Society, dans un communiqué pour Meta.mk, « et la chasse au loup doit être régulée par des interdictions partielles, car sa population dans le pays est en constant déclin. »

Bien qu'une protection permanente ne soit pas une bonne solution d'après lui, il souligne que le gouvernement doit instaurer des périodes de restriction de chasse. Il suggère de mettre en place des quotas pour limiter la chasse, calculés en fonction du nombre précis de loups dans les zones de chasse. Selon Melovski, des méthodes de comptage plus sophistiquées doivent être utilisées, le comptage générique par exemple, car le nombre actuel de loups est très probablement erroné ; il y a un certain chevauchement de nombres, car les loups vivent et se nourrissent dans de très larges territoires. Il ajoute :

We are perhaps among the last countries in Europe where the wolf is considered a pest and the its killing is not limited, and there is a reward, moreover, which serves as an additional motivation for killing wolves, both for the hunters and for the cattle breeders.

Nous sommes probablement l'un des derniers pays en Europe où l'on considère le loup comme nuisible, où on le tue sans restrictions, et où il y a, au-delà de tout cela, une récompense qui motive encore plus à tuer des loups, aussi bien pour les chasseurs que pour les éleveurs.

L'un des problèmes principaux des efforts de protection du loup, selon Melovski, est de lutter contre la publicité ouverte pour un tourisme de chasse [mk], et la séduction de chasseurs étrangers. On doit les arrêter immédiatement. L'absence de toutes restrictions encourage l'organisation de campagnes de chasse, car il n'y a que dans ce pays que les chasseurs étrangers peuvent venir tirer sur un loup.

Les loups de Macédoine du Nord préfèrent généralement un habitat montagneux et forestier, même s'il leur arrive parfois de s'aventurer dans les zones agricoles des plaines autour des villages.

Un jeune loup blanc, sur un monticule de pierres, derrière le grillage du zoo.

Avec le lynx et l'ours, le loup est un prédateur majeur en Macédoine du Nord. Photo d'un jeune loup au zoo de Skopje, par Global Voices/Filip Stojanovski, CC BY 3.0.

Selon Vojo Gogovski, conseiller d'Etat au ministère de l'Agriculture en charge des forêts et de la chasse, la population des loups est stable autour de 400 individus. La Macédoine du Nord héberge la plus grande et la plus ancienne population de loups en Europe. Les comptages sont réguliers, au moins tous les dix ans, dans chaque territoire de chasse du pays. Dans un communiqué pour Meta.mk, Gogovski expliquait :

For big game and small game there is a methodology for collecting data on the quantity that is accepted everywhere in Europe and in our country. A count or estimate of the number can be made, and based on it, the annual growth dynamics are defined. If there is a need, in five years or shorter, the planning documents can be revised.

Pour le petit et pour le gros gibier, il existe une méthodologie de collecte des données de population qui est appliquée partout en Europe et dans notre pays. On peut compter ou faire une estimation du nombre, et sur cette base, les tendances de croissance annuelle sont définies. En cas de besoin, à cinq ans ou moins, nous pouvons revoir les documents du planning.

De nouvelles réglementations de chasse [mk] sont en cours de préparation, incluant un projet de loi qui est en consultation publique depuis avril 2021. Le projet publié répertorie toujours le loup parmi les animaux sauvages non protégés, et autorise la chasse nocturne et l'utilisation de projecteurs. Il permet aussi au ministère de l'Agriculture de distribuer des récompenses.

Il fut un temps où le loup était une espèce protégée, mais selon Gorovski, la population était hors de contrôle à cette époque. Elle attaquait le bétail, et on lui a attribué de nombreuses pertes. Bien qu'il n'y ait pas d'obligation d'étiqueter le bétail, ces chiffres avaient probablement été gonflés car les éleveurs pouvaient recevoir une indemnisation si la perte d'un animal était causée par un loup. Il a déclaré :

There is no one who cares more than us for the protection of the wolf. The real hunters take good care of animals. The population is stable, and that’s because we’re taking care of the game that is its food. But the number must be maintained at a certain level. So far, there has not been a case of the monetary reward being the motive for killing; instead, most often the motive has been the protection of the domestic livestock. I claim that there is no such thing as a classic wolf hunt.

Personne ne se soucie plus que nous-mêmes de la protection du loup. Les vrais chasseurs s'occupent bien des animaux. La population est stable, et c'est parce que nous nous occupons du gibier qui représente sa nourriture. Mais leur nombre doit rester maîtrisé à un certain niveau. Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de cas où la prime avait été la motivation de tuer un loup ; au lieu de cela, le plus souvent l'objectif est de protéger le bétail. Je l'annonce : il n'existe pas de chasse au loup traditionnelle.

L'organisation de défense de l'environnement Eko-svest [mk] (éco-conscience) appelait récemment, lors de la Journée mondiale du loup (le 13 août), à prendre des mesures de précaution pour s'assurer que les loups restent dans nos forêts, où ils ont leur place. Selon les défenseurs de l'environnement, bien que la vie moderne engendre souvent des conflits entre les humains et les loups, ils restent pourtant nécessaires et ont une valeur inestimable pour maintenir l'équilibre de l'écosystème. Leur impact de prédateur modifie le comportement des autres animaux, il protège les forêts des parasites, et protège même les rivières de l'érosion et des dommages. Leur déclaration [mk] disait :

The wolf in this country is placed in the near threatened category (NT). The reason for this is that it is considered harmful wild animal, so commercial hunting is organized throughout the year, and, also new infrastructure projects are fragmenting its habitats. According to the official estimates, over 400 individuals live in our country, but its population is not regularly monitored.

Dans ce pays, le loup est situé dans la catégorie des espèces quasi menacées (NT). Cela s'explique car on le considère comme un animal sauvage dangereux, alors on organise toute l'année des campagnes commerciales de chasse ; on peut aussi l'expliquer par les projets d'infrastructure qui fragmentent son habitat. D'après les estimations officielles, un peu plus de 400 individus vivent dans notre pays, mais sa population n'est pas surveillée de manière régulière.

Une louve allongée dans un trou, derrière les grillages du zoo.

Une louve allongée dans un trou qu'elle a creusé, dans l'enclos du zoo de Skopje. Photo de Vasil Buraliev, utilisée avec son autorisation.

A l'échelle mondiale, le loup est protégé par trois conventions internationales [en] : la Convention de Washington (CITES – Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) ; puis les annexes II, IV, et V de la directive sur les habitats dans l'Union européenne [en]. Il est répertorié parmi les espèces strictement protégées dans l'annexe II de la Convention de Bern.

L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe le loup comme le « moins préoccupant » en Europe, car même s'il est menacé ou vulnérable dans certains pays à l'échelle nationale, il se développe pourtant à l'échelle continentale aussi bien en nombre qu'en couverture de territoire. Néanmoins, la chasse au loup reste autorisée dans de nombreux pays d'Europe qui ne sont pas membres de l'Union européenne, comme la Russie, la Biélorussie, l'Ukraine, la Macédoine du Nord, et l'Albanie. Les loups représentent aussi une attraction touristique dans plusieurs pays, et une chasse réglementée est appliquée en Finlande, en Norvège, en Lituanie, en Lettonie, en Estonie, en Bulgarie, en Roumanie, et en Slovaquie.

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