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L'Arménie et l'Azerbaïdjan reconnaissent leur intégrité territoriale

Catégories: Asie Centrale et Caucase, Europe de l'ouest, Arménie, Azerbaïdjan, France, Dernière Heure, Gouvernance, Guerre/Conflit, Histoire, Médias citoyens, Politique, Relations internationales

Crédit photo : Administration présidentielle d'Azerbaïdjan. Sous licence CC-BY-4.0

Dans un soudain retournement de situation, les dirigeants de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan se sont engagés à reconnaître mutuellement leur intégrité territoriale et leur souveraineté lors du sommet de la Communauté politique européenne [1] à Prague, le 6 octobre. La réunion, qui aurait duré plusieurs heures, a été arbitrée par le président du Conseil européen, Charles Michel, et le président français Emmanuel Macron.

Ce soir, l'Arménie et l'Azerbaïdjan confirment leur attachement à la Charte des Nations unies et à la Déclaration d'Alma-Ata de 1991 par laquelle ils reconnaissent mutuellement leur intégrité territoriale et leur souveraineté.

— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 7 octobre 2022 [2]

Cette réunion a eu lieu quelques semaines seulement après les derniers affrontements à la frontière [3] entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, les combats les plus meurtriers depuis la deuxième guerre du Haut-Karabagh [4] entre les deux pays en 2020. Selon les déclarations des deux pays, plus de 200 militaires ont été tués lors du récent embrasement. Le 15 septembre, les deux pays ont signé [5] un cessez-le-feu, sous la médiation de la Russie.

Une semaine plus tard, les deux pays ont échangé [6] de nouvelles accusations par le biais de déclarations publiées par leurs ministères de la Défense respectifs. Ils se sont mutuellement accusés de la reprise des affrontements du 28 septembre. Selon l'Arménie [7], trois de ses soldats ont trouvé la mort et, de son côté, le ministère de la Défense azerbaïdjanais renvoie la faute [7] de l'incident sur l'Arménie.

Puis, le 2 octobre, des vidéos circulant sur les réseaux sociaux « semblaient montrer des soldats azerbaïdjanais exécutant à bout portant plusieurs prisonniers de guerre arméniens », rapporte [8] Radio Liberty. Kristine Grigoryan, défenseure des droits de l'homme en Arménie, a déclaré [8] que la vidéo avait été filmée le 13 septembre lors de la récente escalade, d'après des enquêtes internes et des reportages [9] d'OC Media. Via un communiqué [10], le ministère azerbaïdjanais de la Défense a annoncé que le bureau du procureur militaire enquêterait sur cette vidéo. Plus récemment, une autre vidéo est apparue [11], « semblant montrer la mutilation d'une femme soldat arménienne par les troupes azerbaïdjanaises au cours des mêmes combats. » Selon les informations [12] de Radio Liberty, des contre-vidéos montreraient des soldats arméniens insultant les cadavres de soldats et de civils azerbaïdjanais. Le représentant spécial de l'UE pour le Caucase du Sud et la crise en Géorgie, Toivo Klaar, demande des enquêtes sur les vidéos :

Aujourd'hui, j'ai reçu plusieurs vidéos montrant apparemment des crimes de guerre commis contre des Azerbaïdjanais. Ces vidéos doivent également faire l'objet d'une enquête et, si elles sont authentiques, les auteurs doivent être tenus pour responsables. Le conflit a laissé des blessures profondes dans les deux camps et pour guérir, les responsables doivent rendre des comptes.

— Toivo Klaar (@ToivoKlaar) 2 octobre 2022 [13]

L'ambassade britannique en Azerbaïdjan a exprimé son inquiétude dans une publication sur Facebook :

Déclaration :
L'ambassade britannique est horrifiée par une vidéo semblant montrer des soldats arméniens capturés et abattus par les forces azerbaïdjanaises.
Nous saluons l'annonce par le bureau du procureur général d'Azerbaïdjan quant à son engagement à mener une enquête approfondie sur cette vidéo. Nous attendons que les résultats de cette enquête soient rendus publics. Nous attendons que toutes les allégations de mauvais traitements, d'abus et d'assassinats sommaires fassent l'objet d'une enquête approfondie par les autorités compétentes.

Le porte-parole du département d'État américain, Ned Price, a appelé à des enquêtes complètes et impartiales sur les vidéos :

Les États-Unis sont profondément troublés par les récentes informations selon lesquelles des soldats azerbaïdjanais auraient exécuté des prisonniers arméniens non armés. Nous demandons une enquête complète et impartiale. Les responsables de ce type d'atrocités doivent être tenus pour responsables.

— Ned Price (@StateDeptSpox) 3 octobre 2022 [14]

Des perspectives de paix sombres mais possibles

En avril 2022, le président de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev annonçait [15] que son pays ne reconnaîtrait pas « l'intégrité territoriale de l'Arménie si Erevan [capitale de l'Arménie] ne signait pas un accord de paix bilatéral conforme aux propositions faites par Bakou. » Cette proposition est basée sur un plan en cinq points [16] comprenant des promesses de reconnaissance de l'intégrité territoriale de chaque pays, la démarcation des frontières, l'ouverture des liaisons de transport entre les deux territoires et un accord d'abstention des menaces.

Ilham Aliyev, quant à lui, a réitéré l'importance de ces principes dans ses réponses aux questions [17] des journalistes le 6 octobre à Prague. « Aujourd'hui, lors de la rencontre avec le président de la France, j'ai vu que ces cinq principes sont acceptés. Ce sont des principes fondés sur les relations entre des États souhaitant normaliser leurs relations », a déclaré le président Ilham Aliyev, ajoutant : « le travail sur le texte de l'accord de paix devrait commencer sur la base de ces principes. »

En Arménie, le plan en cinq points a reçu des réponses mitigées [18]. Si le pays a accepté le plan dans son principe, il a également proposé six points supplémentaires [19].

Pendant ce temps-là, à Prague, la réunion entre les dirigeants de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan a également débouché [20] sur un accord concernant « une mission civile de l'UE le long de leur frontière commune. » D'après une déclaration [21] publiée par le Conseil de l'Europe, le Premier ministre arménien Nikol Pashinian a accepté de « faciliter une mission civile de l'UE le long de la frontière avec l'Azerbaïdjan », tandis que l'Azerbaïdjan a explicité qu'il « acceptait de coopérer avec cette mission pour ce qui le concerne. » La mission débutera en octobre et durera environ deux mois [20].

De plus, le 3 octobre, les ministres des Affaires étrangères arménien et azerbaïdjanais se sont rencontrés à Genève [22] pour donner le coup d'envoi des travaux sur le futur traité de paix. D’après certaines informations [23], l'Azerbaïdjan aurait, le lendemain, rendu 17 prisonniers de guerre à l'Arménie.

Les semaines à venir montreront la volonté des deux pays de parvenir à la paix, malgré les craintes [24] d'une nouvelle guerre.