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Bangladesh : l'élévation du niveau de la mer pousse les femmes à prendre la pilule pour arrêter leurs menstruations

Catégories: Asie du Sud, Bangladesh, Droits humains, Femmes et genre, Médias citoyens, Santé, Green Voices
Une femme et une fille marchant au milieu de la rivière avec une cruche dans les bras [1]

Les habitants de la côte sud des Sundarbans, au Bangladesh, souffrent d'une pénurie d'eau potable pendant la saison sèche en raison de l'augmentation de la salinité des eaux souterraines et de la rivière Satkhira, due à l'élévation du niveau de la mer. Image de Flickr par le Fonds monétaire international [1]. CC BY NC-ND 2.0 [2].

En juillet 2022, Mongabay, la plateforme environnementale à but non lucratif basée aux États-Unis, a publié un article [3] révélant que l'élévation du niveau de la mer fait pénétrer l'eau salée à l'intérieur des terres et dans les sources d'eau douce des villages de Satkhira, près des Sundarbans et du golfe du Bengale, limitant ainsi l'accès à l'eau potable dans ces régions. La conséquence dévastatrice [4] pour les femmes et les filles de la région est qu'elles ne peuvent utiliser que de l'eau salée sale pour nettoyer le linge qu'elles utilisent lors de leurs menstruations ; ce qui les conduit à développer des infections et des maladies. En conséquence, les femmes et les filles de ces régions prennent des pilules contraceptives, généralement volées à des femmes mariées, pour arrêter leurs règles.

Élévation du niveau de la mer et accès à l'eau potable

Le Bangladesh, un delta de faible altitude sillonné de rivières, est l'un des pays les plus vulnérables aux changements climatiques [5] et l'un des plus touchés par l'élévation mondiale du niveau de la mer. Le niveau de la mer dans le pays augmente de 7 à 8 mm chaque année, ce qui expose des millions de personnes au risque [6] d'être déplacées par les inondations. Le Groupe d'experts intergouvernemental des Nations unies sur l'évolution du climat (GIEC) a prédit [7] que si le réchauffement de la planète se poursuivait au rythme actuel, environ 17 % de la population du Bangladesh devra être déplacée au cours de la prochaine décennie.

Le journaliste Rafiqul Montu, spécialiste de l'environnement, nous rappelle le risque auquel le Bangladesh est confronté :

Le Bangladesh est l'un des dix pays du monde menacés par l'élévation du niveau de la mer. Les côtes du Bangladesh sont en grand danger. pic.twitter.com/yWcqn9rv0h [8]

— Rafiqul Montu (@ri_montu) 13 octobre 2021 [9]

L’intrusion saline [10] causée par l'élévation du niveau de la mer et l’élevage irresponsable de crevettes [11] ont durement touché les réserves d'eau potable de la zone côtière du sud-ouest du Bangladesh. Les femmes et les filles de cette région ont des difficultés à accéder à l'eau potable, sans parler de l'eau dont elles ont besoin pour leur cycle menstruel [12].

Menstruations et stigmatisation sociale au Bangladesh

La Banque mondiale estime que 500 millions de femmes [13] et de filles dans le monde souffrent de précarité menstruelle, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas les moyens d'acheter des produits d'hygiène menstruelle, ce qui menace [14] non seulement la santé reproductive des filles et des femmes, mais affecte également leur éducation et leurs moyens de subsistance.

Il n'existe pas de données fiables [15] sur la consommation de serviettes hygiéniques du commerce au Bangladesh. Si l'utilisation est élevée parmi les femmes actives [15] dans la capitale, dans certaines zones rurales, plus de 80 % des femmes [16] utilisent de vieux vêtements à la place des serviettes hygiéniques, une pratique archaïque. Bien que les serviettes hygiéniques commerciales soient de plus en plus accessibles dans les zones rurales, une grande majorité de femmes ne peut se les offrir [17]. Une étude de 2018 [12], intitulée « The Impacts of Climate Change on Water Resources and Human Health » (Les effets des changements climatiques sur les ressources en eau et la santé humaine), a révélé que les femmes et les filles de la côte sud du Bangladesh lavent leurs linges menstruels dans de l'eau salée pour les réutiliser.

Il existe également une stigmatisation sociale [18] liée aux menstruations dans le pays et un manque d'éducation [19] à l'hygiène menstruelle chez les filles : beaucoup considèrent qu'il s'agit d'une maladie et la plupart d'entre elles font preuve d'une grande réserve lorsqu'elles ont leurs menstrues. Les femmes sont extrêmement gênées de laver leurs linges menstruels en présence d'hommes, et même celles qui peuvent se permettre d'acheter des produits hygiéniques les achètent rarement dans les magasins ordinaires.

Avoir ses premières menstrues au Bangladesh : «La vie de nombreuses filles est gâchée par une gestion non hygiénique de leurs menstruations ». Blog invité par Sumit Banik, militant de la santé publique. #MHDay2020 [21] #ItsTimeForAction [22] #periodsinpandemics [23] #MenstruationMatters [24] https://t.co/aKlSo6iaXl [25] pic.twitter.com/FoA6W3BAfz [26]

— Period! (@PeriodMagazine) 27 mai 2020 [27]

Le rapport de Mongabay [3] mentionne que certaines filles prennent des pilules contraceptives pour arrêter complètement leurs cycles menstruels, afin de ne plus avoir à laver leurs vieux chiffons avec de l'eau sale et salée. Elles ont vu leurs aînées souffrir d'infections génitales et cutanées en raison du manque d'accès à l'eau douce. Cependant, la prise de pilules contraceptives peut avoir des effets négatifs à long terme sur leur santé, en augmentant les risques de caillots sanguins et de cancer du sein [28].

L’enquête nationale de référence sur l'hygiène au Bangladesh (2014) [29] montre que 40 % des élèves et étudiantes sont absentes de l'école pendant trois jours en moyenne lorsqu'elles ont leurs menstrues. Les serviettes hygiéniques ne sont pas facilement disponibles dans les écoles ou les lieux publics, car on apprend aux femmes à ne pas parler de leurs menstrues. Une entreprise locale de serviettes hygiéniques a lancé une campagne de responsabilité sociale de l'entreprise [30] à Satkhira, comprenant l'installation de réservoirs d'eau douce pour les femmes et les filles, ainsi que des formations à l'hygiène menstruelle. Certaines ONG locales ont également mis en œuvre des initiatives [31] visant à fabriquer des produits d'hygiène menstruelle abordables. Toutefois, ces solutions ne sont pas suffisantes pour un pays qui compte plus de 83 millions de femmes [32].

L'association de développement international United Purpose a parlé sur Twitter d'une initiative locale visant à fabriquer des serviettes hygiéniques abordables :

Au #Bangladesh [34] , un groupe de femmes a créé le Centre de production de petits vêtements et de serviettes hygiéniques Shopno à Cox's Bazar.

Elles fabriquent des serviettes hygiéniques et des vêtements au centre et veillent à ce que les femmes et les filles de la communauté disposent de serviettes hygiéniques à des prix abordables. 🙌#menstrualhygiene [35] #business  [36] pic.twitter.com/RHfUTWz2IQ [37]

— United Purpose (@United_Purpose) 10 septembre 2021 [38]

Dans la société conservatrice du Bangladesh, peu de gens sont prêts à parler [39] des pratiques sécuritaires d'hygiène menstruelle. En 2015, le ministère de l'Éducation a ordonné que chaque école du Bangladesh dispose d'au moins une toilette pour 50 élèves, un objectif qui n'a pas encore été atteint [40]. Tous ces obstacles doivent être surmontés pour la nécessaire sensibilisation de masse [41] à la gestion de l'hygiène menstruelle au Bangladesh. Toutefois, les changements climatiques et l'élévation du niveau de la mer sont des menaces extérieures que le Bangladesh ne peut résoudre seul.