Australie : l'essor de l'écotourisme, une menace pour ses sites naturels uniques

Phillip Island Penguin Parade Visitor Centre

Phillip Island : centre d'accueil des visiteurs de la parade des manchots – Photo avec l'aimable autorisation de Gerard Reinmuth, via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)

L'écotourisme en Australie, tout comme dans d'autres destinations dans le monde, est l'objet de nombreuses tensions et contradictions. Le tourisme représente un secteur important de l'économie en l'Australie, grâce à ses sites emblématiques tels que la  Grande Barrière de Corail, Uluru et la montagne rouge, et à une faune et une flore exceptionnelles.

Avant la pandémie, le tourisme représentait 3,1% du PIB (entre 2018 et 2019) et 3,3% du taux d'emploi du pays.

Les exemples ci-dessous donnent un bref aperçu des menaces environnementales posées par le tourisme en Australie.

Un sentier transformé en poubelle

Situé dans le centre de l'Australie, le sentier Larapinta, qui s'étend le long de Tjoritja (le parc national de West MacDonnell) à l'ouest d'Alice Springs, est très populaire auprès des randonneurs. Beaucoup d'ailleurs optent pour les voyages organisés qui proposent des séjours dans des campings soit-disant écologiques.

La découverte de déchets et déjections humaines le long du sentier est à l'origine de nouvelles préoccupations environnementales.

J'adore cet endroit magnifique, mais malheureusement il est souillé par le passage de randonneurs. Alors que le sentier ne cesse de gagner en popularité, il est jonché de défections humaines et de papier toilette.

Les formules de randonnées de plusieurs jours, de refuge en refuge, soulèvent les mêmes préoccupations dans d'autres régions du pays.

Le projet de construction d'un complexe écologique près de Great Ocean Road à Victoria, qui abrite les célèbres Douze Apôtres, est un sujet de controverse. Un groupe communautaire, The Save Princetown Wetlands, continue de faire campagne sur Facebook afin de le bloquer.

Infrastructures dans les parcs nationaux

Les logements et autres infrastructures dans les parcs nationaux posent de réels problèmes. Récemment, Eden Gillespie, journaliste au Guardian, a enquêté sur quelques uns de ces parcs et décrit dans un rapport les menaces qu'ils représentent pour l'environnement. Selon Ralf Buckley, professeur à l'Université de Griffith :

The general public is not in favour of these kinds of developments but developers don’t care … They are looking at single visits by wealthy urbanites.

These kinds of developments proposed … I don’t think they’re good for conservation, I don’t think it’s good for equitable public access to parks and I don’t think it’s good for the tourism industry.

Le grand public n'approuve pas ce type de développements touristiques mais les promoteurs s'en fichent…Ils sont destinés à des citadins fortunés qui n'y séjourneront qu'une seule fois.

Le type de développements qui sont proposés…je ne pense pas qu'ils aient un impact positif sur la conservation de la nature, que le public continuera à avoir accès aux parcs, et que le secteur du tourisme en bénéficiera.

Elissa Keenan, directrice générale de Ecotourism Australia, a répondu :

We are advocates for tourism operators in national park areas who adhere to international best-practice sustainability standards

Nous soutenons les opérateurs touristiques qui dans les parcs nationaux respectent les normes internationales de meilleures pratiques en matière de développement durable.

Le Parc national de Kosciuszko est le dernier exemple d'une  communauté divisée sur les problèmes environnementaux et de développement.

Un autre projet de construction a été annoncé pour le lac Malbena situé sur Halls Island dans la zone de nature sauvage de Tasmanie, une région inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Le silence ici est incomparable. La zone de patrimoine mondial la mieux classée de la planète. Si un endroit comme celui-ci devient une destination de vacances pour les riches avec accès par hélicoptère, alors aucun autre site ne pourra être protégé. La cupidité l'emportera. C'est un combat qui en vaut la peine. Merci pour votre aide.

La date limite de soumission du projet était le 19 Octobre 2022 et l'accord du gouvernement fédéral n'a pas encore été donné.

Un an après les  feux de brousse dévastateurs de 2019 et 2020, la professeuse Freya Higgins-Desbiolles a étudié les effets du tourisme sur quelques-unes des îles idylliques d'Australie, notamment l'île Kangourou où le parc national de Flinders Chase mesure encore l'impact de la tragédie.

The most ironic threat is from unsustainable tourism. These islands attract millions of visitors a year keen to experience their natural wonders. Yet often this very “ecotourism” is contributing to their degradation.

Ironiquement, le tourisme irresponsable est la principale menace qui pèse sur l'environnement. Ces îles attirent chaque années des millions de visiteurs avides de découvrir les merveilles de la nature. Mais c'est souvent l'écotourisme qui contribue à leur dégradation.

Au mois de juillet 2022, Mayeta Clark, journaliste de l'émission radiophonique Background Briefing sur ABC, a publié un compte-rendu détaillé de l'impact  du tourisme sur les parcs nationaux. La  piste des Trois Caps en Tasmanie et le Light to Light Walk, une randonnée de plusieurs jours dans le parc national de Beowa (anciennement appelé le parc national Ben Boyd) le long de la côte de la Nouvelle-Galles du Sud seraient les plus touchés. Comme le dit l'un des habitants : « C'est un parc national. Pas un hôtel…»

Bonne nouvelle : une ascension controversée maintenant interdite

Uluru est l'un des sites naturels les plus exceptionnels du continent.  Il est affectueusement surnommé « le rocher » d'après son nom colonial Ayers Rock et s'est retrouvé au coeur d'une polémique lorsque les Aborigènes Anungu, ses propriétaires ancestraux, ont interdit son ascension au public en raison de son importance culturelle et dans un souci de le protéger des dommages environnementaux.

Dernières chaînes de rappel retirées !

Il aura fallu moins de trois semaines pour retirer toutes les chaînes mises en place par le passé pour escalader Uluru, mais il faudra sans doute « des centaines, voire des milliers » d'années pour que le sol retrouve sa couleur rouge naturelle.

Toutefois, pendant la pandémie, un groupe de pression suggéra de réouvrir l'accès du rocher aux grimpeurs pour relancer le tourisme.

Phillip Island : centre d'accueil des visiteurs de la parade des manchots 

Les adorables manchots pygmées de Phillip Island sont un bel exemple de réussite en matière de préservation. En 1985, un programme de rachat de terrains fut introduit dans le quartier résidentiel de  Summerlands, situé près de la colonie de reproduction des manchots, au cours duquel environ 800 propriétés furent achetées. On compte aujourd'hui près de 40 000 manchots reproducteurs sur l'île. Un tout nouveau centre d'accueil des visiteurs ultramoderne fût ouvert en 2019 qui, durant les confinements, diffusait en direct les parades nocturnes des manchots.

L'association Phillip Island Nature Parks se vante d'être une « destination éco-responsable avant-gardiste.»

Budj Bim

Le paysage culturel Budj Bim, exemple d'une nouvelle forme de tourisme, prétend être « un lieu privilégié qui offre aux visiteurs une expérience inédite et authentique d'une culture vivante aborigène, d'une histoire et d'un paysage qui n'existe nulle part ailleurs. » Depuis des milliers d'années, son système ancestral d'aquaculture permet au peuple Gunditjmara de capturer, stocker et récolter des anguilles grâce à la roche volcanique de la région avec laquelle ils construisent des canaux et des barrages. Le Budj Bim est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2019 pour sa valeur universelle exceptionnelle.

Le comité décrit la région comme étant :

Exceptional testimony to the cultural traditions, knowledge, practices and ingenuity of the Gunditjmara [and] an outstanding representative example of human interaction with the environment.

Un témoignage unique des traditions culturelles, du savoir, des pratiques et de l'ingéniosité des Gunditjmara, et un exemple représentatif exceptionnel de l'interaction de l'homme avec l'environnement.

Les touristes peuvent profiter de visites en petits groupes de la zone indigène protégée de Kurtonitj avec de guides aborigènes de la région, sur des sentiers et passerelles aménagés. Le plan directeur 2022-2030 identifie les risques de pollution et de dommages éventuels dans les aires de fréquentation diurne et limitera l'accès des zones affectées aux « visites guidées » seulement. Les touristes ont déjà libre accès à des zones telles que le lac Condah et le lac Surprise et ont la possibilité de camper, de faire de la randonnée et peuvent profiter d'autres activités récréatives. Des hébergements communautaires, de luxe et pour les groupes scolaires sont actuellement à l'étude.

Aujourd'hui, nous célébrons la Journée mondiale de l'environnement dont le thème cette année est « Une seule Terre ». Grâce à la mise en place de nouvelles infrastructures sur des sites clés, les touristes pourront désormais utiliser des passerelles surélevées pour se rendre sur les terres des Gunditjmara, et cela afin d'assurer à tout moment un accès responsable au paysage culturel de Budj Bim.

Une dernière reflexion de Penny qui vit dans la région de Kaurna, berceau de terres traditionnelles aborigènes, près de l'Île Kangourou :

Bataille de longue-haleine contre le projet d'un éco-complexe sur Great Ocean Road

ÉCOTOURISME = Oxymore

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