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Des staycations, cela vous tente ? Cet hôpital kenyan a défié la loi pour annoncer des vacances avec des influenceurs des réseaux sociaux

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Kenya, Médias citoyens, Santé
A photo of a room in a Kenyan Hospital. Image source SIM USA. Attribution-ShareAlike 2.0 Generic (CC BY-SA 2.0)

Une photo d'une chambre dans un hôpital kenyan. Source de l'image SIM États-Unis [1]. Attribution-ShareAlike 2.0 Générique (CC BY-SA 2.0)

Le 28 octobre 2022, l'influenceur kenyan des réseaux sociaux Mungai Eve a publié des photos [2] annonçant un séjour dans une petite clinique externe à la périphérie de la capitale Nairobi. La publication Instagram, qui semble être un engagement rémunéré, a suscité de vives réactions et un débat public en ligne parmi les Kenyans concernant la publicité et les normes éthiques des prestataires de soins de santé.

La clinique, Komarock Modern Healthcare, a un passé controversé de travail avec des influenceurs des réseaux sociaux. Cependant, le Kenya Medical Practitioners and Dentists Council (KPMDC), une autorité statutaire créée pour garantir la fourniture de soins de santé de qualité, n'a ni commenté ni infligé d'amende à la clinique dans le passé ou récemment. Par contre en avril 2021, le Conseil avait infligé [3]une amende à trois hôpitaux pour publicité mensongère .

Komarock Modern Healthcare a également une histoire controversée [4] d'abus médicaux et d'inconduite. La clinique a été accusée de négligence ayant entraîné la mort de patients subissant des poursuites judiciaires, d’anciens patients [4]ayant déposé une plainte officielle auprès du KPMDC contre elle en 2021. Comme le Dr Rowena Njeri [5], une militante des systèmes de santé a conseillé au public de déposer des plaintes officielles auprès du conseil, et de ne pas se contenter de partager leurs histoires et leurs expériences sur Twitter, il reste peu d'informations sur les plaintes officielles déposées par d'anciens patients contre la clinique.

Un staycation à l'hôpital, cela vous dit ?

Dans sa publication sur Instagram, Mungai, journaliste et créatrice de contenu numérique avec plus de 500 000 abonnés sur Instagram, a écrit :

 

View this post on Instagram

 

A post shared by Mungai Eve (@mungai_eve) [6]

Le message qui, au moment de la publication de cette histoire, comptait plus de 21 000 likes, a jusqu'à présent suscité des dizaines de commentaires alors que ses abonnés « essayent et devinent ». Il ne révèle pas qu'il s'agit d'une promotion rémunérée.

Cependant, c'est la question que Muthuri Kinyamu, un expert de l'industrie hôtelière et fondateur de Turn Up Travel, a postée sur sa page Twitter qui a suscité de vifs commentaires tout en soulevant deux questions morales dans le discours public.

L'hôpital Komarock offre-t-il désormais des staycations aux influenceurs ? pic.twitter.com/4ouFYAEEmz [7]

— Muthuri Kinyamu (@MuthuriKinyamu) 28 octobre 2022 [8]

Quelles sont les règles et réglementations pour les prestataires de soins de santé concernant la publicité et l'utilisation d'influenceurs ? Est-il acceptable que les hôpitaux proposent des staycations ?

Tout d'abord, que sont les staycations ?

Staycations : du tourisme à la santé

Les séjours – vacances passées dans son pays d'origine, impliquant plus souvent des excursions d'une journée vers des attractions locales – sont devenus populaires en 2020 à la suite de l'épidémie de COVID qui a restreint les voyages internationaux. Confrontée à une crise du tourisme international qui a duré plus de deux ans, l'industrie hôtelière du Kenya, qui pendant longtemps s’était concentrée et n'avait accueilli que les touristes internationaux, n'a eu d'autre choix que de trouver des moyens innovants d'attirer les citoyens en tant que touristes locaux. Bien qu'elle soit la première destination de voyage en Afrique pour les safaris, l'industrie touristique du Kenya a subi les effets dévastateurs [9] de la pandémie.

À mesure que la demande pour des escapades rapides, mais à des prix abordables a augmenté, les entreprises touristiques ont également senti le besoin de se faire connaître et faire connaitre leur offre de services. Places aux  influenceurs des réseaux sociaux.

Alors que le concept d'utilisation d'influenceurs des réseaux sociaux pour commercialiser des séjours est désormais un pilier de l'industrie hôtelière dans le monde, l'idée qu'un hôpital utilise un influenceur pour faire de la publicité et commercialiser ses locaux pour un séjour semble non seulement absurde mais moralement épouvantable, selon de nombreux Kenyans en ligne qui ont réagi à la publication sur Instagram après Twitter.

Loi sur la publicité des établissements de santé 

L’ article 7 de la loi de 2016 [10] concernant le Conseil des médecins et dentistes interdit aux établissements de santé de faire de la publicité, de solliciter ou d'attirer des entreprises ou des patients lorsqu'une influence indue est exercée par le biais d'avis arrangés. 

  1. Aucun médecin ou dentiste ou établissement de santé ne doit :

chercher à faire de la publicité, solliciter ou attirer des entreprises ou des patients

par l'un les moyens suivants—

Moyens interdits pour

attirer les affaires.

(a) un « intermédiaire » qui équivaudrait à du démarchage professionnel ;

(b) un contact non sollicité ;

(c) des déclarations fausses ou trompeuses, ou lorsqu'une influence indue est

utilisée; et

(d) des renvois arrangés où une commission ou autre est

arrangée ou payée.

(; et des 

(d) avis sollicités avec des commissions arrangées ou payées.

Il n'est donc pas surprenant que de nombreux Kenyans aient rapidement critiqué la pratique de la clinique et que beaucoup d'entre eux ont porté la publicité à l'attention du conseil des médecins pour leur intervention.

Cela me dérange quand les gens veulent investir davantage dans la publicité des influenceurs que dans l'amélioration réelle de la Qualité. Mais le public doit comprendre que les histoires dans la rue ne servent à rien. Veuillez déposer une plainte officielle auprès de @KmpdcOfficial [11] si vous vous sentez outragé de quelque manière que ce soit.

— Dr Rowena Njeri (@footsoldierRow) 29 octobre 2022 [12]

Le marketing d'influence est devenu une industrie de plusieurs milliards de dollars, car les réseaux sociaux continuent de faire partie intégrante de la stratégie des entreprises et des organisations en raison de leur coût de publicité relativement inférieur par rapport aux chaînes Above the Line (au-dessus des lignes) (ATL) telles que la télévision et la radio.

Une étude [13] de Social Publi réalisée en 2019 par la société de recherche GeoPoll a révélé que 93 % des spécialistes du marketing ont utilisé le marketing d'influence. Plus de la moitié des personnes interrogées ont déclaré consacrer régulièrement au moins 10 % de leur budget à la publicité via les réseaux sociaux.

Komarock Modern Healthcare n'est pas [14]la première clinique au Kenya à utiliser des influenceurs pour faire la publicité de ses services, une infraction claire à la loi. Cependant, elle est devenue la plus visible en raison de son engagement auprès de diverses personnalités kenyanes bien connues pour le marketing sur les réseaux sociaux. En s'adressant aux médias en avril [15] de cette année, le directeur adjoint des communications et des relations publiques du KMPDC, Simon Kiraithe, a déclaré :

« L'utilisation de célébrités, d'influenceurs et d'autres personnes connues pour faire de la publicité ou recommander subtilement certains hôpitaux n'est pas conforme aux règles de publicité des médecins et dentistes (praticiens et établissements de santé) du Kenya, de 2016. »

Au-delà de la publication de communiqués de presse, le conseil n'a pas encore créé de précédent qui vaudrait pour les hôpitaux malgré les invitations du public [16]. Tandis que certains se demandaient pourquoi la clinique Komarock Modern Healthcare, avait tant besoin [17] de publicité, d'autres partageaient leur histoire troublante [18] avec cet établissement. De nombreuses autres personnes ont sonné l'alarme [19] concernant la stratégie de marketing agressive de la clinique, certains suggérant qu'il pourrait s'agir de « fumée là où il y a du feu [20] ».