Les récentes révélations de #MeToo orientent le débat public au Népal

Capture d'écran de Khabar Bulletin TV. Utilisée avec permission.

Le Népal s'est vu rappeler une fois de plus à quel point les femmes sont vulnérables au harcèlement sexuel dans la société, les récentes révélations d'une survivante de viol ayant propulsé des dizaines de milliers de manifestants dans les rues de Katmandou pour demander justice. Le 18 mai 2022, une utilisatrice de TikTok , identifiée comme étant une ancienne gagnante de concours de beauté appelée Sushmita, a publié une série de 10-vidéos sur TikTok, dans lesquelles elle partageait ses expériences d'agression sexuelle. Elles sont devenues virales dans tout le pays. Immédiatement, le mouvement #justiceforsushmita a suscité un tollé parmi les jeunes, les militants et les médias nationaux en ligne et hors ligne lorsque la survivante a partagé sur son compte de réseaux sociaux les horreurs qu'elle a vécues il y a 10 ans.

Le photojournaliste Prabin Ranabhat a tweeté :

D'après les vidéos de Sushmita, l'incident s'est produit en 2014, alors qu'elle avait 16 ans. Elle a participé à un concours de beauté, et a été couronnée première dauphine. Après la fin de l'événement, les organisateurs ont organisé une fête. Pendant la fête, l'un des organisateurs l'a droguée et violée dans une chambre d'hôtel. Il a ensuite pris des photos et des vidéos inappropriées et a menacé de les diffuser. L'organisateur l'a fait chanter et a continué à la violer pendant six mois ; elle a également révélé que ses amis la violaient en même temps. Dans sa vidéo, elle a également raconté comment ses collègues de travail l'avaient également violée et harcelée sexuellement.

Après cette révélation et la manifestation nationale, la police népalaise a pris des mesures immédiates et a arrêté l'auteur présumé, qui fait actuellement l'objet d'une enquête de police. Il a également été signalé qu'il a abusé sexuellement de nombreuses autres filles.

Cet incident récent a beaucoup contribué à ouvrir le débat sur les agressions sexuelles ; de nombreux cas circulent sur les réseaux sociaux. Plusieurs jeunes étudiants ont déclaré que leur professeur les avait violés.

L'opinion publique

En réponse, de nombreuses personnes influentes ainsi que le grand public ont manifesté leur soutien à Sushmita sur Twitter.

L'écrivain Buddhi Sagar a tweeté :

Dire qu'aucune plainte n'a été déposée est une autre forme d'ego pour éviter la question. L'organisme concerné ne devrait-il pas aller de l'avant après que la jeune femme ait osé parler en public après des années de harcèlement moral ? Combien d'ennuis seront donnés à la victime en l'appelant à l'intérieur ? #justicepoursushmita

— Buddhisagar (@buddhisagar) 20.05 2022

Miss Népal 2018 Shrinkhala Khatiwada a partagé :

L'ancien président du parti Bibeksheel, Rabindra Mishra, a écrit :

Et si ce cri venait de votre propre maison ? Si tout le monde ne pense pas de la même façon, alors le coup de foudre pourrait frapper notre propre famille. Un sit-in de protestation organisé par des jeunes à Baluwatar pour obtenir justice pour Sushmita. @SamichyaBaskota#JusticeForSushmita pic.twitter.com/gwzko03AMd

— Rabindra Mishra (@RabindraMishra)  20.05.2022

Y a-t-il suffisamment de lois et de règlements pour protéger les victimes de harcèlement sexuel au Népal ?

Le nombre de cas de harcèlement sexuel au Népal a été multiplié par 20 au cours des 25 dernières années ; cependant, seuls quelques-uns d'entre eux ont été signalés. Les célébrités, les hommes politiques et les personnes au pouvoir accusés de harcèlement sexuel ont tendance à s'en tirer facilement.

Selon la loi, le délai de prescription pour le viol au Népal n'est que d'un an, ce qui signifie que la victime doit porter plainte dans un délai d'un an. Cela met en évidence les limites de la loi dans la lutte contre les comportements sexuels répréhensibles au Népal. Les gens protestent et demandent des tribunaux à procédure accélérée et l'élimination du délai de prescription pour les affaires de viol au Népal.

Dans cette affaire, l'accusé a été inculpé en vertu de la loi de 2007 sur la traite et le transport des êtres humains (contrôle) qui est imprescriptible. Bien que le Népal ait révisé ses lois sur le viol, beaucoup estiment qu'elles restent inadéquates.

Les rescapés sont encore blâmés

Dans la société patriarcale népalaise, le viol et le harcèlement sexuel ne rentrent pas dans les cases ; ils sont considérés comme des sujets de discussion impurs et tabous, tandis que les prédateurs continuent de vivre dignement. Tout d'abord, la plupart des violences sexuelles ne sont pas signalées. Les survivants ne se manifestent pas en raison de la honte et de la stigmatisation qui y sont associées ; ils craignent des représailles ou ont peur de ne pas être crus et de voir leur vie bouleversée. En de rares occasions, même si les survivants trouvent le courage de porter plainte, la police et les procureurs sont confrontés à des interférences politiques qui empêchent la justice d'être rendue.

Dans ses vidéos, Sushmita mentionne également qu'elle a contacté Malvika Subba, ancienne Miss Népal et féministe convaincue, après son viol et que Subba ne l'a pas aidée. L'expatrié népalais Sudeep Raj Uprety a reproché à Subba de ne rien faire :

Les conséquences d'un harcèlement sexuel ou d'un viol sont extrêmement difficiles et douloureuses. Elles marquent une personne à vie. La société et le gouvernement devraient leur fournir des soins médicaux et psychologiques afin d'améliorer leur processus de guérison. Malheureusement, de nombreuses personnes adhèrent à l'idée selon laquelle les femmes sont responsables de leur propre agression, et que leur tenue vestimentaire est la principale cause des violences sexuelles. En 2018, une chaîne de télévision népalaise a réalisé une interview vidéo et a demandé comment les gens perçoivent les rescapés de viols.  Dans l'interview, un jeune homme a déclaré que « les émotions masculines peuvent augmenter si les filles portent des vêtements courts. » Dans la même interview, un autre homme d'âge moyen a déclaré qu'« une fois qu'une fille est violée, elle est impure. Comment pouvons-nous la nettoyer à nouveau ? Ce n'est pas acceptable. »
En mars 2022, deux jeunes ont été accusés d'avoir violé et tué un bébé de 18 mois. Comment la tenue vestimentaire des femmes peut-elle être une invitation à cette agression sexuelle ? C'est un statu quo néfaste pour les femmes qui les empêche de vivre dignement dans la société.

Quelle est la suite ?

Les cas de viols au Népal augmentent rapidement, les violences sexuelles deviennent plus courantes qu'on ne peut l'imaginer. Les nombreuses histoires de #metoo qui ont été révélées dernièrement indiquent que la société et la faiblesse des lois ont fait dévier le mouvement #metoo au Népal. Si cet élan a permis une certaine prise de conscience au Népal, il reste beaucoup à faire pour qu'il entraîne un changement systématique durable en matière de violences et d'agressions sexuelles à l'égard des femmes.

Les femmes ont réclamé à cor et à cri une meilleure protection, mais elles sont constamment mises sur la touche, réduites au silence, brimées et déshonorées par la société.

Des pétitions sont signées, des rassemblements sont organisés, le dialogue social fait la une des journaux ; cependant, ces actions ne suffisent pas à apporter un réel changement. Les femmes peuvent être agressées à la maison, à l'école, au travail et dans bien d'autres endroits. Il est donc important d'éduquer la société sur le fait qu'un code vestimentaire ne peut pas empêcher les agressions. Il est nécessaire de créer une éducation complète concernant le harcèlement sexuel à la maison, à l'école et au lieu de service. Il est également important de renforcer le soutien juridique pour lutter contre toute forme de harcèlement sexuel dans la société.

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